«L'entrevue éclair avec...» Charlotte Gagné-Dumais, metteur∙e en scène et directeur∙ice artistique du Théâtre des Trompes – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Charlotte Gagné-Dumais, metteur∙e en scène et directeur∙ice artistique du Théâtre des Trompes

«L’entrevue éclair avec…» Charlotte Gagné-Dumais, metteur∙e en scène et directeur∙ice artistique du Théâtre des Trompes

«Humeurs de Veuve», la langue d'Hervé Bouchard du livre à la scène

Publié le 11 février 2025 par Éric Dumais

Crédit photo : Charlotte Gagné-Dumais

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd'hui, on a jasé avec Charlotte Gagné-Dumais, l'un des visages de la compagnie de création théâtrale féministe Théâtre des Trompes, pour en savoir plus sur leur plus récente création, intitulée «Humeurs de Veuve». Dans ce solo mettant en vedette la comédienne Marilyn Perreault dans le rôle de la Veuve Manchée, la parole hybride de l'écrivain Hervé Bouchard trouvera un écho puissant et retentissant sur la scène du Théâtre Aux Écuries, et ce, dès le 18 février.

Charlotte, tu es metteur∙e en scène, directeur∙ice artistique et co∙directeur∙ice général∙e de la compagnie de création féministe Théâtre des Trompes, que tu as cofondée aux côtés de ta collègue Laurence A. Clavet qui assure quant à elle la codirection générale et la direction administrative. Parle-nous brièvement des moments charnières de ton parcours et des occasions qui t’ont mené∙e là où tu es aujourd’hui.

«Mon parcours artistique est intrinsèquement lié à mes études universitaires. D’abord, parce que mes premières créations ont vu le jour dans mes cours de cinéma à l’Université de Montréal – notamment avec Antoine Amnotte-Dupuis, concepteur audiovisuel du Théâtre des Trompes et concepteur vidéo pour Humeurs de Veuve, avec lequel je collabore depuis 2011! Puis, j’ai commencé à faire de l’assistance à la mise en scène et de la conception pour des spectacles de la troupe Théâtre de l’Université de Montréal (TUM) qui a été, à bien des égards, mon école de théâtre.»

«J’ai effectué un parcours universitaire centré sur la recherche-création grâce à ma maîtrise en cinéma et à mon doctorat en théâtre. Ces deux arts se sont toujours entrecroisés. C’est ce qui me distingue. C’est entre autres pourquoi plusieurs des spectacles des Trompes sont issus de cet amalgame-là!»

«D’ailleurs, cet échange entre la théorie et la pratique a grandement nourri le Théâtre des Trompes. Charlotte Moffet, conseillère dramaturgique, et Antoine Amnotte-Dupuis, ont eux aussi un parcours en recherche-création. C’est visiblement dans l’ADN de la compagnie!»

L’équipe du Théâtre des Trompes. Photo: Arach’ Pictures

Votre compagnie se dote, depuis sa création en 2015, d’un mandat féministe, «une valeur fondamentale à sa démarche qui se pense à travers le concept de l’hybridité: présence scénique et filmique de l’interprète, intellectualisation et instinct; théâtre et performance.» D’abord, parle-nous de cette impulsion viscérale que vous avez ressentie, Laurence et toi, lorsque vous avez eu l’envie irrépressible de fonder votre compagnie, et dis-nous-en plus sur les valeurs et les thèmes qui teintent vos créations.

«Nous avions fait quelques projets ensemble avec Posthume (une troupe de théâtre amateur fondée par des ancien·nes interprètes du TUM) et nous avions envie de passer du côté professionnel pour gagner en indépendance et en créativité. Nous étions aussi à des moments charnières de nos parcours académiques: Laurence commençait ses études en droit, et moi j’étais fraîchement inscrit·e à la maîtrise en cinéma; on tenait à ce que le théâtre prenne tout de même une grande place dans nos vies, tout en créant à notre propre rythme.»

«En cinéma, je me suis retrouvé·e souvent à travailler avec des hommes. J’avais envie de renverser ces habitudes et donc de m’entourer de femmes. C’est pourquoi notre première création, Détrompe-toi, ne comportait que des actrices et des textes écrits par des autrices. Depuis, on continue de privilégier une équipe composée majoritairement de femmes et de personnes queer. Il était capital, pour nous, que le féminisme n’anime pas que le sujet de nos spectacles, mais aussi le fonctionnement interne de la compagnie.»

«Et, comme je le disais plus haut, l’hybridité (entre les médias, entre la théorie et la pratique) est essentielle à notre processus de création.»

Affiche officielle du spectacle «Humeurs de Veuve», présenté du 18 février au 1er mars au Théâtre Aux Écuries.

En 2021, vous avez présenté au Théâtre Aux Écuries le spectacle Plein tube, une adaptation du roman Mailloux de l’écrivain saguenéen Hervé Bouchard, un texte paru chez Quartanier en 2006, mais sorti à l’origine en 2002. À cette époque pas si lointaine, vous aviez le désir d’entamer un cycle de création autour de l’œuvre de l’écrivain, qui est également professeur de lettres au Cégep de Chicoutimi. Et voilà qu’avec Humeurs de Veuve, un solo qui met en scène l’interprète Marilyn Perreault – reconnue pour son jeu physique, vous mettez le point final à ce projet si cher à vos yeux. Pourquoi l’œuvre d’Hervé Bouchard a-t-elle trouvé un écho si puissant en vous?

«Bouchard est, selon moi, un auteur de l’hybridité avant tout. Il joue avec les conventions de différents genres littéraires. Ça m’a tout de suite parlé, car l’hybridité est importante dans ma propre démarche.»

«Ensuite, quand j’ai lu Mailloux, j’ai tout de suite pensé à Maxime Brillon, qui interprète le personnage dans Plein tube. Je lui ai dit: “J’ai trouvé un personnage qui parle comme toi!” Il fallait absolument mettre cette rencontre entre le comédien et le personnage sur scène.»

«Puis, je me disais que l’écriture d’Hervé Bouchard était trop belle pour qu’on en arrête là. C’est un défi de la mettre en scène, car elle est dense et inusitée, mais les défis sont source de créativité. On tenait à faire entendre cette langue au public, puisque c’est une écriture de la parole: il faut l’incarner pour que ses mots résonnent pleinement.»

«C’est ainsi que les textes de Bouchard sont devenus notre terrain de jeu pendant plusieurs années.»

Présenté du 18 février au 1er mars, Humeurs de Veuve est une rare opportunité pour le public d’entendre sur la scène du TAÉ la langue «inventive et foisonnante» de l’écrivain québécois, «une langue à part entière au même titre que celle de Ducharme, Beckett ou Novarina». Sur scène, Marilyn Perreault se glisse dans la peau de la Veuve Manchée, «prisonnière de sa robe de bois, de laquelle ne sort que sa tête, qui entame aux funérailles de son mari un long monologue et raconte des histoires de famille au public venu assister à cette étrange commémoration.» Toi qui signes l’adaptation de ce texte avec Charlotte Moffet, dis-nous à quel genre de spectacle doivent s’attendre nos lecteurs et lectrices! Et mets-leur l’eau à la bouche, surtout!

«Le personnage de la Veuve Manchée est tiré de Parents et amis sont invités à y assister d’Hervé Bouchard, un texte qui comprend plusieurs autres membres de la famille Beaumont. Charlotte et moi avons choisi de nous concentrer sur ce personnage pour la mettre en valeur. C’est une femme intelligente et forte, mais aussi fatiguée et incomprise. On lui offre donc un espace de prise de parole juste pour elle!»

«En plus de livrer un monologue exigeant, la performance de Marilyn est impressionnante, car ses mouvements sont bien limités par la robe en bois. Malgré cela, elle parvient à transmettre toutes les humeurs du personnage. C’est très émouvant.»

«Sa performance est soutenue par les différentes conceptions (sonore, lumière et vidéo), qui permettent d’ouvrir l’espace et de faire voyager.»

«Pour finir, la langue de Bouchard est poétique, mais aussi ludique: elle joue des tours aux spectateurices! C’est une rare occasion de l’entendre sur scène et de se laisser porter par elle.»

La comédienne Marilyn Perreault dans «Humeurs de Veuve».

Et un coup le rideau refermé, avec quelles émotions ou sensations espères-tu que les spectateurs et spectatrices repartiront du théâtre?

«J’espère qu’iels ressortiront avec de l’émerveillement: pour la langue d’Hervé Bouchard, mais aussi pour l’univers dont on ne dévoile qu’un morceau dans cette mise en scène. J’espère que les spectateurices auront envie de découvrir le reste de son monde et de ses personnages, car ça vaut vraiment le détour! J’espère aussi qu’iels auront une forme d’empathie pour le personnage de la Veuve Manchée et, s’iels ne s’y reconnaissent pas directement, j’espère qu’iels y reconnaitront leur mère, leur tante, leur grand-mère, leur amie.»

«Il y a dans ce rôle une image de notre héritage et il est important de lui rendre hommage.»

«Finalement, je souhaite que le spectacle provoque un sentiment d’étrangeté: on est dans un monde familier, mais pas tout à fait réaliste; il faut se laisser flotter!»

Sans plus tarder, procurez-vous vos billets pour Humeurs de Veuve, la plus récente création du Théâtre les Trompes mettant en vedette Marilyn Perreault, qui à l’affiche du Théâtre Aux Écuries du 18 février au 1er mars! Et pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec Théâtre Aux Écuries.

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