MusiqueDans la peau de
Crédit photo : Gracieuseté d'Yves Lapointe, Kaji, Éric Berteau et Ulysse Bouchard
1. Oktopus est constitué de huit musiciens partageant tous une passion commune pour la musique d’Europe de l’Est. Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans la musique klezmer?
«Plusieurs choses, évidemment! Il y a dans cette musique quelque chose de très ressenti, un lien simple et direct entre l’intention musicale et ce que reçoit l’interprète ou l’auditeur. Elle témoigne autant des malheurs du peuple juif et de la diaspora que de l’esprit de fête omniprésent dans cette culture; et on le sent tout de suite! Un peu comme si des épisodes culturels forts étaient enveloppés comme des bonbons et qu’on les déballait devant tout le monde, l’un après l’autre, lors de nos prestations.»
«Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles la musique klezmer est accessible; elle communique de façon très profonde et réaliste des émotions simples comme la tristesse, la nostalgie, la joie et même le rire. Et lorsqu’elle communique la joie, ce peut être rapide et virtuose pendant longtemps! C’est donc une musique qui se partage bien et qui crée facilement un lien entre les interprètes et leur public, ce qui rend l’expérience musicale encore plus poignante.»
«Je dirais aussi qu’elle est attirante par sa multiplicité et son ouverture aux autres cultures qui est son essence même. Le répertoire et les formes klezmer se sont construits sur plusieurs décennies, souvent par les voyages qu’entreprenaient les musiciens. Quand on l’écoute, on y sent toutes les influences espagnoles, andalouses, moyen-orientales, grecques, polonaises, maghrébines, etc. C’est un plaisir que de jouer une musique si riche.»
«On peut trouver son compte avec la musique klezmer en se laissant porter par ses mélodies, mais on peut aussi l’étudier et comprendre son histoire, qui est intimement liée à celle du peuple juif. C’est d’ailleurs une des rares musiques qui est connue pour son appartenance culturelle plutôt que pour son lieu géographique.»
«Personnellement, j’ai un lien précieux avec cette musique puisque je l’entends depuis ma tendre enfance. Les premières cassettes que j’ai écoutées étaient de la musique traditionnelle klezmer que mon père faisait jouer. J’suis content que ça ait fait son petit bout de chemin pour devenir Oktopus!»
2. En plus d’être l’instigateur du groupe, tu assumes la plupart des arrangements. Où puises-tu ton inspiration et quelles sont tes influences?
«Les influences viennent de partout. La musique traditionnelle a énormément évolué au cours des dernières décennies dans la mesure où les villes étant de plus en plus métissées, on entend toutes sortes de musiques à chaque coin de rue. En se promenant l’été à Montréal, par exemple, on peut entendre des musiques qui tirent leurs sources de dizaines de styles et de pays de partout sur la planète. La musique traditionnelle d’aujourd’hui est, je pense, nécessairement caractérisée par cette effusion de styles qui gravitent autour d’une ville.»
«En ce qui me concerne, ça commence avec ce que j’ai écouté étant enfant, des airs traditionnels pour la plupart, puis il y a la musique classique que j’ai étudiée pendant de nombreuses années. Il y a dans la musique classique beaucoup plus d’airs traditionnels que l’on pense. Brahms par exemple, a refusé de mettre un opus à ses danses hongroises parce qu’il ne considérait pas avoir composé ces mélodies. Brahms, donc, mais aussi Bartók, Dvořák, Grieg, Mahler et plein d’autres! Durant mon adolescence, plusieurs groupes québécois de musique d’Europe de l’Est ont fait surface comme Manouche, Polémil bazar ou Gadji-Gadjo. Ensuite, c’est certain qu’il y a des incontournables klezmers qu’il faut écouter, comme Dave Tarras, Naftule Brandwein, le Klezmer Conservatory band, Andy Statman ou les Klezmatics, ne serait-ce que pour comprendre le style et connaître le répertoire.»
«Puis il y a tous les autres comme Socalled, le No Smoking Orchestra, le Lemon Bucket Orkestra, la Fanfare Ciocărlia, Django et des artistes issus du jazz, du Trad québécois, du pop, etc. Un de mes derniers arrangements est tiré d’une chanson de Destiny’s Child, parce que le beat électronique derrière me faisait penser à certains accompagnements de cuivres dans la musique des Balkans.»
L'événement en photos
Par Gracieuseté d'Yves Lapointe, Kaji, Éric Berteau et Ulysse Bouchard