«In Spades» de The Afghan Whigs – Bible urbaine

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«In Spades» de The Afghan Whigs

«In Spades» de The Afghan Whigs

Lorsque la mort nous guette…

Publié le 9 mai 2017 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Sub Pop

La formation originaire de Cincinnati a présenté le 5 mai dernier sa huitième parution. À peine trois ans après leur retour inespéré, The Afghan Whigs surprend avec cette nouvelle offrande, autant par sa délicatesse musicale que par ses paroles mystiques.

Cet opus est très différent de l’album précédent. Celui-ci fut enregistré avec tous les musiciens présents (en même temps) dans le studio, ce qui ne s’était pas produit depuis le disque Black Love (1996). Lorsque Do to the Beast fut lancé, le 15 avril 2014, on apprend que le guitariste Rick McCollum a dû quitter le groupe. Pour les admirateurs, ce fut un grand choc, car ce dernier était avec la formation depuis les débuts. Ce départ contribua à transformer le son de The Afghan Whigs. Les riffs sont désormais moins incisifs, moins précis et moins «grafignants». Cependant, l’esprit demeure le même.

La faucheuse de la mort

C’est Dave Rosser qui le remplace. Ce dernier est reconnu, comme se plaît à le dire le chanteur, pour ajouter une couche de «Southern grease» à son jeu de guitare. En fait, Rosser et Dulli avaient travaillé ensemble, et ce, bien avant qu’il ne se greffe au Whigs. Il a fait partie des formations que le chanteur a créées en parallèle: The Twilight Singers et The Gutter Twins. Deux grands amis, deux collaborateurs de longue date. Ce qui explique pourquoi le groupe a vécu une véritable commotion lorsque le guitariste leur a annoncé qu’il avait un cancer du côlon qui est inopérable, l’automne dernier.

Cette horrible nouvelle incita donc Greg Dulli à se questionner sur la mortalité, une réflexion qu’il avait déjà entamée sur Do to the Beast. De plus, les décès de David Bowie et, surtout, de Prince ont eux aussi attristé le chanteur et parolier. Il était un très grand fan de Prince, il a souvent répété dans le cadre de plusieurs entrevues à quel point il fut influencé par le multi-instrumentiste (il a même fait une reprise de «When Doves Cry» avec Apollonia, l’actrice du film Purple Rain). Sur le plan personnel, comme il l’a précisé au journal The Sun, ce sont trois de ses proches qui ont quitté notre monde. Ces moments tristes furent, en quelque sorte, les catalyseurs d’In Spades, un disque marqué par le deuil. Mais cet opus présente également des accents intéressants: on y parle de divination, d’occultisme et de sorcellerie.

Une approche différente

Il s’agit de l’album le moins rock de The Afghan Whigs. Par contre, les pièces sont toujours ancrées dans le soul et le R&B, la marque de commerce du groupe. La voix est moins soignée que sur l’offrande précédente, un peu comme si le chanteur préférait capturer ses émotions à vif plutôt que d’obtenir un effet techniquement parfait mais dénudé de passion. De plus, la guitare est moins présente, ce qui laisse la place aux synthétiseurs, aux instruments à cordes ainsi qu’aux cuivres. Un autre élément qui se démarque est les paroles; Greg Dulli a préféré opter pour un style plus dépouillé, concis et métaphorique.

L’ordre des titres épouse avec un grand naturel la direction de l’album, commençant avec une pièce énergique, «Birdland», qui prépare le terrain à l’envoûtante «Arabian Heights». «The Spell» et la très groovy «Light as a Feather» sont similaires à leur son habituel et possèdent le côté mélodique que les admirateurs affectionnent. «Demon In Profile» illustre le côté sordide de la séduction, tandis qu’«Oriole» est la surprise d’In Spades; l’omniprésence des instruments à cordes lui confère un aspect très doux bien qu’effrayant à l’image un sortilège.

Pour sa part, «I Got Lost» fut écrite en réaction au diagnostic de Dave Rosser. Cependant, il serait faux de croire que le chanteur et guitariste a perdu son fiel; «Corpernicus» en est la preuve. «Into the Floor», avec son piano et ses arrangements, est une magnifique ballade particulièrement triste, le désespoir se perçoit dans la voix du chanteur. Cette chanson est définitivement l’une des meilleures de l’offrande.

Un opus qui est, en somme, assez court (dix extraits, 37 minutes) mais qui est très limpide. Peut-être cela s’explique par le fait que tous les musiciens étaient présents pour l’enregistrement.

Généralement, il faut plusieurs écoutes pour vraiment comprendre, déchiffrer les subtilités et apprécier un album de The Afghan Whigs à sa juste valeur. Mais, cette fois-ci, le coup de foudre est instantané. Il est possible que cette offrande fasse connaître la formation à un public plus vaste.

Par ailleurs, le groupe offrira un spectacle accompagné de leur invité Har Mar Superstar le lundi 18 septembre au Théâtre Fairmount. Les billets sont présentement en vente!

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