«Le Joker» de Larry Tremblay au Théâtre de Quat’Sous – Bible urbaine

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«Le Joker» de Larry Tremblay au Théâtre de Quat’Sous

«Le Joker» de Larry Tremblay au Théâtre de Quat’Sous

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Publié le 15 novembre 2016 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Yanick Macdonald

Il y a quelque chose de très déstabilisant dans l’ambiance de cette pièce inclassable, débordante d’un humour décalé et délicieusement pervers. Une pièce qui porte la signature en lettres de feu de Larry Tremblay, dramaturge et écrivain atypique. Comme idée de base pour Le Joker, il s’est demandé: «Sommes-nous vraiment seuls lorsque nous pensons?»

Le Joker du titre, c’est une tête omnisciente, qui prend parfois la forme d’un des personnages, mais qui repose la plupart du temps sur scène, décapitée, toujours au cœur d’amusantes manigances, interpellant les personnages (un père, une mère, leur fils et sa copine) directement sans que ceux-ci ne trouvent ça anormal.

On rencontre la famille alors qu’elle est en plein drame; la mère (Louise Cardinal) a eu un accident routier et en est décédée, et le fils (André Robillard) court dans la nuit pour aller trouver du réconfort – en vain – chez sa copine (Marilyn Castonguay). Dehors, une rumeur sourde gronde, on sent quelque chose qui se trame, la ville est en ébullition, et ce mystérieux phénomène affecte le comportement des personnages; il leur paraît par exemple fort naturel que la mère soit soudainement de retour d’entre les morts, ou que le père (Normand Daneau, en grande forme) ait abandonné son rôle de comptable pour devenir policier du jour au lendemain.

Pascale Montpetit, en Joker, livre ici une performance vive et cabotine, multipliant les grimaces, se jouant de la détresse des personnages, les manipulant discrètement en conservant une bonne humeur alimentée par certaines répliques doucement hilarantes. Le reste de la distribution est à l’avenant, jouant avec une énergie et une conviction contagieuses.

La scène du Théâtre de Quat’Sous a été ingénieusement séparée en trois, pour bien déterminer les lieux et le chemin qui les sépare – une mezzanine au-dessus de deux «appartements» représentant une rue déserte. La conception sonore est particulièrement efficace, mélangeant des effets sonores bien chronométrés, de la musique d’ambiance, et la trame sonore d’un film de zombies un peu ridicule que visionne la mère, film avec lequel un parallèle finira par se dresser, puis se préciser.

L’esthétique très froide évoque un peu les années 1980, tant par ses couleurs que par les costumes, les personnages étant bien mis et volontairement stéréotypés. L’interprétation parfois volontairement mécanique ajoute non seulement à l’ambiance globale, mais se verra plus tard justifiée, et partiellement expliquée.

On obtient au final non seulement une réflexion sur l’identité, mais aussi sur la réalité et ses différents niveaux, ainsi que sur l’impact qu’a l’opinion de notre entourage sur notre propre façon de percevoir le monde qui nous entoure. Du contenu pertinent et un peu philosophique, dans une enveloppe très attrayante et impeccablement stylée, voilà ce que nous propose cette œuvre très réussie qui continue de cimenter une saison exceptionnelle pour le Théâtre de Quat’Sous.

L'événement en photos

Par Yanick Macdonald

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