ThéâtreL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Karine Gonthier-Hyndman
Amélie, tu as été formée comme comédienne au Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 2006, et tu t’es par la suite consacrée à l’écriture et à la création. On aimerait bien savoir: d’où t’est venue la piqûre pour le théâtre?
«Oui, bonjour! Je n’ai pas ressenti la “piqûre”. J’ai découvert le théâtre sous l’angle de l’interprétation lors d’un processus d’audition lorsque j’ai voulu, à 17 ans, être admise à l’ESNAM (École supérieure nationale des arts de la marionnette) à Charleville-Mézières en France. Mon dossier a été retenu et je me suis rendue là-bas pour un stage de 10 jours qui allait décider si j’allais être acceptée ou non. Pendant cette période, il y avait des exercices de théâtre et je ne me sentais pas du tout à l’aise. Pour finir, je n’ai pas été acceptée. J’étais rudement triste.»
«J’ignore pourquoi, mais quelques années plus tard, j’ai eu envie de faire mes auditions dans les écoles de théâtre. C’est comme ça que je me suis plus rapprochée de l’univers du théâtre.»
Voudrais-tu présenter à nos lecteurs en quoi consiste ta démarche artistique, en tant qu’autrice et metteuse en scène? Dis-nous quels sujets t’inspirent et ce qui te guide dans ton processus de création!
«J’ai toujours eu une prédilection pour le fantastique et la science-fiction. Les ambiances féériques et inquiétantes, les êtres surnaturels, les créatures étranges et extraordinaires qui y sont mis en scène ont en moi une résonance profonde.»
«L’interpénétration du trivial et du fantastique dans mon écriture est fondamentale. Elle traduit la sensation que, sous la laque du quotidien, se dissimule un monde aux frontières vaporeuses régi par des forces plus grandes que nous. Cette sensation m’inspire et m’angoisse, mais elle me donne aussi envie de créer des œuvres drôles, étranges et profondes qui ont une résonance dans l’inconscient collectif.»
«À travers mes œuvres, je cherche à établir un pont entre le conscient et l’inconscient, entre construction et déconstruction, chaos et ordre, rationalité et instinct, rendre visible ce qui est invisible, franchir le seuil du familier.»
«L’une de mes influences est celle du mouvement surréaliste. J’y puise l’inspiration pour justifier mon refus de constructions logiques, la liberté de suivre mes impulsions créatrices. Le désir, la révolte, leur intérêt pour ce qui émerge du subconscient et de l’irrationnel teintent mes spectacles et encouragent le public à libérer son imagination.»
Du 17 février au 1er mars prochains, ta pièce Limbo, une production déléguée par LA SERRE – arts vivants, est présentée au Théâtre Aux Écuries. Dans cette «comédie existentielle inspirée par l’aspect absurde de la vie», on plonge dans ce qui semble être une conférence où trois personnages (interprétés par Karine Gonthier-Hyndman, Raphaëlle Lalande et Olivier Morin) commencent par se présenter avant de digresser progressivement jusqu’à ce que le chaos s’invite sur scène, ouvrant ainsi la voie à une pulsion créative et organisationnelle. D’où est née ton inspiration pour ce spectacle… singulier mais intrigant?
«L’inspiration vient d’une sensation de désordre qui m’habite lorsque je crée, comme un chaos qui vient ébranler le fondement même de tout ce que je fais et tout ce que je suis. C’est cette sensation que je veux exprimer de façon joyeuse dans Limbo. C’est un désir, à travers l’art, de sortir des cases d’un système imposé en s’inspirant du désordre.»
«La croyance qu’il existe un monde aux frontières vaporeuses et régi par des forces plus grandes que nous – dont je parle plus haut – m’inspire et m’angoisse tout en me convainquant que l’imaginaire est un univers en expansion qui pourrait sauver le monde.»
Et dis-nous tout: qu’est-ce qui a orienté ton choix de t’aventurer «vers une forme frontale où les acteurs s’adressent au public» directement?
«Limbo est né “par accident”, c’est-à-dire qu’un jour on m’a demandé si je voulais parler de ma démarche artistique à un public, mais je ne me sentais pas trop à l’aise de le faire. J’ai donc proposé de créer une “fausse conférence” où une artiste fictive aborderait le sujet de la création artistique, de comment elle se sent lorsqu’elle est dans une phase où elle est en création.»
«J’ai choisi la conférence, parce que celle-ci se prêtait bien au contexte à ce moment-là et qu’elle offrait une structure au désordre que j’avais envie d’explorer dans la forme.»
«Ce n’est qu’après la présentation de La conférence (ancien titre de Limbo) à l’évènement ZH festival en 2017 que j’ai eu envie de poursuivre l’exercice et d’en faire une pièce de théâtre.»
Quels sont tes prochains projets artistiques cette année? On est curieux de savoir si tu as déjà d’autres créations ou productions sur le feu de ton côté, et si oui, de quoi celles-ci vont traiter… à moins que ce soit encore un secret classé défense, bien sûr!
«J’ai un projet en cours qui s’intitule (pour le moment) Comment j’ai guéri à l’aide de PowerPoint. C’est l’histoire d’une femme qui a découvert sa singularité lors d’une dépression. Elle nous raconte comment elle a apprivoisé le logiciel le plus connu au monde et la relation intime qu’elle a développée avec celui-ci pour apprivoiser ses idées noires.»
«N’ayant la force au départ que de produire un point, elle voit ensuite celui-ci s’animer et se reproduire. En déclinant les signes de ponctuation, les polices de caractère et toute une panoplie de transitions, elle nous fait revivre son voyage initiatique où se sont révélés des intérêts insoupçonnés et une sensibilité oubliée…»