«La métamorphose» de Kafka, adaptée par Claude Poissant au Théâtre Denise-Pelletier – Bible urbaine

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«La métamorphose» de Kafka, adaptée par Claude Poissant au Théâtre Denise-Pelletier

«La métamorphose» de Kafka, adaptée par Claude Poissant au Théâtre Denise-Pelletier

Splendeurs et misères d’un cafard

Publié le 30 septembre 2021 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Gunter Gamper

Si vous avez lu le roman de Franz Kafka, considéré comme un classique de la littérature, vous êtes probablement déjà familiers avec le récit: un matin, Gregor Samsa se réveille et, sans qu’on l’explique, il s’est transformé en coquerelle pendant la nuit. L’intrigue est centrée sur les réactions de sa famille au fil du temps, en quelque sorte un examen de leur cheminement psychologique devant un élément perturbateur aussi grotesque qu’absurde.

Les interprétations du texte abondent et sont si nombreuses qu’il semblerait que chacun a sa petite idée de ce qu’il faut retenir de cette fable. Car bien que l’œuvre de Kafka soit universellement célébrée, un certain clivage demeure au niveau de l’analyse.

L’adaptation plutôt fidèle qu’en fait Claude Poissant ces jours-ci sur les planches du Théâtre Denise-Pelletier ne penche pas en faveur d’une théorie en particulier, mais transpose l’expérience en trois dimensions avec des interprètes criants de vérité.

Onde de choc chez les Samsa

Bien évidemment, le nouvel aspect légèrement inhumain de Gregor n’a pas le même effet sur tous. La mère (Geneviève Alarie) n’ose même pas entrer dans sa chambre, devenue une tanière nauséabonde, ni même le regarder, et semble terrifiée par ce qu’est devenu le fruit de ses entrailles. Le père (Sylvain Scott) est agacé, étrangement pragmatique, et parfois violent, songeant aux répercussions financières de la transformation, puisqu’on n’a pas souvent vu d’insecte s’occuper des ventes d’une boutique de tissus fins. Son ami et patron FP (Alexander Peganov) est tout d’abord furieux de son absentéisme, puis effrayé par son apparence. Et enfin sa sœur Greta (Myriam Gaboury) est la plus empathique du lot et lui apporte de la nourriture tous les jours.

La transposition de l’époque, sur scène, est fort réussie. On remarque immédiatement le mobilier vieillot, les costumes très bruns de Marc Senécal, et les coiffures irréprochables de Florence Cornet.

La scénographie à la fois sobre et hallucinante de Pierre-Étienne Locas permet de tout montrer avec une admirable économie de moyens, tout en offrant un effet déroutant par l’inclinaison du plateau.

Métamorphose d’une métaphore

Est-ce que la «cafardisation» de Gregor Samsa est une métaphore de la dépression? La mise à l’écart en raison d’une différence?

Des rumeurs sur l’homosexualité latente de Kafka existent depuis aussi longtemps que les analyses de ses oeuvres. Est-ce que La métamorphose est un texte queer? Ou est-ce que Gregor n’est pas plutôt souffrant, atteint d’une maladie qui ne pardonne pas, et est alors devenu un fardeau pour son entourage?

Chaque membre de la famille, avant la fin du spectacle, se transformera à son tour psychologiquement devant cette épreuve. Gregor – interprété avec aplomb et mélancolie par Alex Bergeron, dont la narration n’est audible que pour le public, puisque ses mandibules ne lui permettent plus de s’exprimer du fond de sa chambre – dépérit inexorablement pendant que sa famille s’épanouit.

Une tragédie cuisante, qui nous marque au fer rouge et qui nous glace paradoxalement le sang.

L’humour de Kafka est ici magnifié par l’adaptation de Claude Poissant, qui rêvait de porter sur scène ce texte majeur, et fait mouche. Sans les rires qui parsèment ce chemin de croix, l’expérience serait désespérante, un rappel que nous sommes bien peu de choses, et que nos traces sur terre, ou dans l’esprit des gens que nous côtoyons, sont aussi éphémères que la vie d’une Blattella germanica.

«La métamorphose» de Kafka en images

Par Gunther Gamper

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