«Do to the Beast» de The Afghan Whigs – Bible urbaine

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«Do to the Beast» de The Afghan Whigs

«Do to the Beast» de The Afghan Whigs

Réapprivoiser la noirceur

Publié le 15 avril 2014 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Sub Pop

Seize ans ont passé depuis la parution de leur dernier disque, 1965. Les fans et les critiques avaient la certitude que The Afghan Whigs était un groupe défunt, d’autant plus que le chanteur Greg Dulli avait déjà passé à autre chose, notamment avec The Twilight Singers et The Gutter Twins.

Un huitième album de la formation originaire de Cincinnati dont personne n’envisageait le retour est définitivement une surprise. Plusieurs groupes ont tenté un retour après une longue période d’inactivité, sans pourtant réussir à retrouver leur notoriété passée… On ne peut s’empêcher de se demander si ce sera le cas pour ce groupe culte des années 90, qui, malgré ses fans dévoués, n’a jamais bénéficié de la même popularité que certaines formations de l’époque.

The Afghan Whigs ont toujours été en marge de la grande explosion grunge, car leur musique était beaucoup plus rock que punk, fortement inspirée par le R&B et le soul. Et surtout, il y a le style d’écriture du leader de la formation, Greg Dulli, qui a toujours constitué un sujet de débat: Est-il un homme au cœur froid qui ne pense qu’à multiplier les conquêtes, ou est-il un être en perdition, déchiré entre la séduction, l’amour, la vengeance et le regret? Est-ce que l’un exclut l’autre?

Quoi qu’il en soit, ses paroles, très personnelles et crues, sont d’une honnêteté déconcertante. Les thèmes de prédilections sont la haine de soi-même, la culpabilité, les ruptures envenimées, l’amour dictateur et destructeur ainsi que l’ivresse des paradis artificiels. Mais une chose est certaine, il chante avec conviction et émotion, donnant ainsi aux paroles tout leur sens.

Le premier titre, «Parked Outside», est la pièce parfaite pour débuter cet album en force. Le jeu des guitares est accrocheur et intense, tandis que le chanteur hurle d’un ton revendicateur: «If they’ve seen it all, show ‘em something new». Cette chanson est l’hymne désigné pour l’effeuillage!

«It Kills» est une ballade poignante sur laquelle on entend un Greg Dulli brisé et chanter avec désarroi: «It kills to watch you love another». La douleur est vive et palpable. L’influence de la musique soul, héritage dont le groupe c’est toujours prévalu, sert avec justesse les paroles.

«Algiers» est l’équivalent sonore d’un Spaghetti Western (et le vidéo est l’hommage parfait au genre, voir ci-dessous) pour lequel le chanteur s’improvise crooner, s’inspirant de Roy Orbison et d’Elvis.

«Lost in the Woods» est une chanson terrifiante, envoûtante et enveloppante, avec de magnifiques arrangements de piano et de cordes. «The Lottery» un extrait est très rock, super entraînant, avec beaucoup de guitares, tandis que «Can Rova» est surprenante, douce et offre des rythmes électro.

Est-ce que The Afghan Whigs sont aussi pertinents en 2014 qu’ils l’étaient en 1998? Absolument. Les histoires d’âme torturée entre le bien et le mal, l’amour et la haine, articulées avec dextérité et vérité, trouvent toujours écho. Mais surtout, l’évolution de leur musique est naturelle et prouve que le groupe a su éviter le piège de la nostalgie, tout en demeurant fidèle à leur son unique.

Les admirateurs seront enchantés d’avoir enfin des nouvelles chansons à écouter. Ils seront aussi soulagés de constater que le groupe n’offre pas une réédition de Gentlemen ou Black Love, mais bien une offrande distincte. Do to the Beast est un excellent album, les chansons constituent un tout qui s’écoute du début à la fin. Comme pour chacune des parutions d’Afghan Whigs, après quelques écoutes, l’auditeur pensera qu’il s’agit d’un bon disque, mais après plusieurs, il sera totalement captivé.

Do to the Beast sera disponible ce mardi 15 avril sur l’étiquette Sub Pop.

 

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