«Je suis William» de Rébecca Déraspe à la Maison Théâtre – Bible urbaine

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«Je suis William» de Rébecca Déraspe à la Maison Théâtre

«Je suis William» de Rébecca Déraspe à la Maison Théâtre

Mon fantôme d'amour

Publié le 27 février 2019 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : François Godard

Croyez-vous que nous avons atteint un équilibre acceptable, au Québec, entre les hommes et les femmes? Que la place des femmes, ou leur salaire moyen, sont équitables? Qu’elles ne sont pas victimes de harcèlement, physique ou psychologique, de quolibets, de diminutifs, ou comparées défavorablement aux hommes sous plusieurs angles? Si oui, vous faites malheureusement erreur. Nous avons drastiquement évolué à ce sujet en quelques années, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à faire en tant que société.

C’est l’un des thèmes de cette pièce pour adolescent(e)s écrite par la prolifique Rébecca Déraspe, qu’on dirait omniprésente cet hiver. En plus de sa version d’Antigone, co-écrite avec Annick Lefebvre et Pascale Renaud-Hébert, et présentée dès le 5 mars au Trident de Québec, on pourra aussi découvrir son adaptation d’Une maison de poupée, d’Ibsen, au Théâtre Denise-Pelletier dès le 12 mars. Sans parler de la percutante Gamètes, qui poursuit sa tournée des maisons de la culture jusqu’au printemps.

C’est une inoffensive imposture qui est à la base de Je suis William. William Shakespeare, issu d’une famille pieuse qui respecte les valeurs de l’époque, où la place de la femme est à la maison, a manœuvré pour que sa sœur Margaret bénéficie aussi de son éducation, en écoutant à la fenêtre ses leçons. Elle a développé une réelle passion pour la lecture et l’écriture, et a même écrit une pièce de théâtre, que William a soumis à son professeur pour obtenir un avis éclairé sur l’œuvre. Mais voilà que ce dernier l’a tellement apprécié qu’il l’a fait circuler, et que la pièce a été choisie pour être présentée devant la reine, à Londres. Est-ce que Margaret risquera sa vie en revendiquant la maternité du texte, sachant que les femmes éduquées sont considérées comme des sorcières, et brûlées vives?

Déraspe s’est amusée à imaginer une sœur à Shakespeare pour soulever des enjeux très sérieux mais, comme d’habitude, le ton est ludique et sympa, sans temps morts, avec des numéros musicaux courts et entraînants, qui rappellent parfois la mélancolie et les instrumentations de Woodkid, ressemblance encore plus frappante lorsque les pièces sont jouées au piano et à la trompette.

Comme le mentionne l’autrice dans le programme, oui, c’est une pièce pour ados, mais elle a été écrite pour quiconque s’intéresse au sujet, et si vous voulez mon humble avis, tout le monde y trouvera son compte.

Il y a de belles trouvailles dans le texte, autant que dans la mise en scène de Sylvain Scott. Ici, un narrateur (le très solide Renaud Paradis, qui interprète aussi plusieurs des personnages) s’adresse directement au jeune public, brisant le 4e mur (comme ailleurs chez l’auteure, notamment dans Le merveilleux voyage de Réal à Montréal), et lui livrant un message d’espoir et d’émancipation.

Ailleurs, des coqs enjoués chantent et marquent le réveil des personnages. La voix très juste d’Édith Arvisais complète une interprétation sans failles, débordante d’énergie, s’accordant à merveille avec la performance de Simon Labelle-Ouimet. Car la véritable héroïne du récit est indiscutablement Margaret, qui écrit la nuit et s’occupe avec sa mère de «toutes les tâches de la maison» le jour.

S’il est préférable que la sensibilisation à ces enjeux commence tôt, la Maison Théâtre a eu du flair en programmant cette pièce. Son jeune – et moins jeune – public sera ainsi exposé à une œuvre dont la redoutable et fluide mécanique nous propose des idées lucides et admirables, ainsi qu’un discours que les enfants ont besoin d’entendre.

«Je suis William» de Rébecca Déraspe en images

Par François Godard

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