Karen Young et Coral Egan à l’Astral à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016 – Bible urbaine

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Karen Young et Coral Egan à l’Astral à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016

Karen Young et Coral Egan à l’Astral à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016

L’harmonie sur scène comme dans la voix

Publié le 4 juillet 2016 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Mathieu Pothier

Karen Young et sa fille Coral Egan, leurs cordes vocales en or supportées simplement par un bassiste et une harpiste: voilà le programme épuré auquel le public de l’Astral a eu droit dimanche soir, alors qu’elles donnaient leur premier spectacle en duo, mère-fille, à l’occasion du Festival international de jazz de Montréal. Installées devant des lutrins et laissant s’échapper quelques rires ici et là, les deux interprètes ont tout de suite montré aux gens qu’il n’y aurait pas d’artifices et de gros ego ce soir-là: on était en famille.

C’est avec un standard de Lambert, Hendricks & Ross que le duo a ouvert la soirée, Karen Young affirmant que c’est ce groupe qui l’a influencée à se diriger vers le jazz, au début de sa carrière. Laissant voir une complicité évidente et attendrissante entre les deux, la mère et la fille ont tout de suite charmé avec l’harmonie de leurs sublimes voix – plus claire et aiguë chez Young, plus chaleureuse et feutrée chez Egan –, et leurs interactions avec le public, dans un français bien fluide et avec un bon humour. «Coral et moi, on chante ensemble depuis…sa naissance!» a laissé échapper Karen, faisant rire la foule et augmentant du même coup les attentes pour ce spectacle qui débutait, dont on sentait qu’il serait unique et mémorable.

La beauté de leur relation s’est rapidement instaurée, notamment grâce à la performance de «Children at play», une chanson écrite par Karen Young à la naissance de sa petite-fille – la fille de Coral –, alors qu’elle «n’était pas prête à cet amour inconditionnel d’un grand-parent pour sa petite-fille». Commençant la pièce en créant une rythmique de tapement de mains en tapant l’une dans les mains de l’autre, comme le feraient des écolières dans une cour de récréation, les deux artistes ont bien fait sourire les spectateurs; des sourires d’attendrissement devant cet exercice un peu malhabile, mais effectué sans gêne, le sourire aux lèvres, fièrement.

Il faut l’avouer: il y a quelques accrocs ici et là dans ce spectacle; on ne le sent pas tout à fait rodé – et pour cause! C’est la première fois qu’elles se retrouvent jumelées sur une scène pour un spectacle entier! –, mais toujours, elles s’en tirent bien pour se reprendre et s’en trouvent plus charmantes encore. Se corrigeant l’une l’autre avec finesse, à l’aide de doux gestes pour ramener l’autre sur la bonne voie, elles sont à la fois comiques et touchantes. Il faut aussi voir Coral Egan diriger doucement sa mère et la harpiste lors d’envolées vocales, de délicats gestes de la main.

Leurs harmonies sont jolies, leurs voix s’accordent bien, mais c’est lorsque Egan s’installe au piano (aussi quand elle s’adonne à son propre matériel) qu’elle brille le plus. Durant la chanson folk traditionnelle «Old Coal Miner», on la sent tout de suite plus assumée, à l’aise dans son élément, comme ce fût aussi le cas durant «State of Grace» (My Favorite Distraction, 2004), applaudie dès les premières notes. Avec la belle et douce harpe d’Éveline Grégoire-Rousseau et le piano accompagnant la voix grandiose de Coral, ce numéro laissa à Karen Young un rôle plutôt de choriste, mais mit bien en valeur la sublime voix de sa fille.

Le retour du balancier se fit, alors notamment que la mère fit sortir sa fille de sa zone de confort, selon ses dires, pour chanter «Somebody Special», de Steve Lacy. Leurs deux voix célestes, divines, furent bien mises de l’avant, créant un numéro d’une grande beauté et bien apprécié par le public. Si le répertoire des chanteuses a bien sûr navigué allègrement dans de bons classiques de jazz bien maîtrisés, il fut étonnant de constater la diversité des styles revisités, allant de «Pyramid Song» (Radiohead?!) à une chanson brésilienne, puis une autre, turque, d’une grande beauté et démontrant tout le pouvoir évocateur de leurs voix, qui ont transmis de belles émotions malgré l’incompréhension des paroles.

Hésitantes, devant quitter la scène après un numéro très théâtral avec invités (Jonathan Davis et Linda Morrison) durant lequel Karen Young a offert un aperçu de son projet Missa Campanula, qui voit des chansons traditionnelles britanniques être chantées par une chorale, les deux interprètes ne pouvaient se résigner à terminer le spectacle, ayant visiblement trop de plaisir, tout comme le public, en qui redemandait.

Après que Karen Young se soit fait remettre le Prix Oscar-Peterson par le Festival international de Jazz de Montréal pour sa contribution au jazz, les deux complices ont terminé la soirée avec deux chansons pourtant bien loin de ce style musical, en démontrant encore une fois leur vaste registre et diversité. Du yodel durant une chanson des sœurs DeZurik (aussi connues sous le nom de Crackle Sisters) datant des années 1930 à une berceuse de Simon & Garfunkel («April Come She Will»), Karen Young et Coral Egan ont chanté tant de textures et de couleurs qu’elles se sont toutes mélangées de brillante façon pour créer de l’or: celui de leurs cordes vocales.

L'événement en photos

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Par Mathieu Pothier

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