ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Valérie Remise
Je n’ai pas eu la chance de voir la version originale, dont il ne reste apparemment rien dans cette actualisation, qui se décline toujours comme un hommage à l’éducation et aux éducateurs de tout acabit. Douze ans plus tard, le climat social est bien différent, marqué par l’incertitude, financière certes, mais surtout écologique.
Les rares personne autour de nous qui parviendront à accumuler de la richesse pourront-elles en profiter avant que la planète ne brûle?
La scénographie évolutive nous laisse découvrir une grande classe, où trônent des tables et bancs pliants avec lesquelles les interprètes joueront pour séparer l’espace en différentes configurations. Lâché∙e∙s dans cet environnement, vêtu∙e∙s d’uniformes scolaires, habité∙e∙s de l’énergie nerveuse de l’adolescence, les comédiens et comédiennes de notre cohorte traversent moult quiz, épreuves et tests qui laissent entrevoir un futur plutôt sombre.
Mais tout n’est pas noir dans cette création globalement plutôt festive, à la tonalité pleine d’espoir, qui nous offre un bon tour d’horizon des enjeux éducatifs contemporains. Il n’y a pas vraiment ici une histoire qui vous est racontée par le biais d’une structure narrative traditionnelle; on a plutôt droit à une série de sketches éclatés, transportant nos élèves d’une émotion à l’autre, d’une situation grinçante à un bilan révélateur.
Plusieurs citations viennent déstabiliser la distribution – et étourdir les spectateurs et spectatrices – et ont des sources aussi diverses qu’Annie Ernaux ou un participant à Occupation Double.
Certaines épreuves sont marquées par des votes basés sur la popularité d’un(e) participant(e), un processus pas tellement démocratique qui a pourtant cours dans la plupart des écoles. Et c’est ici qu’on réalise que les dynamiques d’injustice et de coins ronds qui s’installent dès le primaire sont aussi présentes à l’âge adulte, dans divers groupes sociaux, dans les entreprises.
Avec une distribution aussi impressionnante – de Sébastien Dodge, Sophie Cadieux, Éric Paulhus, Amélie Bonenfant, Olivia Palacci et bien plus – chaque interprète est excellent – et avec un texte aussi volubile, il est étonnant qu’on parvienne à presque tout saisir, même pendant les moments les plus bordéliques et tonitruants.
Cette machine bien rodée, sensible à l’air du temps, est menée de main de maître, sans jamais vraiment ralentir la cadence, et offre de belles petites illuminations intellectuelles à qui saura les accueillir.
Un cadeau théâtral fort providentiel cet automne.
La pièce «Les mutant.es» en images
Par Valérie Remise
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de la rédaction