«Suie» de Dave St-Pierre à la Cinquième Salle de la Place des Arts – Bible urbaine

SortiesDanse

«Suie» de Dave St-Pierre à la Cinquième Salle de la Place des Arts

«Suie» de Dave St-Pierre à la Cinquième Salle de la Place des Arts

Remuer la poussière sans craindre les flammes

Publié le 7 février 2017 par Aurore Biry

Crédit photo : Danse Danse et Alex Huot (les interprètes: Anne Le beau, Hubert Proulx et Bernard Martin)

Le 1er février, le public s'installe dans la Cinquième Salle de la Place des Arts, attendant le commencement de Suie, la nouvelle création de Dave St-Pierre issue d'une collaboration avec Anne Le Beau avec, pour prétexte, le thème de Jeanne d'Arc. Une performance dont la promesse est d'aller «titiller le tabou».

Le créateur nous a mis en garde envers la provocation. Mais que veut dire être provocateur pour un chorégraphe contemporain de 2017, quand ses prédécesseurs ont déjà rejeté toutes les normes, joué de chaque scandale, proposé la non-danse, célébré la nudité, usé du blasphème et des durées interminables jusqu’à faire fuir les spectateurs par dizaines?

Ces outils ne sont plus qu’une série de clichés, et leur nature provocante originelle est aujourd’hui dépassée et ne choquera nullement un public aguerri…

Une pièce éparpillée qui se moque de nous au grand risque de nous surprendre…

La pièce commence par la présentation des artistes sous les applaudissements; rituel de fin de spectacle, nous assurant dès lors, qu’aucune règle n’est à suivre; nous laissant voir l’architecture de la mise en scène. Les interprètes se mettent donc en place, boivent, discutent entre eux, s’occupent d’un chien, envoyant un message qui ressemble à: «On s’en fout».

Le point central de la création est sûrement la présence d’un petit garçon dont le regard curieux et innocent détonne et dont l’apparition dans un environnement qui est ouvertement vulgaire nous clame la promesse d’un no limit. «Ferme tes oreilles.» […] «C’est bon, tu peux écouter. Ne regarde pas ça Victor.»

Ce qui est désigné trop abject pour le petit Victor ne l’est vraisemblablement pas pour nous. Ce procédé retire notre attention à toutes autres actions et acteurs présents sur le plateau pour l’axer instantanément sur le sujet de l’interjection.

On hésite à coller à l’ambiance le terme «humour» ou «gravité». Quelquefois le spectateur rit, pendant qu’un autre quitte la salle.

Critique-Suie-Dave-St-Pierre-Danse-Danse-Place-des-Arts-Bible-urbaine

«Est-ce de la danse? On dirait qu’ils se battent…», chuchote mon voisin. C’est à se demander qui risque vraiment d’être blessé et quel sera le prochain coup porté à celui qui regarde. Notre patience est mise à l’épreuve: répétitions, lenteurs, clichés, bruits désagréables, sons brusques, chuchotements inopportuns…

Le metteur en scène va jusqu’à enlever la poésie qu’aurait pu avoir le corps nu en l’entourant de saleté, d’ordures humaines vides de sens. L’ennui s’installe… Heureusement que l’enfant et le chien sont là pour être la spontanéité et l’authenticité au milieu de toute cette manipulation dont nous sommes l’objet. L’air de rien, l’auteur joue avec notre cerveau, comme il le souhaite, jusqu’à l’aveu final: «Comme je dis toujours, si vous n’aimez pas le spectacle, vous pouvez vous lever, vous pouvez partir».

Une expérience inhabituelle dans le laboratoire d’un théâtre

Suie n’est ni beau ni émouvant ni impressionnant, ou même vraiment choquant. Dans cet univers construit comme un collage absurde, la narration appartient à l’imaginaire du spectateur. Et si il ne trouve pas de sens dans une narration, pourquoi ne pas s’interroger sur l’aspect revendicatif?

Étant enfant, j’avais l’impression que la danse était un prétexte à m’autoriser à faire ce que je voulais. Marcher pieds nus, danser dans un escalier, paraître étrange en toute liberté. Le sujet de cette pièce est justement cet idéal finalement peut-être pas si réaliste que ça une fois rendu sur les scènes professionnelles.

Intriguée car étonnamment charmée. Les images restent en tête, les questionnements surgissent de manière désordonnée. C’est une création qui supplie de la remettre en question pour mieux nous remettre en question nous-même.

Suie laisse sa trace. Ne permettant pas l’indifférence, l’œuvre propose une démarche particulière, impliquant la réflexion de celui qui la découvre.

L'avis


de la rédaction

Nos recommandations :

Vos commentaires

Revenir au début