«Les albums sacrés»: le 20e anniversaire de «Black Love» de The Afghan Whigs – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 20e anniversaire de «Black Love» de The Afghan Whigs

«Les albums sacrés»: le 20e anniversaire de «Black Love» de The Afghan Whigs

L'amour et autres noirceurs

Publié le 1 avril 2016 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Sub Pop

Je vais être très honnête avec vous: j’adore The Afghan Whigs. C’est l’un de mes groupes fétiches, on pourrait même dire que mon admiration frôle l'obsession (ce que mon éditeur en chef confirmera sans hésiter!) Comment décrire leur musique? Des paroles troublantes par leur candeur, mais aussi un rock aux riffs de guitare envoûtants, infusé de R&B, de soul et de motown. Un mélange étonnant, surtout en 1996, à l’apogée du grunge et du punk.

Je crois que la formation de Cincinnati possède l’une des discographies les plus solides qui soit, car chaque album va un peu plus loin que le précédent, et Black Love poursuit le chemin que l’excellent et tonitruant Gentlemen (1993) avait entamé. Toutefois, le ton est différent: après avoir assumé avec défiance et arrogance le rôle de mauvais garçon qui ne pense qu’à son propre plaisir, Dulli connaît une transformation. Toujours obnubilé par ses envies obsessives de vengeance, le chanteur partage désormais ses regrets ainsi que le doute qui le consume. Le son marque également un changement; les influences motown, voire gospel, sont beaucoup plus présentes.

Cependant, et les fans vous le diront, l’aura de la formation repose sur les épaules du chanteur et parolier Greg Dulli. Le musicien possède le charisme propre à ceux qui, malgré la douleur et la disgrâce, gardent la tête haute. Il est l’anti-héros auquel on peut s’identifier; même une âme perfide peut faire preuve de grandeur. Il chante avec émotion, et ce, même si sa voix a ses limites. Mais la raison pour laquelle on tombe en amour avec The Afghan Whigs, ce sont les paroles! Dulli a un style d’écriture unique, viscéral et troublant. Il sait décrire sa douleur et sa hargne avec finesse, sans être pompeux, mais surtout, avec une honnêteté remarquable. Dans toute sa splendeur et son ignominie. La sienne.

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La première moitié de l’album découle d’une tentative de script d’un film que Dulli voulait écrire, mais qui a plutôt été reconverti en paroles de chansons. S’inspirant du cinéma noir et de l’auteur James Ellroy, les textes paraissent en effet tomber dans la sphère du fantasme de type film policier plutôt que celle de l’autobiographie. Cependant, la seconde partie nous laisse entrevoir un Greg Dulli durement éprouvé par l’amour, filtrant entre la culpabilité, la remise en question et une certaine paix intérieure qui découle de l’aveu. Ce qui ne l’empêche pas de fantasmer sur la vengeance et la mort.

Je parle beaucoup de noirceur humaine, mais je dois souligner que les refrains et les envolées de guitare confèrent un aspect grandiose et chaleureux à la musique de The Afghan Whigs. Un sentiment d’immensité nous enveloppe et on croit percevoir une faible lueur à travers les thèmes plutôt glauques de Black Love. Les chansons de cette offrande sont toutes excellentes. Soulignons «Honky’s Ladder», un hommage à la musique noire et aux films du courant blaxploitation, qui est menaçante mais élévatrice à la fois.

Il y a aussi «Step Into The Light», très douce et mélancolique, qui illustre le regret à la perfection tandis que «Summer’s Kiss» est le rayon de soleil de Black Love. «Going To Town» est une invitation à la décadence particulièrement tentante. «Faded» est, à mon humble avis, une ballade magnifique. Interprétée de façon majestueuse, triste, elle fait frissonner!

Black Love est l’un de mes disques favoris de tous les temps, je ne peux pas chiffrer le nombre de fois que je l’ai écouté… Et je crois que c’est le secret pour réellement apprécier ce disque sombre et complexe. La beauté tourmentée de ses chansons se révèle à l’auditeur qui privilégie une relation plus intime avec l’offrande, celle-ci devient une compagne de choix dans les moments plus obscurs.

À surveiller le 14 avril 2016: l’album homonyme des Ramones. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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