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Crédit photo : David Ospina
Dans Limbo, le public est convié à une conférence autour de la démarche artistique de Claude (Raphaëlle Lalande), assistée de ses deux acolytes, Marie-Luc (Karine Gonthier-Hyndman) et Lothaire (Olivier Morin).
Un trio pour le moins complexe dont la nature de leur relation recèle d’ambigüités.
Colocataires, collègues et amis inséparables, leur proximité excessive semble parfois frôler la séduction. Et que dire du mystérieux siège vide à la table dont la simple évocation sème la zizanie, sans que nous sachions de quel disparu on parle réellement?
Autant de faits insolites et étranges peuplent cette comédie existentielle.
Un chaos créatif
C’est en souhaitant aborder ce chaos intérieur que lui inspire sa propre démarche créative qu’Amélie Dallaire a choisi un cadre propice au désordre: la conférence. En jouant avec les problèmes techniques (micro défectueux, mauvais angle du tableau, fouillis de papiers, plan de la conférence égaré), la metteuse en scène installe d’emblée un manque de cohésion auquel s’ajoutent les digressions incessantes des personnages, ceux-ci bifurquant constamment du sujet initial.
La table est mise pour une comédie où les jeux de mots, les quiproquos et les simagrées se succèdent. Si Amélie Dallaire avait comme intention d’illustrer le processus de création dans sa spontanéité, avec ses pages blanches et ses élans de lucidité créative, c’est réussi!
La pièce à laquelle on assiste semble se déployer sous nos yeux. De fait, lorsque le personnage de Claude nous baragouine un charabia complètement décousu, on a l’impression de bénéficier d’un accès direct à sa matière grise.
À ce propos, chapeau bas à Raphaëlle Lalande, qui maîtrise cet amalgame de phrases incongrues et disparates! Un délice pour nos oreilles et celles de Marie-Luc, qui se transforme presque en beatmaker. Enivrée par le tempo des paroles, celle-ci s’exorcise de tout son corps ondulant en se pitchant et en s’enroulant dans le rideau de la scène. C’est carrément du délire, du pur bonbon!
Que doit-on comprendre de cette pièce?
En anglais, le terme «limbo» réfère à une situation incertaine sur laquelle nous n’avons aucun contrôle ou dont nous ignorons le dénouement. Et c’est exactement ce à quoi le spectateur assiste avec cette pièce.
N’essayez pas de comprendre; laissez-vous simplement porter par cette expérience inusitée. Mon conseil: laissez-vous bercer par l’aura de mystère qui plane au-dessus de cette curieuse conférence.
Nagez entre les divagations de Claude, de ses souvenirs d’enfance évanescents où elle présentait du théâtre d’insectes jusqu’à aujourd’hui, où elle vous expose son concept du théâtre d’objets. Votre participation sera d’ailleurs requise lors de ce moment à la fois stupéfiant et carrément hilarant.
Pour ma part, j’estime qu’Amélie Dallaire a réussi à jongler admirablement bien avec l’humour et les malaises. Rien n’a été laissé au hasard pour obtenir les réactions désirées.
Ainsi, malgré quelques longueurs et insistances superflues sur certains gags, ce texte savoureux et déjanté reste un baume délectable en cette fin d’hiver.
Je la recommande surtout pour ses trois acteurs surdoués qui maîtrisent l’art du delivering, comme diraient les humoristes, et qui ont su prouver qu’ils assureraient ce texte complexe jusque dans ses moindres non-dits et dans leurs mimiques.
La pièce Limbo d’Amélie Dallaire, avec Karine Gonthier-Hyndman, Raphaëlle Lalande et Olivier Morin, est à voir jusqu’au 1er mars au Théâtre Aux Écuries. Procurez-vous vos billets en visitant leur site web ici.
La pièce «Limbo» d'Amélie Dallaire en images
Par David Ospina
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