LittératureL'entrevue éclair avec
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Michel, c’est un honneur d’échanger avec vous! Vous qui avez été directeur général du Musée de la civilisation (Québec), concepteur-directeur du Musée des Confluences (Lyon), ainsi que président d’ICOM Canada et membre du conseil d’administration du Conseil international des musées (Paris), on est curieux de savoir: d’où vous est venue la piqûre pour l’histoire, la culture et le patrimoine?
«Si ma formation littéraire me conduisait naturellement aux questions culturelles, c’est en visitant des musées et en échangeant avec des muséologues que mes premiers coups de cœur se sont transformés en passion durable. Mon projet d’intervention, lors de ma maîtrise en administration publique, portait d’ailleurs sur les liens entre les directeurs généraux des musées et les membres des conseils d’administration.»
«Ainsi, je ne suis pas sorti indemne d’une exposition sur la société suédoise au Nordiska Museet de Stockholm. Après cette visite, je savais que le monde des musées était un monde d’enchantement.»
Vous qui bénéficiez d’une grande expertise dans le milieu muséal, pourriez-vous expliquer à nos lecteurs en quoi consistaient vos tâches et missions dans le cadre de vos fonctions de directeur de musée?
«Un directeur de musée porte la vision culturelle de l’institution. Il se doit de fixer les orientations et de préciser les objectifs à atteindre. Bien sûr, pour ce faire, il consulte de nombreux partenaires et son équipe qui enrichissent par leur savoir ce projet culturel.»
«Puis, il faut définir les méthodes et encadrer les opérations en recherchant la qualité dans les productions (expositions, activités culturelles et éducatives, etc.) et dans la relation avec les publics.»
«Un directeur de musée doit se préoccuper de la conservation et du développement des collections, de la programmation et de la réalisation des expositions, de la mise en œuvre des activités de médiation, mais aussi des enjeux financiers, de rayonnement international, de communications, d’architecture, de gestion de bâtiments, etc. Il doit être présent dans la cité pour collaborer au développement social, culturel, économique et touristique de la société.»
«On le voit, il y a de multiples facettes; mais pour moi, l’important est de donner le souffle à l’institution pour qu’elle puisse remplir sa mission.»
Le 12 octobre, votre livre Passion de musées: De Québec à Lyon est paru aux éditions du Septentrion. Vous partagez votre propre expérience et «levez le voile sur l’organisation et le fonctionnement de ces institutions et sur leur inscription dans la vie muséale internationale.» Qu’est-ce qui vous a donné envie d’offrir aux curieux et passionnés d’arts une incursion aussi personnelle dans la vie de ces institutions?
«Les musées connaissent l’importance de laisser des traces et ils se définissent comme des lieux de connaissances et de réflexions. Il était donc assez naturel d’essayer de dégager certains enjeux de la pratique professionnelle.»
«De plus, dans mon cas, mes expériences au Québec et en France sont uniques, et plusieurs voulaient comprendre les différences et similitudes entre les deux pays. Comment en vient-on à diriger un projet en France? Comment se présentent la création et la mise en place d’une institution culturelle internationale?»
«Il est important de partager visions et expériences pour continuer à se développer. Il existe très peu d’écrits se référant à la gouvernance des institutions, et les publics veulent bien comprendre ce qui se cache derrière ces musées qui attirent au Québec plus de 14 millions de visiteurs.»
Sans tout nous dévoiler, bien sûr, pourriez-vous nous donner un petit aperçu de «la mise en relief des aspects inédits du fonctionnement, des défis et des enjeux des musées» que l’on trouve au sein de votre ouvrage?
«Les défis et enjeux sont multiples. Bien sûr, la question du financement demeure centrale pour l’ensemble des musées, mais ceux-ci sont confrontés également à des questions sociales, environnementales, culturelles et thématiques.»
«Les musées existent pour qui? Nous devons répondre aux questions de démocratie et de démocratisation culturelle. De quoi parlent les musées? Comment s’assurer de la pertinence, de la rigueur et de la transparence de notre propos? Comment expliquer la complexité avec simplicité? De quelles manières le faisons-nous? Comment s’assurer que notre médiation tient compte du caractère pluriel des visiteurs et de divers modes d’apprentissage?»
«Mais aussi, quel mode de gouvernance? Comment travailler avec des partenaires? Comment travailler hors les murs? Comment inscrire notre institution dans un réseau international? Bref, les défis sont quotidiens.»
Si vous aviez la chance de reconstituer l’exposition vous ayant le plus marqué – que vous l’ayez dirigée ou simplement visitée – et de vous promener à nouveau au milieu d’œuvres d’art, laquelle choisiriez-vous et pourquoi?
«Il m’est impossible de choisir, parce que plusieurs expositions m’ont marqué pour des raisons différentes. Il est toujours émouvant de découvrir des cultures du monde (l’art du Nigeria, les Maoris ou Aborigènes d’Australie), de se laisser surprendre par les trésors d’une culture universelle (Rome, Égypte, etc.) ou de faire le lien avec des cultures partagées (Paris, Haïti, etc.)»
«Mais il y a aussi l’ émerveillement de la création (nous avons ainsi présenté l’œuvre de Michel Tremblay et de Michel Dallaire, fait découvrir la richesse de la danse contemporaine, mais aussi le cinéma d’animation et l’évolution du jeu vidéo; nous avons exploré le monde des nanotechnologies, etc.)»
«Je pourrais parler longuement de l’exposition C’est notre histoire, qui a donné la parole aux Premières Nations et aux Inuits… Bref, chaque exposition est un monde avec son enchantement, ses connaissances et ses réflexions. La diversité des approches muséographiques permet de nous toucher de mille manières.»