«Conte de fées» de Stephen King – Bible urbaine

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«Conte de fées» de Stephen King

«Conte de fées» de Stephen King

L’imagination du maître de l’horreur n’a aucune limite

Publié le 11 janvier 2024 par Éric Dumais

Crédit photo : Éditions Albin Michel

Si, comme moi, vous êtes familier avec l’univers des frères Grimm et leurs contes où le côté sombre de l’humain côtoie l’imaginaire enfantin, ce Conte de fées du maître de l’horreur ne risque pas de vous faire frissonner d’effroi. Et c’est bien correct, dans un sens, car oui, Stephen King excelle dans l’art de marquer les imaginaires avec ses histoires d’épouvante qui auraient fait rougir de jalousie Hitchcock et Poe de nos jours, mais là où son doigté est le plus exercé, c’est dans sa façon de raconter une histoire; de mettre la table. Avec cette plus récente parution publiée aux Éditions Albin Michel, l’écrivain de 76 ans sort des sentiers battus et nous prouve que son imagination n’a aucune limite.

«On s’habitue aux choses extraordinaires, voilà tout»

Ce que je vais vous révéler n’est pas un secret d’État, encore moins un divulgâcheur, soyez rassuré, puisque la couverture du livre dévoile déjà de précieux indices quant à l’histoire qui vous sera racontée, mais comme vous pouvez le voir par vous-même, Charles «Charlie» Read, adolescent de 17 ans, trouvera l’accès à un puits dans lequel une succession d’escaliers mènent vers un Autre monde, qu’on surnomme Empis.

À sa suite, Radar, une chienne vieillissante qui a foutu la frousse à bien des garnements durant sa longue vie, mais qui fait moins la fière aujourd’hui. Elle accompagne notre protagoniste loin de chez elle pour une raison bien précise, et laissez-moi vous dire que c’est probablement la première fois de ma vie, dans le monde de la fiction en tout cas, où je me suis autant attaché à un héros humain et à une héroïne canine!

Radar et Charlie.

Mais où ce puits mène-t-il et pour quelle raison s’y rend-il, vous demandez-vous? Bien sûr, je l’entends depuis un moment votre question, mais je dois emprunter quelques détours pour y répondre.

Eh bien, lorsqu’on arrive tout en bas, c’est le monde d’Empis qui s’offre à nos yeux, un Autre monde qui n’a rien à voir avec celui qu’on connaît. Là-bas, les habitants ont de singulières particularités physiques; le paysage et ses couleurs sont bien différents du nôtre, et dans le ciel, ceux qui ont lu 1Q84 d’Haruki Murakami y reconnaîtront un clin d’œil du maître. Sur le chemin qui mène à un château, un cadran solaire aurait la possibilité de rajeunir celui qui en fait bon usage. Voyez-vous où je veux en venir?

Un prince à la Disney? Pas vraiment!

Je ne m’étendrai pas ici, car je souhaite que la surprise reste intacte pour vous, mais je souhaite seulement ajouter qu’il plane dans cet Autre monde un voile sinistre qui laisse présager qu’une force obscure a pris le contrôle depuis des temps sans commencement et fait régner une terreur sans nom.

Plus tôt, j’ai laissé entendre que Stephen King excellait dans l’art de raconter une histoire, et c’est d’autant plus vrai avec ce conte pour adultes: même si j’ai adoré mon odyssée dans cet univers parallèle au nôtre, j’ai néanmoins préféré l’entrée en matière, qui équivaut à environ 250 pages sur 729 au total, car le récit de la rencontre entre Charlie et M. Bowditch, celui qui est à l’origine de l’aventure que vivra notre protagoniste, est tout simplement extrêmement touchant et formateur pour Charlie.

L’événement à l’origine de l’amitié entre cet adolescent et ce vieil ermite est l’œuvre d’un pur hasard, et c’est l’empathie de Charlie, et sa grande générosité, qui le mènera à développer un lien de confiance fort entre ce grincheux asocial et sa vieille chienne, Radar. Et lorsque le vieillard tirera sa révérence dans cette vie-ci, devinez à qui incombera de découvrir le secret dans lequel était plongé Howard Bowditch depuis toutes ces années?

Ça y est, des liens se créent dans votre tête?

Fidèle à son habitude, King offre une multitude de clins d’œil à travers son récit, toujours avec l’humour subtil qu’on lui connaît.

La maison de M. Bowditch.

Tout d’abord, de nombreuses analogies sur des contes impérissables de notre enfance sont disséminées çà et là, tels que Jack et le haricot magique, Boucle d’Or, Le petit chaperon rouge, Oz et j’en passe; il rend par ailleurs un hommage à certains chefs-d’œuvre du cinéma, avec la maison de style victorien de Norman Bates dans Psychose et même Game of Thrones; à un moment du récit, il ose même comparer Radar à Cujo… il faut le faire! Et le plus délicieux – on reconnaît là l’homme qui ne mâche pas ses mots lorsque vient le temps de parler de politique! – c’est ce passage à un moment du récit, où il avance qu’Amazon «deviendra en 2040 le gouvernement mondial dont l’extrême droite a si peur». Cela dit, il n’a pas tort!

J’aimerais également offrir une mention spéciale aux illustrateurs Gabriel Rodriguez et Nicolas Delort, qui ont joliment illustré chaque début de chapitre avec un coup de crayon au plomb qui résume bien l’enjeu qui attend nos héros au fil des pages. Cet apport visuel s’avère en soi un bel hommage à l’univers des contes.

Alors, est-ce qu’on s’habitue tant que ça aux choses extraordinaires? Oui, forcément. Car à aucun moment je n’ai eu envie de poser le bouquin et de revenir à ma «vraie» vie. Mais reste qu’avec Stephen King, il faut rester vigilant, car il y a du danger partout, même de l’autre côté du miroir!

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