Bernhari: la musique au temps du célibat – Bible urbaine

Musique

Bernhari: la musique au temps du célibat

Bernhari: la musique au temps du célibat

Nouvel album, nouveaux thèmes

Publié le 14 janvier 2016 par Francis Baumans

Crédit photo : Béatrice Flynn

Composant une première pièce intitulée «Éclipse» dont il cosignerait ensuite le texte avec la chanteuse Marie Brassard —, l’auteur-compositeur-interprète se lance donc dans un nouveau projet dont il ignore encore la véritable nature. «Le truc, cest que même si javais décidé de continuer en solo, je voulais quand même mentourer de gens avec qui je pourrais vraiment ficeler quelque chose de concret, et pas juste engager des musiciens de gig, tu comprends?»

Espérant sûrement faire la rencontre de la perle rare, Bernhari se met donc à chercher un peu partout, mais sans grand succès. Toutefois, quelques semaines plus tard, alors que des milliers d’étudiants à travers le Québec commencent à prendre la rue pour dénoncer une hausse des frais de scolarité décrétée par le gouvernement provincial, les astres commencent enfin à s’aligner pour lui, qui fait bientôt la rencontre d’un certain Shawn Cotton.

Jeune auteur qu’il connaissait déjà de nom, c’est une amie commune qui les présente finalement l’un à l’autre lors d’une manifestation. «Javais déjà lu un peu de ses trucs et je me rappelle quil y avait un poème de son recueil Jonquière LSD qui me faisait beaucoup penser à un poème de Rimbaud, alors javais eu envie le confronter là-dessus», se rappelle Bernhari en riant. «Finalement on sest super bien entendu et quand jai su quil jouait aussi de la musique, je lui ai tout de suite demandé sil voulait se joindre au projet.» Avec Cotton à la basse et Simon Quévillon à la guitare, Bernhari fait alors la connaissance d’Emmanuel Ethier, qui travaillait à l’époque à la réalisation de Maladie damour, deuxième album solo du québécois Jimmy Hunt. «On sest retrouvés à boire des bières ensemble un après-midi et Manu ma fait écouter quelques maquettes de lalbum de Jimmy sur lequel il travaillait. Comme j’étais déjà familier avec sa musique [celle de Hunt], jai tout de suite été capable de discerner ce qu[Ethier] amenait de différent au projet, et ça ma vraiment donner envie de travailler avec lui

Réalisé par Ethier — qui se joint également à son groupe à titre de guitariste —, le premier album homonyme utilisera justement les évènements du «printemps érable» comme toile de fond pour raconter son histoire. «Au centre de toute la trame narrative, il y a aussi évidemment le personnage de Kryuchkova, qui est basée sur une véritable personne», ajoute-t-il au sujet de cette jeune femme au prénom russe qu’il allait rencontrer furtivement lors d’une manifestation dans les rues Montréal. «Même si en vérité notre rencontre a duré moins de 30 minutes, et quaprès ça je ne lai plus jamais revue, jai quand même voulu me baser sur la vraie personne pour créer le personnage quon retrouve dans les textes de lalbum. Alors, jai pris des éléments de toutes les histoires damour que javais vécu jusque là et jen ai fait lhistoire du narrateur et de Kryuchkova.»

EN JETANT UN COUP D’ŒIL à l’intérieur du studio où se déroule l’enregistrement du prochain album, on peut facilement imaginer à quoi doit ressembler l’ambiance de travail lorsque tous les musiciens sont présents. Avec presque autant de canettes de bière vides que d’équipement dans la pièce, quelque chose laisse d’ailleurs croire que Bernhari a eu envie de s’amuser avec ce deuxième disque. «Je crois surtout quon est trop paresseux pour faire le voyage au dépanneur», lance-t-il à la blague. «Mais oui, il y avait définitivement une volonté davoir du fun, cest sûr. Et ce nest pas pour dire que le processus du premier album n’était pas le fun, mais disons quil y avait tellement de contraintes quon pouvait peut-être moins se laisser aller en terme de juste jouer et voir ce qui se passe naturellement»

Alors que sur son premier effort, ce sont les textes qui allaient donner à l’album sa structure et son sens, l’auteur-compositeur-interprète voit ce second album comme une tout autre bête, en commençant par la dynamique qui existe entre ses différents thèmes. «Sur le premier, il y avait vraiment cette juxtaposition des thèmes de lengagement sentimental et lengagement social», explique-t-il en allumant l’ordinateur qui traîne au fond du studio. «Cette fois, cest un peu le contraire. Déjà, il ny a pas le côté politique des premiers textes. Cest un peu parce que javais peur quon me colle une sorte d’étiquette dartiste engagé, mais surtout parce que, dune certaine façon, le nouvel album est plus centré sur lindividu, je dirais.»

Utilisant des mots qu’il décrit comme étant «plus simples» pour décrire des phénomènes plus universalisant — mais parfois beaucoup plus complexes —, l’auteur-compositeur-interprète admet aussi avoir hésité longtemps avant d’aborder quelques-uns des thèmes qui marquent ces nouvelles pièces. «Sur le premier album, si je parlais damour, cest surtout parce que j’étais amoureux à l’époque où jai écrit les textes. Cette fois, vu que j’écrivais dun point de vue de célibataire, je devais forcément parler de certains trucs un peu moins safe si je voulais vraiment être honnête à propos de la chose» 

Laissant de côté le thème de l’engagement au profit de celui de l’errance, Bernhari y évoque ainsi un futur qu’il tend à accorder au singulier, et où l’amour s’exprime à travers une série de rencontres éphémères et de désirs parfois inassouvis. «Et cest ça que je veux dire en fait, par moins safe. Parce que quand tu parles de lamour dune façon, disons plus traditionnelle, alors cest assez facile d’évacuer la beauté de la chose, et donc de toucher les cordes sensibles de ton public. Mais quand tu parles de one night stands, par exemple, cest moins évident. Parce que, même si cest quelque chose qui fait partie intégrante de la vie de beaucoup de célibataires, un tas de gens voient encore ça comme quelque chose dun peu honteux. Et dénudé du moindre sentiment.»

Une fois l’ordinateur allumé, Bernhari se met immédiatement à la recherche des versions les plus récentes de ses nouveaux enregistrements, tout en précisant à Bible urbaine qu’il ne s’agit évidemment pas des mix finaux.

«Mais bon, ça serait peut-être plus simple de te faire écouter les tracks au lieu dessayer de les décrire, hein?»

QUELQUES HEURES PLUS TARD, à la sortie de son entrevue à CIBL, Bernhari semble légèrement plus détendu que tout à l’heure. Assis au volant de sa vieille Mercedes, il prend un instant pour vérifier si ses musiciens sont déjà sur place avant de se mettre en route vers le Fairmount. «Cest toujours très le fun quand les quatre décident de ne pas me répondre», lance-t-il à la blague. «En même temps, cest peut-être moi qui suis trop impatient.» En plus des trois déjà mentionnés plus haut, le quatrième membre du groupe que l’artiste tente de rejoindre est le batteur Francis Mineau (Malajube, Pierre Lapointe, Félix Dyotte), qui s’est ajouté au cours des derniers mois à la formation régulière qui l’accompagne lors de ses concerts. Un ajout qui lui permet entre autres de prendre plus de place sur scène, délaissant de temps en temps ses instruments au profit d’un simple micro.

«Je pense que jai juste très hâte à ce soir», lance-t-il distraitement en consultant son iPhone. «Jespère seulement quil va y avoir du monde.»

Une fois la voiture en marche, et alors qu’une pointe de nervosité dans la voix de Bernhari semblait soudainement avoir refait surface, l’auteur-compositeur-interprète retrouve à nouveau son calme avant de partager une dernière pensée:

«Ah oui, au fait, je crois quon va ouvrir le show avec «Bouquet Final» Il me semble que ça ferait du sens, non?»

Pièce de fermeture de son premier album, il y a effectivement quelque chose d’assez symbolique dans l’idée d’entamer le concert avec ce morceau; une façon, peut-être, de signaler clairement la fin de ce premier chapitre avant de donner aux Montréalais un avant-goût de ce qui s’en vient.

Un deuxième album que Bernhari décrit lui même comme étant «plus sexy», mais qui — à la lumière des quelques pièces entendues par Bible urbaine en cet après-midi d’octobre — ne risque pas pour autant de souffrir au département du beau.

Ni de décevoir le public, d’ailleurs.

L'événement en photos

Par Audiogram, page Facebook de Bernhari et Béatrice Flynn

  • Bernhari: la musique au temps du célibat
  • Bernhari: la musique au temps du célibat
  • Bernhari: la musique au temps du célibat
  • Bernhari: la musique au temps du célibat
  • Bernhari: la musique au temps du célibat

Nos recommandations :

Critiques d'albums Mylène Farmer Interstellaires

«Interstellaires» de Mylène Farmer

Vos commentaires

Revenir au début