Le rêve d’un monde meilleur: «Hippie» de Paulo Coelho – Bible urbaine

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Le rêve d’un monde meilleur: «Hippie» de Paulo Coelho

Le rêve d’un monde meilleur: «Hippie» de Paulo Coelho

De retour avec les millénariaux?

Publié le 2 août 2018 par Gabrielle Lebeau

Crédit photo : Flammarion

La sortie du plus récent roman de Paulo Coelho était l'occasion parfaite de vous présenter cet auteur-philosophe qui fut, pour plus de 225 millions de lecteurs à travers le monde, pas moins qu’une pure révélation. Sur la route Hippie, Paulo, 23 ans, parcourt un bout de chemin vers sa «Légende Personnelle».

Rejeté du monde littéraire pour son écriture simple et directe – style associé au roman populaire ou aux manuels de développement personnel –, Coelho a tout de même vendu plusieurs millions de livres à travers le monde, traduits en 81 langues, et compte aujourd’hui plus de 30 millions de fans sur les réseaux sociaux.

Aujourd’hui établi à Genève avec sa femme Christina Oiticica, artiste-peintre brésilienne, Paulo Coelho agit comme Chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur, membre de l’Académie des lettres brésilienne depuis 2002 et «Messager de la paix» des Nations unies depuis 2007. Il consacre une partie de ses revenus à L’Institut Paulo Coelho, qui vient en aide aux enfants et personnes âgées du Brésil.

Les obstacles furent imposants sur la route de l’auteur. Né à Rio de Janeiro et éduqué à l’école jésuite de San Ignacio, Paulo s’entête à devenir écrivain dès l’enfance. Ses parents, qui le voient plutôt devenir ingénieur comme son père, tenteront de le sauver en le faisant interner dans un hôpital psychiatrique.

De 17 à 20 ans, il y subit des électrochocs et tente de s’échapper trois fois (son roman Veronika décide de mourir s’inspire de cette expérience). À sa sortie, il met de côté son rêve et entreprend des études de droit, qu’il abandonne après un an. La quête vers le rêve d’enfance, qu’il nommera «Légende Personnelle» dans L’Alchimiste, est un thème qui tisse toutes ses œuvres.

«Le jeune homme ne savait pas ce que voulait dire Légende Personnelle».

«C’est ce que tu as toujours souhaité faire. Chacun de nous en sa prime jeunesse sait quelle est sa Légende Personnelle. À cette époque de la vie, tout est clair, tout est possible, et l’on n’a pas peur de rêver et de souhaiter tout ce qu’on aimerait faire de sa vie. Cependant, à mesure que le temps s’écoule, une force mystérieuse commence à essayer de prouver qu’il est impossible de réaliser sa Légende Personnelle». – Paulo Coelho, L’Alchimiste

À 23 ans, donc, Paulo, transporté par le mouvement hippie, part découvrir le monde: «Papa, je sais que tu veux que j’aie un diplôme, mais je pourrai en avoir un n’importe quand, maintenant j’ai besoin d’expérience.» C’est ce voyage qu’il nous raconte dans Hippie.

Ce roman quasi autobiographique prend des allures de documentaire lorsque l’auteur y aborde, entre autres, les évènements de mai 68 en France, l’évolution du mouvement hippie, ou la légalisation de la marijuana et du haschisch: «Ils gagnent des millions avec la répression […] En finir avec les drogues, c’est une excellente promesse de campagne».

D’autres fois, la fiction sert l’auteur, qui décrit une expérience de LSD vécue par Marie, un des personnages du Magic Bus. Celle-ci, en plein voyage hallucinogène, parvenant soudainement à maîtriser sa peur, voir les auras des gens et lire les pensées de Karla, demande à celle-ci:

«Qui a inventé ce produit? Et pourquoi on ne le distribue pas gratuitement à tous ceux qui cherchent à s’unir à l’invisible, alors que c’est tellement nécessaire pour changer notre perception du monde?»

À travers ce passage, Coelho aborde les bienfaits de l’acide lysergique dans les traitements psychiatriques, dont les études scientifiques ont été interrompues suite à l’interdiction de la substance aux États-Unis en 1966. Plus loin, l’auteur décrit aussi l’expérience, dangereusement attrayante, du trip d’un héroïnomane.

L’amour, toujours en trame de fond des romans de Coelho, se déploie cette fois comme un art difficile et confus, entre dualité des points de vue, incompréhension et manque de «synchronicité».

«Karla et Paulo étaient en train de vivre ce moment où bien des relations qui auraient pu se terminer en grand amour se terminaient tout court – soit parce que les âmes, en se rencontrant sur terre, savent déjà où elles s’acheminent ensemble et en sont effrayées, soit parce que nous sommes si conditionnés à chercher toujours «mieux» que nous ne leur laissons pas le temps de se connaître, et nous perdons la chance de notre vie.»

Mais Hippie décrit surtout le rêve d’un monde meilleur, porté par toute une génération dans les années 60. Un retour aux principes de Diogène et des cyniques, qui s’effectue à nouveau, peut-être, avec les millénariaux:

«Nous devons tous oublier la société qu’on nous impose pour revenir aux valeurs primitives: vivre en accord avec les lois de la nature, nous contenter de peu, nous réjouir de chaque nouvelle journée et renoncer à tout ce qu’on nous a inculqué, pouvoir, appât du gain, avarice, etc.»

Durant son voyage, Paulo Coelho lit sur un t-shirt cette phrase qui le marquera pour toujours: «Le rêve est spontané, donc dangereux pour ceux qui n’ont pas le courage de rêver». C’est un défi qu’il relèvera.

«Il y croyait. Il avait choisi sa folie et avait à présent l’intention de la vivre intensément, de rester là jusqu’à entendre l’appel qu’on lui adresserait, un appel à agir pour aider à changer le monde.»

Avant de vivre les années de jeunesse de Coelho dans Hippie, je vous recommande de lire L’Alchimiste (J’ai Lu, 1988). Les autres livres qui m’ont profondément marquée sont Sur le bord de la rivière Piedra, je me suis assise et j’ai pleuré (J’ai Lu, 1994), Manuel du guerrier de la lumière (J’ai Lu, 1997) / Veronika décide de mourir (J’ai Lu, 1998). En espérant que ces livres vous donneront le courage d’emprunter une nouvelle route…

 «Il arrive un moment où l’on regarde en arrière et où l’on se rappelle le début de son voyage: alors on rit de soi-même. On a été capable de grandir, même si on a parcouru tout ce chemin pour des raisons jugées importantes, mais en réalité très futiles. On a été capable de changer de route au moment où c’était essentiel.»

«Hippie» de Paulo Coelho, traduit du portugais par Élodie Dupau et Cécile Lombard, Éditions Flammarion, 320 pages.

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