«Dans la peau de...» Dave St-Pierre, emmerdeur artistique – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Dave St-Pierre, emmerdeur artistique

«Dans la peau de…» Dave St-Pierre, emmerdeur artistique

Celui qui aspire à ne pas se mettre de limite

Publié le 17 février 2017 par Éric Dumais

Crédit photo : Alex Huot

4. Dominic Champagne, interviewé par Catherine Pogonat aux Entretiens chez Georges-Émile, a qualifié Suie de «show désespéré, hyper radical, où l’on sent toute la souffrance de l’artiste dans ce qu’il a envie d’exprimer», ajoutant qu’il avait passé un bon moment et même ri à quelques moments. Quel est le fil conducteur de ce spectacle qui a soulevé la poussière et t’attendais-tu à un clivage aussi marqué entre les appréciations et réactions des spectateurs?

«En fait, tout est beau sous le soleil. Dave fait un scandale, c’est la routine. Tout le monde peut circuler et continuer leur vie. En général, je ne suis pas surpris. Le seul truc auquel je ne m’habitue pas, ce sont les insultes personnelles. Beaucoup de gens croient à tort que ce spectacle, ou mes créations en général, sont des gros fuck you. Le plus sérieusement du monde, si je voulais vraiment envoyer chier le public, j’entrerais sur la scène, je lèverais le poing dans les airs, et je sortirais le majeur, bien assumé et je sortirais de scène avec un gros sourire dans la face. Le jour où je ferai ça, vous aurez le droit de m’envoyer chier.»

«Le travail gigantesque qui a été fait sur Suie, autant au niveau artistique, administratif ou technique, est beaucoup trop important pour que ce show mérite de se faire appeler un simple fuck you. Je ne me suis pas tapé les transports de décor, les longues journées de créations, les batailles publiques et privées avec le diffuseur, les nuits d’insomnie à savoir si c’était ou non la bonne forme, la bonne façon de le dire, les meilleures idées, la meilleure structure dramaturgique, pour finalement me faire appeler par un journaliste: «Dave (je souffre, donc je suis) St-Pierre, qui méprise tout le monde sauf lui-même et ses disciples». Vous avez le droit d’insulter le show, les idées, la scénographie, les costumes, l’interprétation, les différentes conceptions, mais insulter les humains derrière le spectacle, ceux qui se sont reviré le corps et l’esprit à l’envers pour créer cet objet, ça fait crissement dur. J’ai envie de dire à mes détracteurs qu’ils ne sont pas les premiers à me demander d’avouer que mes créations sont des erreurs de parcours ou des merdes.»

«Certains me demandent d’avouer que Suie est un mauvais spectacle, et m’invitent à renouer avec mes anciennes recettes qui les faisaient rêver, qui les émouvaient. Je réponds à ces gens que si je désavoue Suie, je dois aussi le faire avec les autres shows que vous avez tant aimés. Que ce que vous m’écrivez aujourd’hui sur Suie, je l’ai aussi reçu pour La pornographie des âmes et pour Un peu de tendresse bordel de merde. Alors, les «convaincus» qui aiment un show de Dave St-Pierre changent peut-être avec les propositions artistiques, mais il reste que vous en avez déjà été un, sans le savoir.»

5. À l’orée des années 2000, on a découvert un artiste tout sauf beige, qui n’a pas peur de crier ses convictions ni de secouer au passage la «bonne morale», bien haut et fort. Qu’as-tu envie d’explorer avec ton art en 2017?

«Je souhaite explorer encore plus loin cette expérience avec le public, cette expérience qui montre bien que le public n’est pas une chose homogène dont les diffuseurs parlent tellement. Je veux encore questionner pourquoi les diffuseurs parlent de clients, ce qui fait de l’artiste et de son travail une marchandise. Je veux explorer ces limites, ne pas donner du tout cuit, déstabiliser les spectateurs et les interprètes en ne leur donnant pas les codes, les préconçus d’une représentation publique.»

«Nous devons questionner TOUT: autant le travail et l’apport des artistes, des diffuseurs, des producteurs et des spectateurs dans notre communauté. Il ne faut pas s’asseoir sur nos lauriers, il faut rester en mouvement. Stagner est une chose très dangereuse. Très peu de gens ont les couilles / ovaires de le faire. Je continuerai à me «botter» le cul pour ne pas tomber dans la complaisance, la répétition, la recette facile.»

«Je veux aussi rendre plus poreux le genre des spectacles, pourquoi pas une performance un peu plus pointue dans un cadre plus classique. Il faut commencer quelque part pour que toutes les formes d’arts puissent être vues d’un grand public. Et cela devrait commencer à l’école, où l’histoire de l’art devrait être obligatoire dans le cursus des écoles primaires.»

Pour consulter nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/Dans+la+peau+de…

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