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Crédit photo : www.mbam.qc.ca
Plus on s’enfonce dans le dédale, plus les oeuvres sont ambitieuses, comme le provoquant monument funéraire dédié à Balzac. Alors que partout aujourd’hui on parle de briser les standards de beauté, Rodin a ébranlé les propres conventions de son époque en exhibant un nu d’un homme en embonpoint, à des années-lumière de l’idéal athlétique qui dominait le milieu de la sculpture.
Outre les classiques du «Penseur» et de «l’Homme qui marche», la sculpture «La pensée» constitue notamment une pièce discrète mais poignante, en partie parce qu’il serait le portrait de Camille Claudel. Élève et amante de Rodin, la talentueuse artiste connut trop jeune un destin tragique. La visage contemplatif surplombe le marbre brut, comme si le corps y était emprisonné, un symbole que certains observateurs ont apparenté à la maladie mentale qui a paralysé de façon semblable la carrière artistique de Claudel.
L’exposition se conclut en beauté avec une salle multimédia où l’on peut consulter des reprises contemporaines des oeuvres de Rodin. Il est dommage que l’installation conçue par Adad Hannah et Denys Arcand, et inspirée des Bourgeois de Calais, soit diffuse en continu en différents extraits, puisque la cacophonie de ces derniers empêche le spectateur d’apprécier pleinement l’oeuvre. On lui préfére la série «Unwrapping Rodin» d’Adad Hannah, placée de sorte que le bronze original est entouré de photographies, ce qui permet de discerner le contraste des époques.
Chapeau aussi à la salle «multisensorielle» qui permet de toucher plusieurs sculptures, le tout au son des marteaux de l’atelier.
L’art de Rodin est empreint de modernité; l’humain y est nu, contemplatif mais surtout fragile. L’aspect incomplet des pièces explique pourquoi l’ensemble de l’oeuvre a généré autant d’incompréhension dans le passé que d’admiration aujourd’hui, dans la mesure où elle se veut une brillante interprétation de la vie elle-même, en constante évolution et belle dans ses lacunes. En reprenant les mots de Rodin lui-même, il considérait les sculpteurs et leurs collègues fondeurs et tailleurs de pierre comme «des ouvriers dont la journée ne finit jamais».
Au final, c’est bien à partir de ces «métamorphoses» que l’exposition a tout son impact.
Métamorphoses: Dans le secret de l’atelier de Rodin est une production du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Musée Rodin de Paris. À l’affiche jusqu’au 18 octobre 2015.
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de la rédaction