«Les albums sacrés»: le 20e anniversaire de l’album homonyme de System of a Down – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 20e anniversaire de l’album homonyme de System of a Down

«Les albums sacrés»: le 20e anniversaire de l’album homonyme de System of a Down

«J’aime penser que nous sommes un croisement entre Pink Floyd et Slayer»

Publié le 28 juin 2018 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Columbia Records (The American Recording Company), distribué par Sony Entertainment Canada Inc.

Difficile de définir le son de System of a Down. Cette phrase, énoncée par Shavo, le bassiste, avait pour but d’expliquer que son groupe n’est pas intéressé à l'idée de créer des chansons notoires, mais plutôt des albums mémorables qui s’écoutent du début à la fin. Dans le cadre de cette entrevue (à MTV), il a également affirmé que SOAD n’appartenait pas à un style de musique en particulier, mais qu’il avait inventé son propre genre. Est-ce que cette citation reflète la réalité?

Le chanteur et claviériste Serj Tankian et le guitariste Daron Malakian se sont rencontrés alors qu’ils pratiquaient au même endroit avec leur groupe respectif. Ensemble, ils formèrent Soil et recrutèrent d’autres membres, dont Shavarsh «Shavo» Odadjian, qui fut leur gérant et guitariste. Toutefois, la formation ne survivra pas à son premier concert…

En 1994, Tankian, Malakian et Odadjian, qui a échangé sa guitare pour une basse et qui a délaissé son rôle de gérant, trouvèrent un nouveau batteur (Ontronik Khatchatourian) et décidèrent de nommer cette nouvelle incarnation System of a Down, inspirés d’un poème de Malakian intitulé Victims of a Down. En 1995, Khachaturian quitta le quatuor et John Dolmayan le remplaça. La formation hollywoodienne est, à ce jour, composée de ces mêmes musiciens.

Ils travaillèrent sur une série de démos sans toutefois susciter un engouement… Heureusement, leur réputation sur scène leur a permis de gagner en popularité et de se faire remarquer par les étiquettes ainsi que par Rick Rubin, réalisateur génialissime. En fait, ils hésitèrent entre Universal et Columbia, mais optèrent pour Columbia. Universal était plus orientée vers le R&B à l’époque et ils craignaient que la maison de disques ne sache pas bien les cerner et que, conséquemment, elle peine à les promouvoir. Rubin, lui, a compris sur-le-champ qui était System. Il a réussi à capturer l’originalité de la formation tout en leur permettant d’être concis. C’est ainsi que paraîtra, le 30 juin 1998, le premier opus studio du quatuor, baptisé tout simplement System of a Down.

Rick Rubin est, par ailleurs, devenu un collaborateur important; il a participé à tous leurs albums.

Renouveler le genre

Leur saveur unique peut s’expliquer par plusieurs facteurs: l’excellent jeu de guitare, les paroles légèrement mystérieuses, le mélange de sonorités métal, la vitesse rythmique du punk, la basse aux accents funk, la formule passive agressive et le timbre du chanteur…

Serj Tankian a une voix singulière et puissante, et il possède un très bon registre (quatre octaves et une note). Il vogue entre le chant plus parlé où il adopte un ton moqueur et une voix plus émotionnelle ou enragée. Il chante également en alternance avec le bassiste, qui est reconnu pour rugir de manière démoniaque («Sugar»).

Nous pouvons, bien sûr, entendre l’influence de groupes tels que Black Sabbath, Rage Against the Machine, Mr. Bungle et Dead Kennedys. Donc, rien de nouveau dans la sphère musicale…  L’innovation réside dans le dosage atypique de ces inspirations; c’est ce qui a permis au quatuor de créer un son différent. En fait, les musiciens ont réussi à rassembler les meilleurs éléments de la musique de la fin des années 1990 et début 2000 ainsi que celle du Moyen-Orient.

Certains critiques leur ont apposé l’étiquette de nu metal, un peu comme Deftones et Korn. Pourtant, le rap, et, surtout la table tournante, sont absents des parutions de SOAD. Personnellement, je trouve que System a la même robustesse que Lamb of God ainsi que le côté grandiose et tragique de Tool lorsqu’ils créent des ballades. Par ailleurs, la formation maîtrise ce style avec une aisance incroyable, comme le prouve le superbe extrait «Spiders».

Un groupe politique ou à portée sociale?

Le quatuor, dont les membres appartiennent à la communauté arménienne, s’est toujours défendu d’être un groupe politisé, bien qu’il ait toujours milité pour que soit reconnu le génocide arménien («P.L.U.C.K.» et «Know», entre autres, traitent de ce sujet). Étant donné qu’elle explore d’autres thématiques, dont la sexualité, les drogues et la violence, la formation maintient qu’elle s’intéresse plutôt à la société de façon générale. Pourtant, la pochette de System of a Down a les allures d’un manifeste, de la même trempe que RATM…

Cependant, il est vrai que System dépasse le spectre de la politique. Ils nous proposent leur opinion à propos des drogues avec «Peephole», un titre qui me fait penser à une valse de par son instrumentation. «Soil», pour sa part, fut écrite en réponse au suicide d’un ami de Tankian (et ancien membre de Soil). Le texte explique avec conviction la peine et la frustration éprouvées face à ce drame, ce qui prodigue un certain réalisme à la chanson. Les extraits «Spiders» et «Suggestions» dénoncent, quant à eux, le rôle des médias dans l’asservissement de la population.

Le rôle de Daron Malakian et l’avenir incertain de SOAD

Malakian est un guitariste particulièrement habile et, en plus de composer la musique, il écrit parfois les paroles. Il a même affirmé au magazine Billboard qu’il a façonné le son de SOAD. Il faisait, à ce moment, un parallèle avec son groupe Scars on Broadway: «En fait, j’écris 90% ou plus de la musique – la musique, les chansons, les paroles, les partitions de chant de System of a Down. C’est ce que je fais, alors si cela sonne semblable, ce n’est probablement pas surprenant.»  

C’est vrai, plus les disques se succédaient, et plus il était investi dans la création. De façon inversement proportionnelle, la participation de Tankian s’effaçait doucement. Peut-être a-t-il perdu le feu sacré qui le dévorait à ses débuts?

Le groupe prit une pause entre 2006 et 2010 et promit qu’il y aurait, dans le futur, un nouveau disque. Les membres se sont réunis à l’occasion pour des spectacles, mais il ne semble pas y avoir de nouvelle offrande en vue. Par ailleurs, dans le cadre de diverses entrevues, les membres admettent avoir de nouvelles chansons en banque, mais accusent Tankian d’empêcher la finalisation de celles-ci.

Le legs de System of a Down

Cet album est sans contredit excellent, et ce, non seulement pour un premier disque en carrière. Il prédisait avec justesse tout le potentiel du groupe. D’une certaine façon, les musiciens possédaient déjà une vision de qui ils étaient, mais aussi de la musique qui les représenterait le mieux. Sans réinventer la musique métal, ils ont contribué à la redéfinir en y injectant une bonne (et nécessaire) dose de modernité.

Mais surtout, je crois que les fans, comme moi, apprécient la vitalité et la complexité de leur son. Oui, Toxicity (2001) fut LE méga succès et Steal This Album! (2002) est le favori des admirateurs, tandis que Mezmerize et Hypnotize (2005) contiennent certains de leurs titres les plus connus… Mais avec System of a Down, le quatuor a offert une recette unique lui permettant de se tailler une place enviable dans cette ère de grandes métamorphoses.

Sont-ils une fusion entre Pink Floyd et Slayer? Bien qu’ils aient des racines thrash bien ancrées, grâce à leur amour pour Slayer, ils n’ont pas le côté planant de Pink Floyd. Ils sont indéniablement en diapason avec le monde qui les entoure, leur mécontentement est trop flagrant, et leur désir de passer à l’action est contagieux. De façon brutale, ils invitent les auditeurs à se poser des questions. L’effet cathartique qui en émane est toujours aussi intense, et ce, même vingt ans après sa parution.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 12 juillet 2018. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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