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Crédit photo : Denis Martin
Les cinq danseurs évoluent dans un espace scénique quadrangulaire. Un corridor blanc se dessine en contour d’un centre plus foncé. Un danseur attend le début de la présentation, immobile, prêt à déposer le dernier morceau de bande qui limitera l’espace au plancher. Acteur indispensable dans cette action, il se verra plus tard victime des limites qu’il aura lui-même auparavant imposées au groupe.
Entrant un à un dans l’espace afin d’y ajouter leur touche, leur ressenti, leurs inquiétudes et leur voix propre, il est intéressant de voir réagir le public disposé sur trois côtés de la scène. Les têtes se tournent tour à tour pour observer l’un ou l’autre des danseurs, et cela ajoute une dimension en temps réel à la représentation.
Alors que le danseur initial entre de force au centre de la scène, l’action s’accélère et les danseurs s’ajoutent au tableau, se mouvant sur une bande sonore qui comprend des chants traditionnels marocains souvent distortionnés ou rehaussés par une musique électronique.
Beaucoup de choses se passent en même temps, et beaucoup d’accessoires sont utilisés. On en vient à se demander c’était tant nécessaire, mais l’utilisation de certaines choses, dont les barres de métal, piquent facilement notre attention et notre curiosité. Utilisées par l’une des interprètes féminines afin d’ajouter par moments de nouvelles limites aux membres du groupe, ou transformées en antennes ou longues vues pour épier les danseurs et le public par la même occasion… ces barres deviennent objet de surveillance des frontières à ne pas oser dépasser.
L’annonce de l’atroce et de l’abominable qui immobilise tous les danseurs le temps de leur imposer de nouvelles conditions spatiales est un moment fort de la pièce. On sent enfin que l’on va quelque part, qu’une direction plus claire sera finalement donnée. Espoirs un peu vains, toutefois, car la création reste faible quant aux moyens d’expression de son message, peut-être dû au manque d’uniformité technique des interprètes.
Leurs forces respectives semblent néanmoins avoir été mises de l’avant en créant plusieurs moments chaotiques où chacun évolue dans son propre monde. On assiste aussi à quelques duos, mais très peu de moments où le vocabulaire est similaire.
Un sentiment global de frénésie généralisée est palpable dans la majeure partie de la pièce. Une créature aux longs ongles observe les autres et le public, pendant que ses compères vaquent à leurs occupations; duo masculin au sol, lancés de carnets, tours traditionnels marocains sur une jambe, déplacement des bandes au sol et des barres de métal en un nouvel espace… Le tout sur un fond d’une littérale danse du ventre de l’un des interprètes masculins, le visage couvert par son propre chandail.
Puis le calme s’installe et les danseurs se dissipent dans le public, un à un, alors que «Here It Is» de Leonard Cohen emplit la salle. Ne reste plus que la Ma3lema (la maîtresse); celle qui reste; celle qui gère au centre de ce nouvel espace laissé en chaos total. Celle qui rayonne de mille feux dorés; celle qui aura tout bien orchestré pour régner…
«Borderlines» de Taoufiq Izeddiou en images
Par Denis Martin
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