LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Elie Roy Vaillancourt
Mélissa, c’est toujours un plaisir de te retrouver à chacune de tes nouvelles parutions! Après Belle comme le fleuve, suite de Promets-moi un printemps, ta série à succès publiée aux Éditions Hurtubise a accueilli un tome supplémentaire à l’automne 2022 avec Au gré des Perséides. Parle-nous du plaisir que tu as éprouvé durant l’écriture de cette saga qui a connu un beau succès, ma foi, auprès des lecteurs et lectrices québécoises.
«Merci de m’inviter à nouveau pour vous parler de mes romans!»
«Le plaisir que j’ai eu à renouer avec Fabienne Dubois, mon personnage principal de mes trois premiers romans, s’est fait tout naturellement, comme si je retrouvais une amie que j’avais quittée la veille. Grâce aux lectrices et lecteurs, j’ai l’impression qu’elle vit ailleurs qu’entre deux reliures. Les gens me parlent très souvent d’elle, m’envoient des photos de voyage en me disant: “Je pense que Fabienne aimerait ça ici!”»
«Le fait de me replonger avec elle et de lui faire vivre autre chose dans Au gré des Perséides a été de beaux mois d’écriture. En même temps, sur les réseaux sociaux, je m’amusais à titiller les gens en leur disant que mes journées étaient dédiées à Fabienne, et je leur demandais, d’après eux, où ce troisième tome allait la mener.»
«Cette interaction était importante pour garder un lien avec celles et ceux qui attendaient avec hâte la suite, et j’ai été surprise de toutes les étonnantes hypothèses reçues. Ceci dit, personne n’avait deviné le contenu d’Au gré des Perséides… :-)»
Plus tôt cette année, tu as reçu le prix Michel-Francoeur pour ton engagement à sensibiliser le grand public à l’autisme. Toutes nos félicitations, c’est bien mérité! Dis-nous tout: toi qui as été diagnostiquée autiste (Asperger) sur le tard, à 38 ans – à l’instar de ta protagoniste Fabienne – qu’est-ce qui t’a donné l’élan d’en parler à travers l’écriture de fictions, au juste?
«Merci. En fait, quand j’ai écrit Promets-moi un printemps, j’avais la certitude qu’il fallait que je parle de l’importance de mettre en lumière la dépression. Quand j’ai mis un point final à ce premier roman, je ne savais pas que j’allais avoir une grande demande pour une suite. Je me suis donc assise et j’ai réfléchi à ce que je pouvais lui faire vivre. La réponse était flagrante, mais j’ai quand même pris un temps pour décider du thème.»
«En fait, c’était la suite naturelle des choses: elle avait vécu une dépression sans vraiment savoir pourquoi, et le fait de lui donner ce diagnostic d’autisme était tout à fait réaliste. J’ai justement eu quelques commentaires négatifs sur ce choix, me disant que rien ne laissait transparaître son autisme dans le premier roman. Ironiquement, cette critique est excellente et représente tout à fait le parcours d’une femme autiste qui passe dans les filets afin d’avoir enfin un diagnostic.»
«Nous sommes d’excellentes actrices quand vient le temps de naviguer en société, donc très souvent, rien ne paraît.»
Le 30 août, les Éditions Hurtubise ont fait paraître en librairie ton quatrième roman, Le retour de l’oie blanche, à travers lequel on fait la connaissance de Will Forest, «un jeune homme presque sans histoire» qui va tout faire pour «relever la destinée des Forest, cette longue lignée de poqués». Mais ça ne sera pas chose facile… Qu’est-ce qui t’a donné l’impulsion d’écrire cette histoire pas toujours rose à propos d’un homme brisé par la vie?
«J’avais cette histoire en moi qui me bousculait depuis longtemps. Le thème du phénomène d’expérience de mort imminente est très intéressant, c’est pourquoi je me suis lancée.»
«Même si je ne crois pas à la citation “Les gens heureux n’ont pas d’histoire”, j’avoue que j’ai été portée par celle de Will, qui est, comme vous l’avez dit, brisé. Votre terme “impulsion d’écrire” est la bonne, car j’ai eu l’impression que je devais vraiment donner vie à Will, à Tito, à Suzie, à Claude, bref, à tous ces personnages qui se sont présentés à moi un après l’autre.»
«Évidemment, j’aurais pu continuer avec Fabienne pour ce quatrième roman, mais j’ai suivi ce qui me donnait le goût de m’asseoir et d’écrire chaque jour, durant des mois.»
Parlons du titre – fort énigmatique – de cette œuvre! Pourquoi l’avoir intitulée Le retour de l’oie blanche? Explique-nous sa signification profonde… on est curieux d’en savoir plus.
«Si je vous expliquais sa signification, je briserais un beau moment dans le roman, mais ce que je peux partager, c’est la fierté que j’ai d’avoir collaboré à nouveau avec Marie-Ève Turgeon, l’illustratrice qui avait créé la couverture d’Au gré des Perséides. Elle a compris en peu de mots ce que je souhaitais, et le résultat est extraordinaire.»
«D’ailleurs, c’est une belle différence que celui-ci soit blanc, tandis que mes trois premiers sont colorés. Déjà, au premier coup d’œil, on sent qu’il nous transportera ailleurs!»
Comme mot de la fin, on aimerait que tu nous parles de ton rapport à l’écriture: comment trouves-tu l’inspiration, lorsque le flash d’une belle histoire à raconter vient à toi, et serais-tu prête à dire que c’est grâce à celle-ci que tu réussis à bâtir «un lien avec le monde extérieur»?
«C’est difficile de parler d’inspiration quand je ne sais pas trop encore comment en avoir. Ce n’est jamais facile quand je m’assois pour écrire. J’aimerais bien que les idées me tombent dessus comme ça, sans effort, mais non, je peux rester très longtemps devant une page blanche.»
«Oui, je suis une machine à idées, à flash, je suis une entrepreneure, j’ai ce besoin de toujours aller de l’avant, de faire des brainstorm, mais pour assembler tout ça et en faire un roman, c’est beaucoup de travail et de concentration.»
«Peut-être que faire un plan de l’histoire, des personnages, de la courbe m’aiderait, mais depuis que j’écris, j’y vais au feeling. C’est peut-être plus ardu, mais c’est une façon de faire que j’aime. Certains ont l’écriture plus facile, je suis certaine.»
«Un jour, une amie m’a dit: “J’en reviens pas de ce que tu me dis. Quand je te lis, ça coule tellement bien, on dirait que t’as écrit tout ça sur le coin d’une table la veille!” J’ai ri. Si elle savait.»
«Pour ce qui est de bâtir un lien avec le monde extérieur, je n’ai plus l’impression que c’est à faire. Avec le succès des romans précédents, j’ai une extraordinaire relation avec les lectrices et les lecteurs, et ce lien me comble. Aussi, en peu de temps, beaucoup de projets se sont développés, et ça me permet de travailler en équipe et de participer à de belles collaborations.»