«Carmina Burana et Stabat MATER» d’Edward Clug à la Salle Wilfrid-Pelletier – Bible urbaine

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«Carmina Burana et Stabat MATER» d’Edward Clug à la Salle Wilfrid-Pelletier

«Carmina Burana et Stabat MATER» d’Edward Clug à la Salle Wilfrid-Pelletier

Contrastes, minimalisme et effet de groupe

Publié le 5 octobre 2019 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Sasha Onyshchenko (photo à la une: Carmina Burana)

La soirée, présentée par les Grands Ballets, était divisée en deux segments bien distincts: Stabat MATER et Carmina Burana. Deux thématiques lourdes de significations, mais revisitées d’une manière où le public pourrait les réinterpréter et leur donner un tout nouveau sens, plus moderne. Les deux histoires présentaient des points communs, mais surtout un esthétisme similaire, offrant ainsi une belle continuité.

Pourtant, le public présent à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts a eu droit à un spectacle tout en contraste. Nous remarquons l’existence des choses, car elles sont en opposition avec d’autres. L’une des contradictions les plus marquantes est sans contredit la mise en scène très épurée, voire futuriste, qui coexiste en parallèle avec la musique classique et baroque, interprétée avec finesse par l’orchestre des Grands Ballets, sous la direction de Dina Gilbert.

Les danseuses et danseurs, pour leur part, se fondaient dans le groupe, provoquant ainsi un sentiment d’unité puissant et sans équivoque. Cela crée également un effet dépersonnalisant, puisqu’aucun d’entre eux n’a de traits originaux ou ne démontre de sentiments qui lui est propre. Ce sont des figurines modulant les gestes avec une symétrie et un rythme mécaniques, sans toutefois perdre de leur humanité. On perçoit également une certaine chaleur qui émane de leurs êtres.

Stabat MATER: spiritualité et futurisme

Le message est d’autant plus fort, spécialement en ce qui concerne Stabat MATER: les danseuses et les danseurs, divisés en deux bandes à part, réagissent en fonction des mouvements du premier groupe, en répliquant de façon contraire. Si les danseurs se courbaient vers l’avant, les danseuses se penchaient vers l’arrière, et ainsi de suite. Un jeu de miroirs contraires qui a captivé le public.

Stabat MATER, basé sur le tourment de la Vierge Marie, celui d’être une spectatrice impuissante de la crucifixion de son fils Jésus, s’éloigne, d’une certaine façon, de son contexte originel.

Le décor actuel est futuriste et minimaliste. Toutes les danseuses sont vêtues d’une robe épurée de couleur chair, tandis que les danseurs sont tous habillés d’un habit noir très commun et contemporain.

De plus, l’entrée en matière brise les codes; en alternance, une danseuse et un danseur se positionnent sur la scène, tandis que le spectacle n’a pas encore, officiellement du moins, commencé. Le parterre est toujours illuminé et le public s’assoit, discute, et ne semble pas se soucier de ce qui se passe sur la scène. L’étape de la suspension de l’incrédulité n’a jamais eu lieu.

La lumière est utilisée de façon absolument merveilleuse pendant toute la soirée; elle ne distrait jamais le spectateur, et souligne avec justesse les différentes intrigues et moments importants.

Carmina Burana: une chorégraphie furieusement moderne

La nature plus complexe de Carmina Burana donne des textures plus variées à ce numéro, mais les mouvements à la fois réciproques et contradictoires sont toujours présents, un contraste amplifié par les costumes rouges et noirs (deux dégradés inverses pour les ballerines et ballerins).

Carmina Burana, composée en 1935-1936, a fait sa place dans l’imaginaire collectif par sa grande popularité, mais aussi par ses associations au cinéma. Nous avons l’impression qu’elle a une saveur très classique et qu’elle date d’une époque depuis longtemps révolue.

Le côté dramatique de la musique de Carl Orff, et surtout d’«O Fortuna», n’est pas reflété dans les pas de danse, qui sont pourtant particulièrement efficaces. En fait, la chorégraphie est furieusement moderne plutôt que dramatique ou même classique. On fait fi du collage de poèmes médiévaux; on change drastiquement de registre. Cette approche sert magnifiquement ce ballet, lui conférant un caractère rafraichissant et innovateur, loin des clichés.

De plus, la force du nombre, quarante danseurs dans ce cas-ci, crée un effet où l’on comprend la portée et l’intensité d’une émotion, sans toutefois être noyés dans une mer de gens ou engouffrés dans un manège militaire. La succession de pas comprend plusieurs grands mouvements exécutés à un rythme soutenu, sans être rapide.

Plutôt que de tenter de nous impressionner avec une chorégraphie surchargée et très technique, Edward Clug permet aux mouvements des danseurs de créer un effet, un sentiment dont on s’empreigne, car nous avons le temps de bien les intérioriser.

La scénographie est minimaliste: un immense cerceau est utilisé, nous donnant l’impression d’être plongés dans un récit de science-fiction. La chorale, d’un côté, les femmes, et de l’autre, les hommes, accentue cet élément d’opposition qui a été omniprésent pendant toute la représentation. Bien que la chorale et les trois solistes ont chanté avec justesse et prouesse, leur interprétation était plutôt lumineuse que sombre et inquiétante, ce qui, habituellement, va de pair avec l’atmosphère médiévale de l’œuvre. Ceci crée un nouveau contraste; on s’éloigne de la noirceur pour faire place à la clarté.

Ce fut une superbe soirée. Ce ballet séduit par sa capacité à innover et à transcender les genres.

«Stabat MATER et Carmina Burana» en images

Par Sasha Onyshchenko

  • «Carmina Burana et Stabat MATER» d’Edward Clug à la Salle Wilfrid-Pelletier
    Stabat MATER
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    Carmina Burana
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