«Camp Fires» au Musée McCord du 10 avril au 16 août 2015

Quelques pas plus loin, sur l’autre mur, on détaille des images d’autres formes, d’autres illustrations. Ici, chaque tête représentant un homme barbu est utilisée comme socle pour y apposer une autre tête à l’envers. Le visage barbu créé par Paul Mathieu dans la Série Camouflage (E.M.) (2005) nous renvoie directement au Christ, alors que sur sa tête une autre œuvre de porcelaine exhibe l’image d’un homme nu couché sur le ventre, le creux des reins en évidence. Le fait de placer ces représentations ensemble accentue cette idée de pastiche et de détournement de sens. Une figure aussi iconique que celle de Jésus avec cet homme sensuel au-dessus illustre l’importance de la religion dans la sphère sociétale, et du même coup, fait descendre de son piédestal l’Église. Les renvois au catholicisme, dans lequel ont baigné les artistes au sein du cocon familial, sont légion dans l’exposition.

Il ne faut pas oublier que l’éclatement des formes, des couleurs et l’utilisation des paillettes confirment l’esthétique «Camp» des créations. L’excès en tous genres domine, comme c’est le cas pour ce Siège de bicyclette bleu et jaune (1977) de Foulem, véritable hymne à la création kitsch, avec ses couleurs pétantes, doté d’un phallus avec un urètre brillant rouge. Une autre de cette série de sièges est enguirlandée de plumes. En réalité, l’humour n’est toutefois jamais loin du plus sérieux, du plus réel et de l’histoire de l’art.

À ce sujet, les hydries de Richard Milette nous amènent sur le terrain de la réalité gaie, soit la stigmatisation physique ou verbale, les insultes ou termes utilisés pour désigner la minorité sexuelle. Sur chaque vase, que l’on se servait dans la Grèce antique pour le transport de l’eau, quatre lettres forment un mot. PEDE, FUCK, LOVE, HATE, SCUM et HOMO s’affichent le temps du déchiffrage qu’il soit rapide ou long. L’appropriation de l’hydrie (composée de céramique et de plâtre) interroge aussi la place de l’œuvre dans l’institution muséale. La référence à un vase désormais collectionné et archivé parce qu’antique et historique change-t-il notre perception de l’œuvre? Est-ce plus noble? C’est d’ailleurs Milette qui, dans une entrevue filmée, explore cette avenue et questionne nos rapports à l’art, aux hiérarchies des œuvres et au discours sur l’histoire de l’art. Un petit coin a été aménagé au fond à droite de la pièce du musée pour visionner des entrevues avec les trois céramistes.