ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Yves Renaud
Le théâtre, toujours vivant!
Depuis un an, le monde de la culture – comme beaucoup d’autres secteurs – a été chamboulé et mis au défi dans un contexte hors du commun. Pour les lieux de diffusion, le plus grand enjeu, certainement, a donc été de trouver une autre façon de créer et de présenter des œuvres, alors que les portes des établissements étaient fermées au public. Comme l’explique Olivia Palacci, «on a essayé de trouver une solution pour que le théâtre soit accessible pareil, pour qu’il soit semi-fermé, en quelque sorte.» Avec cet objectif en tête, le TNM a, pour sa part, misé sur un accès virtuel aux coulisses, ce qui est en soi un accès privilégié et inédit pour les spectateurs qui ne connaissent pas nécessairement l’envers du décor…
Ainsi, dans le cadre du laboratoire Abraham Lincoln va au théâtre, la metteure en scène Catherine Vidal a misé sur un concept de «faux making of» documentaire, où son propre personnage est incarné par Olivia Palacci. Tout le long, on assiste aux répétitions et à la conception des costumes, des décors, du maquillage et de l’éclairage de la future pièce, avec l’équipe au complet.
Dès qu’elle a reçu l’invitation, Olivia a tout de suite été enthousiasmée par cette proposition, d’autant plus qu’elle se sent très proche artistiquement de la metteure en scène. «Je joue à la Catherine Vidal telle qu’elle serait à la fin des répétitions, quand elle perd un peu de son côté formel et structuré pour être plus détendue et faire des blagues… En fait, je l’interprète quand elle est complètement lâchée lousse», s’amuse-t-elle.
Un avant-goût de la pièce de Larry Tremblay
Rappelons-le, ce laboratoire donne accès aux répétitions d’Abraham Lincoln va au théâtre, pièce écrite par l’écrivain et dramaturge québécois Larry Tremblay. L’intrigue se situe plusieurs années après qu’Abraham Lincoln (16e président des États-Unis) ait été assassiné par un acteur, et on y découvre un metteur en scène qui décide de revenir sur ce fait à caractère historique sous la forme d’une farce, avec deux comédiens qui campent les rôles de Laurel et Hardy, le tout agrémenté d’une mystérieuse statue de cire.
Mais justement, qu’est-ce qui fascine autant ce fameux metteur en scène dans cette tragédie politique? Pourquoi opte-t-il pour un ton comique, et que renferme cette silhouette de cire?
Outre Olivia Palacci, qui interprète la «vraie» metteure en scène (Catherine Vidal) sur la scène du TNM, on suit ici les comédiens Patrice Robitaille et Didier Lucien (les deux se partageant le rôle d’Abraham Lincoln à la façon d’un jeu de miroir). Par ailleurs, Luc Bourgeois et Mani Soleymanlou interprètent respectivement Laurel et Hardy. Dans cette configuration d’expérimentation, il est intéressant de voir le jeu de ces talentueux artistes et d’avoir un avant-goût de la pièce, sans que le punch ne soit jamais révélé.
Ne pas (toujours) aller dans le sens des mots
Sans aucun doute, Olivia Palacci est très enthousiaste à l’idée de présenter le concept où l’équipe explore différentes propositions de mise en scène et de scénographie. «Tout est un choix artistique!», affirme-t-elle. «Un texte, on peut le détruire comme le bonifier, on peut aller complètement ailleurs. Et on n’est d’ailleurs pas toujours obligés d’aller dans le sens des mots.»
De cette façon, le spectateur a la chance de découvrir un mois de recherches condensé en 60 minutes. Tour à tour, on s’approche des comédiens, des techniciens et des concepteurs. Pour mieux cerner la façon dont c’est réalisé, notre interlocutrice nous cite l’exemple de la statue de cire.
«À un moment, on introduit Julie Charland – qui s’occupe des costumes – à la caméra. Une question se pose quant à une statue de cire qui est présentée sur scène et qui doit être jouée par Patrice Robitaille. La discussion s’ouvre alors avec Julie pour trouver une façon de mettre Patrice à l’intérieur de cette statue. J’explique aux spectateurs les diverses propositions faites par Julie, telles que: concevoir une statue de cire style Musée Grévin; réaliser une statue de cire un peu plus poétique en cire blanche; ou encore mouler le corps de Patrice Robitaille en latex pour en faire une sorte de mannequin. Et tous ces aspects sont détaillés dans le documentaire!»
La magie aléatoire du théâtre
Pour conclure, Olivia tient à rappeler que l’art du théâtre dans sa globalité ne se résume pas aux acteurs. Pour que la magie opère, selon elle, il faut une multiplicité de choix qui fonctionnent tous ensemble, jusqu’à ce que la petite étincelle se déclenche. «C’est la beauté de la chose, il faut que la magie opère et que ça lève. Il faut que tous les aspects soient vraiment bons pour que l’ensemble fonctionne bien. Dans le labo, on découvre tous ces petits rouages.»
Elle rappelle donc la chance offerte au public de saisir cette imbrication subtile, mais nécessaire. «À ma connaissance, il n’y a pas beaucoup de réalisations documentaires aussi poussées qui aient été faites à ce sujet», termine-t-elle avec enthousiasme!