«Dans la tête de…» Lisa Gardner, auteure de bestsellers américains

Des univers parallèles et des personnages récurrents

Au fil des ans, et pour alimenter une trame narrative riche en péripéties et en soubresauts, Lisa Gardner a su créer des univers parallèles dans lesquels gravitent de nombreux personnages récurrents, que ce soit de simples mortels qui se retrouveront dans l’eau chaude, ou des personnages qui occupent de hautes fonctions, tels que des policiers ou des détectives privés, qui devront coûte que coûte, car c’est là leur devoir, mettre le grappin sur un serial killer qui leur en fera vivre, des émotions fortes.

L’auteure a donc fait le choix de ne pas mettre l’emphase uniquement sur un protagoniste, comme l’a fait Camilla Läckberg avec Ericka Falck, ou bien Jussi Adler Olsen avec Carl Mørck et ses comparses du Département V. Dans la plupart de ses œuvres, c’est principalement la détective D.D. Warren, qu’on a appris à connaître dans sept romans publiés chez Albin Michel et qui la mettent en scène.

Pour Disparue et Derniers adieux principalement, ses lecteurs côtoient Pierce Quincy et sa fille Kimberly Quincy dans un volet au profil FBI. Autrement, l’auteure, avec le triptyque Preuves d’amour, Famille parfaite et Le saut de l’ange, signe probablement, avec cette série mettant en vedette sa détective privée Tessa Leoni, sa suite d’aventures la plus glaçante à ce jour. Et Dieu sait qu’elle est perspicace et professionnelle celle-là!

Précédemment, j’ai spécifié que Lisa Gardner avait publié onze romans à son nom, car imaginez-vous donc qu’elle a aussi publié des romans sous son nom de plume Alicia Scott, dont Maggie’s Man, Macnamara’s Woman et Brandon’s Bride. Sauf qu’à ma connaissance, aucune traduction française n’a vu le jour encore pour ces titres.

Celle qui s’est flambé les cheveux à force de travailler en restauration a bien fait d’apprivoiser le métier d’écrivain. Il faut dire qu’elle a été inspirée, à voir le nombre de livres qu’elle a écrits au fil des ans, et c’est sans compter toutes les nouvelles qu’elle a fait paraître en parallèle des parutions majeures que je vous ai énumérées ci-haut. «Dans la vie, tout est signe», comme disait Paulo Coelho dans L’Alchimiste.

Les modes de narration au service du suspense

Avec Arrêtez-moi, Famille parfaite et Le saut de l’ange, Lisa Gardner s’est certes illustrée comme une romancière incontournable, réussissant tour à tour à instaurer une trame narrative complexe d’où découle un événement dit «climax» où rien ne va plus.

L’avancement de ses histoires se fait majoritairement en deux temps, en deux voies parallèles: d’un côté, le lecteur agit comme témoin, se glissant comme par une fenêtre ouverte dans le quotidien de ses personnages pour vivre l’histoire comme s’il y était. Et de l’autre, le lecteur assiste les policiers et les détectives privés dans l’avancement de leur enquête, laquelle révèle au fil des chapitres des détails qui leur permettront de remonter la trace jusqu’à l’assassin.

Nous dégustons donc, comme lecteur, des histoires qui évoluent en deux temps, deux mouvements, ce qui distille bien l’émotion et le suspense, contrairement à des trames narratives plus complexes encore – je ne peux m’empêcher du calvaire que j’ai vécu à la lecture de City On Fire… – où se tissent plusieurs histoires parallèles qui demandent une grande force de concentration pour une bonne mémorisation des noms et des fonctions de chacun des personnages.

Et Lisa Gardner semble prendre malin plaisir à s’amuser avec ses lecteurs – j’y reviendrai dans quelques lignes d’ailleurs! – car elle aime jouer avec les modes de narration en favorisant la première personne du singulier pour nous faire entrer plus rapidement dans la tête de ses protagonistes. Par exemple, avec Arrêtez-moi, elle a choisi de faire parler son protagoniste Charlene Rosalind Carter Grant, dans ce récit où la vie de la jeune femme s’écoule à la vitesse grand V, selon elle, tel le sable dans un sablier.

Extrait: «Je m’appelle Charlene Rosalind Carter Grant. Je vis à Boston, je travaille à Boston et, d’ici quatre jours, il est probable que je meure dans cette ville. J’ai vingt-huit ans. Et je n’ai pas envie de mourir tout de suite. Tout a commencé il y a deux ans avec le meurtre de ma meilleure amie, Randi Menke, à Providence. Étranglée dans son salon. Aucune trace de lutte, aucune trace d‘effraction. La police de Rhode Island a pensé un moment que son ex avait pu faire le coup.»

Et c’est un choix que l’auteure a privilégié pour l’ensemble de son œuvre, puisque lorsqu’il y a plusieurs personnages en jeu, elle en choisit un, tout spécialement, qui tiendra, en quelque sorte, les rênes du récit pour nous montrer, à travers ses yeux, la suite des choses. Dans Famille parfaite, on découvre ainsi les Denbe, une famille fortunée et huppée du quartier Beacon Hill, à Boston, qui seront tous les trois enlevés et conduits de force dans une prison abandonnée par l’État, aux prises avec une bande de kidnappeurs dont ils ne connaissent pas les intentions, aussi dangereuses et mortelles soient-elles. Et dans ce récit, c’est Libby Denbe, la femme et la maman, qui est la narratrice et à travers laquelle on suit le déroulement de l’histoire.

Extrait: «Donc, il y a de fortes chances que les victimes aient été conscientes. Garrotées, réduites à l’impuissance, pendant que l’agresseur leur faisait les poches, fouillait leurs affaires et posait le tout proprement sur l’îlot. Les parents, du moins, avaient dû comprendre tout ce que cela impliquait. Il ne s’agissait pas d’un cambriolage. Et donc, par définition, cette agression avait des motifs plus personnels. Plus terrifiants.»

Lisa Gardner se joue de ses fans… découvrez comment à la page suivante!