«L’entrevue éclair avec…» Jocelyn Sioui, artiste multidisciplinaire qui (re)raconte certains aspects de l'Histoire des Autochtones – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Jocelyn Sioui, artiste multidisciplinaire qui (re)raconte certains aspects de l’Histoire des Autochtones

«L’entrevue éclair avec…» Jocelyn Sioui, artiste multidisciplinaire qui (re)raconte certains aspects de l’Histoire des Autochtones

Un spectacle engagé et riche en réfléxions au Théâtre Aux Écuries

Publié le 26 octobre 2021 par Mathilde Recly

Crédit photo : Tous droits réservés, Marie-Julie Garneau.

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd'hui, on a jasé avec Jocelyn Sioui, un artiste multidisciplinaire qui porte le spectacle «Mononk Jules» sur la scène du Théâtre Aux Écuries, du 19 octobre au 6 novembre 2021. Découvrez-en plus sur cet homme qui se dédie à rétablir certaines vérités, et à se servir de formes d'art variées pour se rapprocher des spectateurs.

Jocelyn, on est ravis de faire ta connaissance! Tu es marionnettiste, comédien et auteur, mais aussi fondateur et directeur du OUF! Festival Off Casteliers – le plus grand rassemblement des artistes québécois qui se dédient aux arts de la marionnette. On est curieux de savoir: d’où t’est venue la piqûre pour les arts en général, et qu’est-ce qui explique ton goût pour la multidisciplinarité, selon toi?

«Salut! Je dirais que je suis né avec la piqûre. Je ne viens pas d’une famille d’artistes, je n’allais pas au théâtre quand j’étais petit. Mais, à l’âge de 12 ans, je regardais la Ligue nationale d’improvisation (LNI) sur ma petite télé et ça m’interpellait beaucoup.»

«À 13 ans, j’ai commencé à faire de l’impro, à créer ici et là. La scène m’appelait, et ça n’a jamais arrêté. J’ai toujours aimé être un touche-à-tout, versatile. Et surtout n’en faire qu’à ma tête.»

«Je me suis mis à m’intéresser à la marionnette parce qu’elle décuple les possibilités scéniques. Je crois qu’on doit toujours trouver le meilleur langage à l’expression de nos idées. Et pour ça, on doit décloisonner notre art et “flirter” avec d’autres disciplines.»

En tant qu’artiste autochtone du Québec, tu t’es donné comme mission de «creuser des trous dans la Ligne du Temps pour faire un peu de place pour l’Histoire des Premières Nations». Voudrais-tu nous dire quel a été le déclencheur à l’origine de cette vocation?

«À un moment donné, au début de ma quarantaine, j’avais été embauché pour offrir des ateliers d’histoires dans les écoles primaires. En plongeant dans le programme que je devais enseigner, je me suis rendu compte à quel point on ne parlait pas des Autochtones autrement qu’en surface, ou du point de vue de celui qui débarque du bateau.»

«En fait, la seule chose qui intéressait les gens, c’était le folklore, l’archéologie et une certaine imagerie autochtone. Je me suis rendu compte qu’il suffisait de quelques mots-clics pour apprendre sur l’Histoire des Premières Nations, Donnacona et ses fils, Kondiaronk et la Grande Paix de Montréal, la Loi sur les Indiens et j’en passe.»

«Ces choix pédagogiques m’ont mis dans une telle colère que j’ai démissionné sur-le-champ. Le feu était allumé dans ma tête… Et puis, en lisant La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette, un autre déclic s’est fait. Elle y parlait de mon grand-oncle Jules Sioui. J’ai encore cherché quelques mots-clics, pour découvrir qu’il n’y avait presque rien sur ce personnage historique d’une grande importance…»

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Du 19 octobre au 6 novembre, la pièce documentaire adaptée de ton essai littéraire éponyme, Mononk Jules, est présentée aux Théâtre Aux Écuries, en codiffusion avec Casteliers. Tu y abordes l’oubli – volontaire? – de certains personnages clés et grandes figures autochtones, et essayes de reconstituer «ces récits, effacés de nos mémoires et de l’histoire enseignée au Québec». Veux-tu nous en dire plus sur ce phénomène et ce qu’il cache, ainsi que sur tes motivations à aborder de front ce sujet?

«Oh oui, c’est volontaire! Comment pourrait-il en être autrement, puisque les informations sont toutes disponibles assez facilement aujourd’hui? L’Histoire, écrite par les vainqueurs, vise toujours à glorifier le passé. Et ce n’est pas glorieux de raconter l’enlèvement de Donnacona, les pensionnats, le massacre des bisons pour affamer les peuples des plaines, les territoires usurpés il n’y a même pas 70 ans…»

«Après la Loi sur les Indiens en 1876, on a transformé les Autochtones en peuple invisible. On nous a fait croire qu’au Québec, leur histoire s’était arrêtée il y a 300 ans. On nous a fait croire qu’ils avaient perdu la guerre… Sans doute parce que le Québec lui-même résistait pour ne pas être effacé par l’autre colonisateur. L’Histoire sert aussi à retrouver sa fierté. Je peux comprendre le phénomène, c’est ce que les Premières Nations tentent de retrouver.»

«J’ai compris au fil de ma recherche que l’Histoire est sale, mais notre devoir est de la raconter.»

«La façon dont on enseigne l’Histoire au Québec est – à mon avis – un bel exemple de racisme systémique qui correspond à la définition de François Legault, puisque c’est le ministère de l’Éducation qui, depuis toujours, décide des programmes d’Histoire. Donc, l’ordre part du haut de la pyramide pour se rendre vers le bas… Je dis ça, je dis rien.»

Encore une fois, ta multidisciplinarité est bien présente dans cette création, puisque ce spectacle alterne entre différents médiums tels que les marionnettes, le théâtre d’objet, le jeu et les projections vidéo. Comment l’utilisation de ces diverses formes d’art sert-elle ton propos et peut-elle toucher les spectateurs? 

«J’essaie toujours de me rapprocher le plus possible du spectateur. Je veux qu’il reste accroché à mon histoire. Ces divers éléments sont autant de façon de raconter, de rendre accessible ce que je raconte. Ça évite la redondance. Et parfois, l’image et le silence d’une marionnette sont plus touchants que les mots.»

«Aussi, cela m’aide à plonger le spectateur dans une autre époque ou dans un univers inédit. J’utilise également beaucoup l’art du conte, que j’expérimente encore. Cet art me séduit de plus en plus. Il permet de parler directement au spectateur, de le regarder droit dans les yeux en lui disant des mots doux, durs, drôles. C’est très fort, je trouve.»

«Le conte, c’est plus vieux que le théâtre, ou même que la marionnette. Aussi vieux que la musique, j’imagine. C’est pour ça que ça résonne en nous quand on nous raconte une histoire au coin du feu.»

Et alors, à court ou moyen terme, sur quels nouveaux sujets et projets artistiques comptes-tu plancher?

«Y en a trop! J’aimerais continuer à explorer certains aspects de l’Histoire des Autochtones qui ont été peu racontés. Parler des territoires volés par l’État ou des entreprises, qui ont forcé des peuples à l’exode, et ce, jusqu’à il n’y a même pas 50 ans.»

«Je veux parler de la Réserve oubliée des quarante arpents où sont nés Jules et mon grand-père. Il y a tout un univers à imaginer, puisqu’il ne reste que peu de traces de cette histoire. Une belle page presque blanche, qui pourrait être un terreau fertile…»

«Et puis, je dois plancher sur un scénario de documentaire avec le cinéaste Neegan Sioui. Le film portera sur l’Histoire familiale et sur nos fauteurs de troubles qui ont lutté contre le gouvernement pour ne pas disparaître de l’Histoire.»

Achetez vos billets en ligne dès maintenant au coût de 28 $ sur le site du Théâtre Aux Écuries iciPour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec Théâtre Aux Écuries.

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