«Holly» de Stephen King: et si le mal possédait de multiples visages? – Bible urbaine

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«Holly» de Stephen King: et si le mal possédait de multiples visages?

«Holly» de Stephen King: et si le mal possédait de multiples visages?

Les apparences sont souvent trompeuses

Publié le 5 juillet 2024 par Éric Dumais

Crédit photo : Albin Michel

Stephen King doit lui aussi s’ennuyer de ce cher Bill Hodges, car en ouverture de «Holly», plus récente parution du maître de l’horreur à paraître chez Albin Michel, il y glisse l’épigraphe suivante: «Parfois, l’univers vous lance une corde». Ce sont là les paroles bienveillantes de son regretté personnage, qui manque aussi cruellement à Holly Gibney, héroïne qui tient aujourd’hui les rênes d’une enquête qui a de quoi traumatiser. Après «L’outsider» et «Billy Summers», préparez-vous à lire une énième histoire d’un écrivain au sommet de sa forme.

King a maintenant 76 ans, ce n’est pas rien. Et, côté corps vieillissant, petit bobo qui surgit çà et là, sournois, douloureux, handicapant, il doit en connaître un rayon. Ce n’est peut-être pas pour rien qu’il a choisi d’aller à contre-courant de la culture des Stranger Things de ce monde pour rappeler, avec une horrifiante ironie, qu’il y a toujours sur Terre une génération de gens à qui il ne faut pas nécessairement faire confiance les yeux fermés.

Dans ce cas-ci, les vieux.

En effet, qui oserait accuser un couple de retraités d’être à l’origine d’une série d’enlèvements qui ont endeuillé des familles entières, en plus de foutre la frousse à toute une population?

Personne, ô grand Dieu, personne, bien évidemment.

Surtout, surtout pas Rodney et Emily Harris, dont la réputation n’est plus à faire. Ces deux-là vivent paisiblement au 93, rue Ridge Road, et ce, depuis vingt-cinq ans maintenant. Lui, il a été professeur au département des sciences de Bell College, et elle, professeure en littérature anglaise. Tout le monde les connaît, et tout le monde leur fait confiance.

On dit souvent que les apparences sont trompeuses, n’est-ce pas? Là, c’est archi vrai.

Eh oui, chers lecteurs, les Harris, derrière leurs masques d’honnêtes citoyens américains, sont de monstrueuses personnes; des êtres abominables et cruels guidés par des pulsions malsaines, et je ne vous apprendrai rien en vous annonçant – en grande pompe s’il vous plaît! – que ce sont eux les méchants dans cette histoire.

Stephen King n’a rien à nous cacher, à nous. Mais à Holly, si, et la pauvre, elle va devoir pédaler – et fumer une quantité phénoménale de clopes – pour contrer son mal-être devant le mal.

N’allez pas croire que le mal, dans Holly, est uniquement incarné par les Harris. Que nenni.

Le mal, dans ce thriller hyper politisé et réaliste, possède de multiples visages: de l’Amérique de Trump aux théories du complot, des mouvements sociaux Black Lives Matter et #MeToo à la pandémie de COVID-19, qui a révélé un pan de la société dont on se serait bien passé – merci les anti-masques et les anti-vaccins! – King s’est gâté en offrant l’un de ses romans les plus réalistes à ce jour.

D’ailleurs, dans ses remerciements, il dit et je le cite: «Je pense que la fiction est plus crédible quand elle coexiste avec des événements réels, des individus réels et des noms de marques», avoue-t-il. Et sur ce point, je ne peux qu’être en accord avec lui. Car ça marche dans Holly, et l’histoire en devient d’autant plus crédible.

Justine Lupe dans le rôle d’Holly Gibney dans l’adaptation de «Mr Mercedes»

C’est ainsi qu’on redécouvre – sauf si vous n’êtes pas un adepte de Stephen King – une Holly Gibney rencontrée par hasard dans Mr Mercedes et ses suites, Carnets noirs et Fin de ronde, puis dans L’outsider et la novella Si ça saigne. Celle-là même qui, depuis la disparition de Bill Hodges, que Dieu ait son âme, méritait de faire ses preuves.

Il faut quand même se l’avouer: ça fait du bien de voir une femme tenir les rênes d’un polar. Exit le détective ronchon et bedonnant qui fait de la haute pression et qui est aussi amer qu’un citron vieillissant!

Holly n’aura toutefois pas une tâche facile: on le sait, on commence à la connaître depuis le temps, c’est une femme qui peut, par moments, laisser l’anxiété s’installer, et c’est entre autres pourquoi elle fume comme une cheminée (malgré qu’elle se dise sans cesse qu’il faudrait qu’elle arrête ça!). Ses troubles obsessionnels compulsifs lui mènent parfois la vie dure, mais à travers tout ça, elle reste une fille hyper intelligente, fine observatrice et, qui plus est, elle est armée d’un flair d’enfer qui n’en laisse pas passer une.

Ce n’est pas pour rien qu’elle est désormais à la tête de l’agence de détectives privés Finders Keepers dans un sens.

«Et alors, pourquoi devrais-je le lire?», vous vous demandez? J’y arrive, un peu de patience!

C’est entre autres parce que Stephen King, on le sait, a le sens du rythme et, en bon conteur, et musiciens à ses heures!, il ouvre la voie à deux temporalités qui dynamisent le fil narratif de son récit jusqu’à une finale qui fait «BOUM!»

D’une part, on suit les Harris dans leurs terribles desseins à travers une série d’enlèvements où un même modus operandi est répété soigneusement jusqu’à ce que ce dernier devienne une mise en scène jouée avec naturel. Il est d’ailleurs là l’appât des Harris: ils ont tellement soigné leur performance que leurs victimes tombent dans le même panneau, comme un insecte dans une toile d’araignées…

Même Bonnie, plus récente victime du couple de retraités qui, par sa disparition soudaine, et le désarroi terrible vécut par sa maman, celle-là même qui recrutera Holly Gibney pour faire la lumière autour de l’enlèvement de sa fille chérie, deviendra la motivation numéro un de Holly, en parallèle.

Je pourrais vous en citer d’autres des raisons de lire ce Holly qui m’a plu de bord en bord. Mais je vous laisse le plaisir de les découvrir par vous-même, car autrement, vous n’aurez pas le même plaisir que j’ai eu à m’y plonger, et ça serait bien dommage!

«Holly» de Stephen King, Éditions Albin Michel, 523 pages, 2024, 39,95 $.

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