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Crédit photo : Mathieu Pothier
Ne mettons pas la charrue avant les bœufs, c’est avec ce flegme qu’on lui connait que l’artiste a pénétré sur la scène d’un théâtre timide. Les citadins prirent malgré tout la hauteur de cette échappée rurale quand Fersen entonna sa traditionnelle «Chauve-souris», directement suivie par l’affolante «Les Loups-garous». Au menu, pourtant, un fantastique bestiaire était prévu où Thomas Fersen adoptait les allures d’un Jean de La Fontaine de la chanson française, nous contant les belles histoires d’une campagne conquise au règne animal.
C’est donc au milieu des coqs, des cochons et des lièvres que le chanteur français a su transporter ce petit monde dans cette vie et ce bestiaire champêtre. Coup sur coup, le public du Théâtre Maisonneuve a eu droit à cette fameuse «Coup de queue de vache» puis «La cabane de mon cochon». Mais, comme une interlude de cette échappée au-delà des immeubles, Fersen rappela le public à l’ordre avec son interprétation de «Testament», présente sur son nouvel album, de l’estimé Fred Fortin, qui avait réalisé Trois petits tours (2008).
Sans relâche toutefois, le musicien, métamorphosé en garçon de ferme, entamait son premier monologue sur une petite chèvre blanche pour enchaîner par «Un lièvre», «Les petits sabots» puis la touchante histoire de cette petite «Coccinelle», issue de l’inattendu Thomas Fersen & the Ginger Accident (son avant dernier album paru en 2013). Véritable virée country, ces enchaînements montrent l’un des véritables visages de Fersen, celui d’un gars de Paname qui s’amourache depuis longtemps de la campagne.
Fort de ce dixième album en vingt-cinq ans de carrière, le premier sous son propre label, Les Éditions Bucéphale, Thomas Fersen avait promis des métaphores, des antagonismes et des histoires fantaisistes où il insère tout en rimes ses personnages populaires au cœur d’une bourgeoisie malmenée. Et c’est au détour de nombreux monologues comme «La mort (canne-épée)», «Canapé Louis XVI», «La pelle» ou «Le blouson de cuir» que nous vîmes une version quasi populacière de Fersen se situant proche des Boris Vian, Prévert ou Renaud.
Sans accroche, le néo-paysan poursuivait son escapade, laissant toutefois le caractère bucolique au placard pour reprendre en cœur quelques-uns de ses nombreux succès. De sa rencontre avec cette belle blonde aux bras nus («Diane de Poitiers») à sa flatterie à l’égard de sa chienne qui pue («Zaza»), sans oublier son batifolage breton du côté de «Saint-Jean-du-Doigt», ou encore son histoire de domestique sociopathe dans «Monsieur».
Multipliant les mini rappels, Fersen a su, comme à son habitude, attendrir et aller chercher un public tassé dans le fond des sièges du Théâtre Maisonneuve, faisant lever la salle, et ce, bien aidé par un quatuor à cordes congru donc les arrangements avertis étaient signés Joseph Racaille. Fermier, cow-boys, dandy, mais surtout admirable conteur, Thomas Fersen a plus d’un tour dans son ukulélé et c’est en habitué du Québec que le public a applaudi la grandeur d’un artiste décalé et attachant.
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de la rédaction