«Viriditas» de Margie Gillis à l'Agora de la danse – Bible urbaine

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«Viriditas» de Margie Gillis à l’Agora de la danse

«Viriditas» de Margie Gillis à l’Agora de la danse

Une force de la nature

Publié le 16 février 2018 par Véronique Bossé

Crédit photo : Christopher Darlington

C'est le jour de la St-Valentin et mon téléphone vient de m'informer que dix-sept adolescents ont perdu la vie lors d'un (autre) terrible shooting en Floride aux États-Unis quand j'entre dans l'espace Bleu de l'Agora de la danse pour assister à la première de la nouvelle création de Margie Gillis, Viriditas. Ce titre, d'ailleurs, qui fait référence à la beauté de la nature, me donne des frissons par le paradoxe de la situation. Il me faut quelques secondes pour cesser de m'imaginer l'horreur vécue par ces jeunes en ce jour de la célébration de l'amour...

Et puis le noir se fait dans la salle, les chuchotements laissent place au silence, et Troy Ogilvi apparait sur le plancher de danse pour le premier solo. Elle est d’une beauté enivrante et elle regarde le public intensément. Sa présence sur scène est puissante et vraie. Derrière elle, les images du ciel, d’une chute d’eau, ou encore d’un champ de fleurs en plein vent et les lumières bleues qu’on projette sur le sol créent un ensemble apaisant.

La scénographie reste très ordinaire, peut-être même un peu vieux jeu, mais malgré le penchant conservateur de l’esthétisme général, la nature s’invite entre les murs de la salle de spectacle. Doucement, l’univers de la chorégraphe se dessine et on sent la transmission dans les mouvements. La jeunesse de ce corps qui se dénude devant nous évoque une jeune Margie Gillis dans son énergie et dans sa grâce.

Deuxième numéro, la danseuse Paola Styron est assise sur une chaise métallique. Derrière elle, les images de la nature ont changé. On voit de l’eau qui s’écoule d’une paroi rocheuse et, un peu plus tard, une falaise. La danseuse se transforme en oiseau et la chaise pourrait rappeler, à un moment, une cage, puis à un autre, un rocher dont on s’élance. Tout le numéro est plus lent. Plus mûr. Le travail est maitrisé, mais c’est moins prenant, et on peut sentir la hâte des spectateurs de voir celle tant attendue.

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Il faut attendre encore un peu alors qu’on vient dérouler le tapis de danse dans une transition plutôt mal pensée. Il aurait été si agréable de ne pas sortir de la bulle dans laquelle tranquillement naissait du réconfort. Une façon plus fluide d’introduire cette dernière pièce aurait certainement rehaussé le côté très modeste de la représentation.

Il y a une tentative de divertir le public lors de la projection de la vidéo promotionnelle de Viriditas, mais celle-ci s’arrête subitement avant la fin. On attend encore un peu et, enfin, la grande dame fait son entrée, vêtue d’une robe blanche de soie qui s’agence avec le tissu dont on a recouvert le sol. On devine son corps nu à travers ses gestes qui rappellent les vagues.

La chorégraphie épouse l’accessoire avec tant de finesse qu’on a parfois l’impression que l’étoffe est lourde, pesant sur la danseuse de quarante-cinq années d’expérience comme un boulet dont on doit se défaire. Et finalement, ce souffle qui s’accélère et cette course en cercle qui nous envoie du vent au visage, Margie Gillis se déchaine et s’essouffle d’une telle force qu’on sent la boucle qui se clôt. La nature étouffe, mais le regard final de la créatrice dit tout: il y a de l’espoir.

Alors que les applaudissements retentissent, je ferme les yeux pour garder en moi le plus longtemps possible cette chaleur que ce spectacle a déposée en moi. Je souhaite en silence qu’elle puisse se propager au-delà de ces murs et, peut-être, atténuer la nature de l’homme ailleurs…

N’est-ce pas là la vraie nature de l’art?

Alors à tous ceux qui ont un besoin de se réchauffer le cœur, courez vous procurer des billets pour la supplémentaire de ce dimanche 18 février à 14h à l’Agora de la danse. Ce sera mieux qu’une boîte de chocolats, promis!

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