«L'entrevue éclair avec...» Marie Demers, autrice qui explore le polyamour à travers sa fiction – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Marie Demers, autrice qui explore le polyamour à travers sa fiction

«L’entrevue éclair avec…» Marie Demers, autrice qui explore le polyamour à travers sa fiction

Pleins feux sur «Leslie», le deuxième tome d'une trilogie tant attendue

Publié le 30 mars 2021 par Mathilde Recly

Crédit photo : Julie Artacho

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd’hui, nous avons jasé avec l'autrice, chargée de cours et éditrice Marie Demers, qui lève le voile sur son roman Leslie, deuxième tome d'une trilogie tant attendue aux Éditions Hurtubise. Elle nous jase du métier d’écrivain (en temps de pandémie) et nous parle d’un sujet qu’elle a exploré à fond durant ses recherches, à savoir le «polyamour» ou l’art de penser l’amour différemment.

Marie, on est contents d’échanger à nouveau avec toi! Un an et quelques après la sortie de ton livre Leslie & Coco, et une pandémie plus tard, quel regard portes-tu sur l’accueil que ton roman a reçu auprès du public et de la presse? On est curieux de savoir si tu as reçu des messages de tes lecteurs, notamment!

«Je me sens chanceuse, sincèrement. Celles et ceux qui ont publié à l’hiver 2020, juste avant la pandémie, n’ont vraiment pas eu l’accueil qu’ils méritaient. Certains livres sont passés complètement inaperçus, et ça n’a pourtant rien à voir avec leur valeur. Pour ma part, comme ça faisait déjà quelques mois que mon livre circulait en librairie, je n’ai pas souffert des mêmes conséquences. Plusieurs lecteur.rice.s m’ont même écrit que Leslie et Coco les avait fait renouer avec la littérature québécoise. Ce qui rend mon petit cœur ben BEN content.»

«Évidemment, la pandémie, couplée au contexte socio-politique et aux injustices qui ont marqué 2020-2021, nous a tous.tes rendu.e.s à fleur de peau. Pour la première fois de ma vie, j’ai reçu des messages de lecteur.ices mécontent.e.s. Plusieurs m’ont dit qu’ils.elles s’attendaient à lire un roman léger sur l’amitié et, qu’en raison d’une scène en particulier, j’aurais dû mettre un Trigger Warning sur mon livre… J’avoue que ça m’a prise de court. J’ai réfléchi à la question. Beaucoup. Pour en arriver au constant que la littérature n’est pas et ne devrait pas servir de safe-space

«En fait, la littérature – et l’art en général – devrait être tout sauf sécuritaire. Ça fait mal écrire. Ça fait mal lire. Et si on craint d’avoir mal, si certaines thématiques nous bouleversent trop, en tant qu’adultes, il est de notre responsabilité de poser des questions aux libraires, d’éplucher les critiques, les articles, pour nous assurer que ces lectures nous conviennent. Je ne crois pas que ce soit à l’auteur.ice de dire: “Attention, mon livre contient des scènes qui peuvent choquer, fâcher, blesser, perturber, déprimer”

«C’est un non-sens. C’est une évidence. Je ne suis pas responsable des émotions des gens. Ma responsabilité, à moi, c’est de traiter mes personnages avec toute la complexité, le respect et l’écoute qu’ils demandent.»

Et alors, ces temps-ci, à quoi ressemble une journée typique de ton emploi du temps, toi qui cumules les chapeaux d’autrice, de chargée de cours, de doctorante et d’éditrice?

«Ayoye, c’est colissement plate. Ma journée commence par le travail, se poursuit par le travail et se termine par le travail. Je porte un pyjama en permanence. Une brassière? Kossé ça?!»

«Des fois, j’ai tellement travaillé que je deviens une loque humaine durant plusieurs jours d’affilée: incapable de bouger, de cuisiner ou de prendre ma douche, je développe des plaies de lit en réécoutant (oui, je les regarde à nouveau, ça demande moins d’efforts) des épisodes de The Real Housewives of Atlanta, Potomac, New Jersey, New York City, Dallas, Beverly Hills, you name it

«Bien sûr, je suis chanceuse. Tous ces chapeaux me permettent de baigner dans un univers formidable: l’écriture, la lecture. Mais pour moi, le travail devient vite un couteau à double tranchant: c’est à la fois ce qui me tient debout, ce qui me pousse à me lever le matin et ce qui m’épuise, ce qui me brûle par les deux bouts…»

«Je ne cesserai jamais d’être flabbergastée par l’incroyable quantité de travail qu’on doit fournir dans le milieu littéraire pour gagner sa vie. Pour faire sa place. Et la garder. Même si je suis une personne privilégiée, j’ai parfois, souvent, l’impression de donner des coups d’épée dans l’eau. De ne jamais en faire assez. De ne jamais être assez.»

Critique-Leslie-Marie-Demers-Bible-urbaine

Ce 17 mars, ton livre Leslie – le deuxième volet de la trilogie sur Leslie & Coco – vient de paraître aux Éditions Hurtubise. Sur fond d’amitié et de passage à l’âge adulte, ce roman parle, rappelons-le, de troubles alimentaires, d’identité, d’orientation sexuelle et du consentement. Est-ce que ta vision a changé ou évolué quant à ces sujets, justement, depuis la dernière fois où on s’est parlé?

«Ma vision n’a pas changé, mais je crois qu’elle a évolué. J’ai continué de creuser mes incohérences, mes limites, mes incompréhensions. Je pense qu’il ne faut jamais arrêter de se remettre en question. Même si ça fait mal. Même si c’est inconfortable.»

«Je suis une femme blanche, cisgenre et hétérosexuelle. Je cadre dans une norme qui me protège de plein d’injustices. Et pourtant, j’ai l’impression que le genre m’emprisonne, que ma sexualité est toujours teintée par le regard masculin, comme si mon identité sexuelle devait absolument passer par le désir, la jouissance d’un autre – en l’occurrence, un homme. Leslie se demande ce que c’est d’être femme. Cette question, je me la pose encore. Et sans doute que me la poserai toujours.»

«Dans Leslie, j’aborde aussi le polyamour, un sujet que je connaissais peu. J’ai fait beaucoup de recherches, interviewé beaucoup de gens. Ça a été important pour moi de déconstruire le couple classique, figé. De présenter une autre façon d’aimer. D’interroger mes besoins d’exclusivité, mon désir de possessivité. Même si je ne suis pas et ne serai jamais polyamoureuse, j’aime savoir qu’il existe d’autres façons d’entrer en relation, d’autres manières de penser l’amour.»

Et alors, est-ce que Coco tient temporairement une place de personnage secondaire, dans cette suite qui porte le nom de Leslie, ou bien son rôle reste au premier plan – même si les feux des projecteurs sont certainement mis sur son amie?

«Pleins feux sur Leslie! Il le fallait parce que certain.e.s lecteur.ice.s l’avaient trouvée antipathique dans le premier tome ou, à tout le moins, beaucoup moins attachante que Coco. C’est sûrement vrai. Coco est charmante, généreuse, facile à vivre (en apparence). Leslie, elle, revêt une épaisse carapace. Il faut creuser loin pour trouver sa lumière. Mais en elle, il y a un grand feu. Et son “feu, il brûle pas, il allume”. (Hahaha, je m’auto-cite!)»

«Dans ce tome-ci, j’ose espérer qu’on l’apprivoise, qu’on la comprenne mieux, qu’on l’aime autant que Coco.»

«Colette a bel et bien un rôle de second plan dans ce volet-ci. Un rôle de second plan, mais au fond, Coco est partout.»

On aimerait un petit teaser quant au dernier volet de Leslie & Coco… Par exemple, doit-on s’attendre au titre de Coco pour clore la trilogie, ou pas du tout? À toi de nous confier un petit quelque chose! ;)

«Le dernier tome s’intitulera Coco. Ou Colette. Sûrement Coco

«Un teaser? Argh. Ce que je peux dire, c’est qu’écrire Coco sera le plus grand défi de ma vie. L’aboutissement de quelque chose. Un cycle? Un rêve? Autant je vais être contente de tourner la page, autant je vais m’ennuyer de Lélé et Colette. Elles vont m’avoir beaucoup apporté. (Apporté, pas rapporté! Je suis encore pauvre! Achetez mes livres!)»

«J’avoue n’avoir pas encore commencé l’écriture. Je m’y mets en mai. En attendant, j’accumule des scènes, des idées, j’essaie de me rapprocher d’elle dans ma tête. Et de celles et ceux qui gravitent autour.»

«Je me suis toujours sentie plus proche de Leslie. Colette, c’est une autre partie de moi, plus douce, plus aimable, que j’ai de la difficulté à faire exister.»

«Ce que je peux dire pour vous teaser, c’est que le troisième tome montrera une Colette plus faillible, plus écorchée. Et que ce dernier tome sera le plus lumineux des trois.»

Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions Hurtubise.

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