Littérature
Crédit photo : Salomé Loygue
On pourrait croire que Gère-toi-crisse n’est qu’un énième livre de développement personnel, mais celui-ci arrive à un moment où on en a crissement besoin. On vit à une époque où la santé mentale des hommes est en crise. Burn-out, anxiété, crises identitaires: de plus en plus de gens se retrouvent à la dérive sans trop savoir par où commencer pour s’en sortir.
Et demander de l’aide reste encore un tabou.
C’est là que Joé Turgeon entre en scène. Travailleur social et ancien enseignant en travail social, il accompagne au quotidien des hommes en quête de sens, de solutions, ou simplement d’un moyen de sortir la tête en dehors de l’eau. Il les reçoit en thérapie, les écoute, les confronte. Et surtout, il leur rappelle une vérité que bien des gars ont besoin d’entendre: personne ne viendra faire le travail à leur place.

Joé Turgeon. Photo: Rafaelle Turgeon
Son livre, c’est une claque, une décharge électrique, mais une décharge nécessaire. Il ne s’adresse pas uniquement aux hommes au bord du gouffre, mais à toutes les personnes qui sentent que quelque chose cloche, sans savoir comment y remédier.
À la base, Joé souhaitait recommander une lecture pour les clients qu’il suivait. «En fait, j’avais besoin d’un outil supplémentaire en thérapie», explique-t-il. «Pour de la thérapie en pratique privée, je cherchais un outil à proposer aux hommes que je rencontrais, et je ne trouvais pas de livre pour ça. Un livre facile à lire, accessible. Alors j’ai décidé d’en écrire un». L’idée était simple: créer un outil concret, applicable, pour aider les gens à prendre en main leur propre vie. Pas juste les hommes, mais surtout eux, parce qu’il y avait peu de ressources adaptées à leur réalité.
Si le titre frappe, le contenu aussi. Le ton est cru, direct, parfois abrasif. Un choix assumé. «C’était impossible d’utiliser une autre approche», dit-il sans hésitation. «Pour moi, il fallait que je l’écrive comme je parle. Je ne suis pas un auteur. J’ai mis par écrit qui je suis. Dans le livre, je suis le même que celui que je suis avec mes chums, que celui que je suis avec un client. Je ne voyais pas d’autres façons de l’écrire honnêtement».
Et ça marche. Parce que les lecteurs s’y retrouvent. Parce qu’au-delà du langage, il y a une vérité qu’on n’entend pas assez souvent: on est responsable de son propre bonheur.
L’histoire du titre est aussi spontanée que le reste. Lors d’un voyage d’écriture, Joé soumet l’idée à des Québécois rencontrés sur place. «C’était unanime, ils l’aimaient tous. Après ça, c’était clair que ça ne changerait pas». Au début, il l’hésitait à écrire «crisse» en entier. «Mais après avoir regardé En direct de l’univers avec l’invité Louise Latraverse, j’ai décidé de le mettre au complet». Parce que, finalement, c’est exactement ça: un cri du cœur, un appel à l’action.

Photo: Salomé Loygue
Joé reçoit chaque semaine des témoignages de lecteurs. Des hommes qui ne sont pas de grands lecteurs, mais qui, pour une fois, ont terminé un livre. Parce qu’ils se sont reconnus dans ses pages, parce qu’ils y ont trouvé des outils concrets pour avancer. «Ça, c’est vraiment ma paye», confie-t-il.
Si une seule idée devait rester après la lecture de Gère-toi crisse, ce serait celle-là: il n’y a pas de raccourci. «La prise en charge, ça prend du temps. Y’a pas de miracle là-dedans. La société cherche beaucoup la pilule magique, la solution miracle. Mais elle n’existe pas». Il insiste: on ne part pas tous égaux; la vie est plus facile pour certains, plus dure pour d’autres. Mais au final, personne ne viendra faire le travail à notre place.
Quand on lui demande quel a été son plus grand défi personnel, il répond sans hésiter: gérer son intensité. «De comprendre que tout le monde n’est pas au même rythme que le mien. Avant, j’avais tendance à être un peu impatient avec les gens, même avec mes propres enfants. J’ai appris à me calmer les nerfs, à faire de la cohérence cardiaque, à ralentir au rythme des autres».
Si le livre a du succès, il ne fait toutefois pas l’unanimité; son titre dérange certains. Mais Joé ne s’en préoccupe pas. «Aucune mauvaise critique, sauf pour le titre. Y’a des gens qui l’ont jugé sans l’avoir lu. Il n’est d’ailleurs pas mis de l’avant en librairie à cause de son titre».
Pour Joé, on est tombé dans un extrême. «Avant, on avait peur de l’autorité. Là, on n’a plus peur de rien. On peut envoyer promener qui on veut en ligne, mais en face à face, oublie ça». Il parle d’une génération qui s’exprime derrière un écran, mais qui peine à affronter les vraies conversations. «L’émotion la plus sournoise dans la vie, c’est la peur. Pis la peur, ça peut t’amener très loin».
L’histoire ne s’arrête pas là. Joé travaille déjà sur son deuxième livre, Exprime-toi crisse. «Ça va être sur l’expression de soi, la communication. Parce que, si on n’apprend pas à s’exprimer, ça va coûter encore plus cher en santé». Et après ça? Un troisième livre: Calme-toi crisse. Une trilogie sur la prise en charge de soi, l’expression et la gestion des émotions.
Joé termine avec un dernier message. Si quelqu’un se sent perdu, dépassé, incapable d’avancer, il lui dirait: «Les émotions et les problèmes sont temporaires. Même si la vie est dure, si tu t’y mets un peu, y a quelque chose de mieux qui va arriver. Parce que t’es le seul responsable de ton bonheur. Plate à lire, mais c’est ça».
Et si t’attendais un miracle, une solution facile, oublie ça. Gère-toi crisse.
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