«Some Hope for the Bastards» de Frédérick Gravel à l'occasion du FTA 2017 – Bible urbaine

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«Some Hope for the Bastards» de Frédérick Gravel à l’occasion du FTA 2017

«Some Hope for the Bastards» de Frédérick Gravel à l’occasion du FTA 2017

L'énergie du désespoir

Publié le 3 juin 2017 par Marine Morales-Casaroli

Crédit photo : Stéphane Najman

Le chorégraphe montréalais revient avec une nouvelle création portée par une bande d'interprètes de renom. Réunissant les ingrédients caractéristiques de ses précédentes œuvres, Gravel poursuit son exploration de l'échec, fougueux et flegmatique à la fois.

La signature de Gravel au rendez-vous

A l’entrée en salle, une fois n’est pas coutume, les danseurs du GAG (Grouped’ArtGravelArtGroup) sont déjà présents sur la scène, et le début de la pièce s’opère dans un glissement subtil. On dirait presque que c’est à nous de décider du moment T, celui où les conversations cessent et qu’un silence feutré accueille la réception de l’œuvre.

Le panel d’interprètes est impressionnant: David Albert-Toth, Dany Desjardins, Kimberley De Jong, Francis Ducharme, Louise Michel Jackson, Alanna Kraaijeveld, Alexia Martel, Frédéric Tavernini et Jamie Wright… Une pléiade de danseurs accomplis, dont certains sont nouveaux chez Gravel, mais auxquels on est déjà un peu acquis d’avance. Dans une photo de famille d’ouverture, ils se traînent, lascifs, comme déjà vaincus, beaux mais inaccessibles.

Car Frédérick Gravel, on le sait, affiche une certaine désinvolture, qui va souvent jusqu’au pessimisme assumé. L’ouverture de Some Hope for the Bastards ne fait pas exception à la règle. Après être monté sur scène avec deux musiciens et joué un morceau, le chorégraphe s’empare du micro et introduit lui-même sa dernière création. Caustique, il s’amuse à renverser les rôles en formulant ses attentes envers les spectateurs: un public averti, dont il espère un retour critique. Mais il parle surtout de ses doutes et de son sentiment d’impuissance face à «un ordre du monde que je ne peux pas changer, mais que c’est quand même un peu ma faute».

Ce sentiment de fatalité sera incarné pendant toute la pièce par les neufs interprètes. On reconnaît d’emblée dans la chorégraphie la signature Gravel: corps désarticulés, à la fois fragiles et combatifs, rythme tendu, entre explosions et impacts qui ne laissent aux corps aucun répit. Que ce soit en battant la pulsation à coups de bassins, d’épaules ou de têtes d’un air presque blasé, ou dans des sections de groupe très compactes où ils résistent à une gravité lourde, les danseurs paraissent soumis à une force contre laquelle ils s’échinent sans trop y croire. Ils portent avec fougue cette nervosité singulière tandis que la musique électro-rock de Philippe Brault, jouée live, accompagne le tout dans une succession de crescendos.

Combativité et échec côte à côte

Les sections de groupe, composées comme une partition passionnante pour l’œil, avec une étude du rythme saccadé entêtante, alternent avec des moments de solos virtuoses (Francis Ducharme, Jamie Wright et Kimberley de Jong, complices de longue date du chorégraphe, sont éblouissants) et des duos un peu moins convaincants (on aurait aimé, entre autres, voir le chorégraphe sortir du schéma homme-femme classique)

L’abandon et la combativité se succèdent, laissant parfois entrevoir les failles des danseurs transpirant une sensualité brute. Il est touchant de déceler chez ces interprètes d’exception (qui représentent, il faut bien l’avouer, des standards de beauté peu diversifiés), un épuisement qui dévoile leur fragilité. Le chorégraphe les fait lutter contre une chorégraphie impitoyable, et c’est beau de les voir faire des choix individuels pour protéger ou économiser leurs corps soumis à rude épreuve. On ressent alors un peu d’empathie pour ces personnages, qui, depuis le début, semblent représenter une génération de trentenaires blasés et impuissants qui parfois agace.

Les masques tombent et l’énergie du désespoir jaillit dans un final explosif de musique, lumière et section de groupe diablement efficace.

Au final, le dernier né de Frédérick Gravel, sans surprendre, séduit, bien évidemment. Tous les éléments chers au chorégraphe-interprète-musicien-éclairagiste sont là, et portés avec brio par une équipe visiblement passionnée. Peu de prise de risque, mais beaucoup de plaisir.

La proposition de Gravel, si elle percute par son énergie à la fois combative et défaitiste, semble malgré tout parler et s’adresser avant tout à une tranche générationnelle bien précise de trentenaires désabusés. Et ça marche très bien. Mais qu’en serait-il d’un autre public?

L'événement en photos

Par Stéphane Najman et Brianna Lombardo

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    Frédérick Gravel.

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