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Crédit photo : Kelly Jacob
Une ouverture à la hauteur des grands
Pierre Lapointe décrit l’ouverture de ses spectacles comme un rituel inspiré des grandes figures de la chanson française qu’il admire profondément: Brel, Léveillé, Dufresne. Et cette influence se ressent dès les premières minutes.
Son entrée en scène, épurée mais imposante, nous plonge immédiatement dans cette filiation assumée. Il reprend ces codes pour mieux les réinventer. Lorsque le rideau s’ouvre, la scène se dévoile dans un contraste fascinant: de gros ballons argentés flottent dans l’espace, apportant une touche de modernité face à l’intemporalité du piano.
Son costume métallisé prolonge cette dualité, entre classicisme et avant-garde.
La chanson française, réinventée
Le spectacle met en lumière l’essence même de la chanson à texte: un chanteur, un piano, des paroles fortes en symboles et en sens. Pierre Lapointe s’inscrit dans cette tradition, mais y injecte une dose de modernité et d’introspection.
Pourtant, ce projet n’aurait jamais dû voir le jour sous forme d’album. «J’avais du temps à perdre, je me suis dit, “je vais écrire des chansons pour des gens qui ont des voix beaucoup plus agiles que la mienne”. Ça m’a permis d’adopter un angle d’approche plus détaché. Je pense que je parle beaucoup de moi dans ces chansons, parce que je ne pensais pas que ce serait moi qui les chanterais. Ça m’a donné beaucoup de liberté», m’a-t-il confié avant le spectacle.
Une liberté qui, loin de le restreindre, a enrichi son écriture et son interprétation. On le sent d’ailleurs: sa voix a évolué. Plus posée, plus habitée, elle traduit une maturité artistique qui rend chacune de ses chansons encore plus percutantes.
Il ne s’agit plus seulement de raconter des histoires, mais de les vivre pleinement, en les livrant avec une sincérité désarmante.

Pierre Lapointe. Photo: Kelly Jacob
Une interprétation sincère et poignante
Pierre Lapointe n’a jamais craint la sensibilité. Son rapport intime à la musique, lui qui a grandi dans un environnement sans mélodies avant de découvrir, presque par hasard, Barbara et Diane Dufresne, se reflète dans chacune de ses prestations.
Ce fut une révélation, un monde nouveau qui s’est ouvert à lui.
Fasciné par ces grandes figures, il a étudié leur approche pour mieux la déconstruire et la réinventer. Sur scène, cela donne un spectacle minimaliste et puissant, où chaque silence compte autant que chaque note.
Une émotion à fleur de peau
L’un des moments les plus marquants du spectacle est sa chanson sur l’Alzheimer qu’il a composée en pensant à la maladie qui afflige sa mère. Un morceau déchirant né d’un besoin viscéral, plus qu’une intention artistique.
«J’ai été très bouleversé quand j’ai appris la nouvelle de la maladie de ma mère, alors j’ai fait ce que je faisais ado: je me suis réfugié derrière le piano pour retrouver un certain apaisement. Déformation professionnelle oblige, les notes sont devenues mélodie, puis refrain. Ça m’a pris une bonne année pour l’écrire et la compléter. L’affaire, c’est que je ne voulais pas composer une chanson; je voulais juste m’accrocher à quelque chose. Et je pense que les gens le sentent.»
Et ils le sentent, oui. L’émotion brute traverse chacune de ses interprétations, suspendant le public à chaque mot, à chaque silence, à chaque soupir. Ce n’est plus juste un spectacle; c’est un moment de partage d’une intensité rare qui dépasse la musique pour toucher droit au cœur.

Pierre Lapointe. Photo: Kelly Jacob
L’obsession de laisser une trace
Pierre Lapointe a toujours été hanté par la finitude de la vie, et cette angoisse transparaît dans sa manière de créer. «Depuis que je suis enfant, j’ai toujours été troublé par l’idée de la mort. J’en faisais même des cauchemars. Un jour, je me suis demandé comment je pouvais contrer cette peur, et la réponse m’est apparue: je devais créer. Je ne savais pas encore quoi, mais l’idée s’est imposée à moi, au point de m’obséder. Je voulais laisser une trace, quelque chose qui me survivrait. Toute mon adolescence a été guidée par cette quête: trouver comment marquer le monde à ma façon.»
Aujourd’hui, ce désir ne l’a jamais quitté. Mais il n’a plus besoin de le chercher: il l’incarne, tout simplement. À travers sa musique, il continue de graver son nom dans la mémoire collective, non pas par vanité, mais par nécessité.
Un spectacle qui résonne longtemps après
Ce spectacle qu’il a offert au Théâtre du Cégep de Trois-Rivières n’est pas qu’un enchaînement de chansons. C’est une immersion dans l’univers d’un artiste qui, plus que jamais, maîtrise l’équilibre entre introspection et partage. Il s’inscrit dans une parfaite continuité avec son album et sa démarche artistique: une œuvre à la fois intime et universelle qui fait écho bien au-delà de la scène.
Si certains étaient venus chercher une simple performance musicale, ils ont plutôt assisté à une expérience sensorielle et émotionnelle d’une rare intensité. En quittant la salle, impossible de ne pas repenser à son avertissement initial.
Oui, on a peut-être pleuré, mais on en ressort surtout avec un sentiment profond: celui d’avoir vécu un moment suspendu qui nous accompagnera encore longtemps.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Le secret
2. Toutes tes idoles
3. Les étoiles guident les âmes
4. Dans nos veines
5. Hymne pour ceux qui ne s'excusent pas
6. Tel un seul homme
7. Le retour d'un amour
8. La plus belle des maisons
9. Maman, Papa
10. Je déteste ma vie
11. Nos joies répétitives
12. L'amour est une bague
13. Arrête de sourire
14. Madame, bonsoir (Conversation inattendue avec la mort)
15. Comme les pigeons d'argile
16. Où iront nos souvenirs
Rappel
17. Deux par deux rassemblés