LittératureDans la peau de
Crédit photo : Julie Artacho
Carl, on est ravis de te parler brièvement suite à notre discussion passionnante et touchante autour de Perdre Mario, un documentaire-hommage que tu as réalisé et qui nous a touché droit au cœur. Théo, entre nous, c’est une première fois, mais on espère que ce ne sera pas la dernière! Dites-nous, d’où vous est venue cette fibre sensible et artistique pour la littérature et le cinéma? C’est de famille, ou…?
T. L.: «Certains diront que, cette fibre, «on l’a ou ne l’a pas», mais je crois qu’elle se développe. Elle peut pousser à l’école, dans nos cercles, ou encore à la maison! On oublie souvent que le cliché des médecins fils de médecins et des avocates filles d’avocates ne vient pas juste de pression parentale, mais souvent simplement d’une passion commune. C’est le cas de mon père et moi. Il aime écrire et j’aime écrire. Est-ce que j’aime écrire parce qu’il aime écrire? Peut-être. Peut-être pas. Je ne me lancerai pas un débat béhavioriste. Mais si oui, je l’en remercie.»
C.L.: «Dans la famille, disons qu’il y a surtout une passion pour le récit, il y a la joie de raconter. Théo nous a déjà offert comme cadeau de Noël un récit qu’il nous avait conté à haute voix du haut de ses cinq ou six ans! J’ignore d’où viennent les passions, mais disons qu’une famille, si on espère que ce ne soit pas un boulet, c’est forcément un creuset!»
Une preuve que la création vous unit comme père et fils: vous avez réalisé, à l’époque du confinement, le petit exploit d’écrire à deux têtes le roman Premier essai, une autofiction publiée aux Éditions Hurtubise et qui se veut un premier pas, pour toi, Théo, dans le monde de l’édition. Qui d’entre vous a eu l’idée d’une écriture en duo et comment avez-vous trouvé cette expérience plutôt unique au Québec, au final?
T. L.: «Ce n’est ni l’un ni l’autre qui a d’abord eu l’idée d’écrire ce roman. En fait, cette aventure que vit l’équipe de football des Aigles, elle est fortement inspirée de faits vécus, vécus par mon père, mes amis et moi il y a presque quatre ans. C’est un moment très marquant dans nos vies, et ç’en est un beau. Puis, il y a deux ans, ma mère a été l’élément déclencheur. Elle nous a simplement dit un jour: «Vous devriez raconter ça, ensemble».
«C’est tout ce que ça prenait; la machine était partie. Nous la remercions encore à ce jour.»
C.L.: «On nous dit que c’est une première québécoise en effet, mais nous n’avons évidemment pas pensé à ça. Il se trouve que cette histoire, oui, nous l’avons vécue ensemble, mais de deux points de vue différents et, au Québec comme ailleurs, cette expérience, du sportif et du parent supporter, des centaines de milliers de gens la vivent. Le roman que nous en tirons n’a pas été écrit à quatre mains, mais bien à deux fois deux mains. Le lecteur alterne entre deux narrateurs qui vivent la même histoire, et moi-même, j’ai découvert des choses en lisant Théo.»
Théo, on aimerait t‘entendre sur l’histoire derrière Premier essai, un roman d’un peu moins de 300 pages, en librairie depuis le 11 mai. Dans ce récit qui se déroule en 2020, tu racontes, en alternance la voix de ton père, les exploits des Aigles, l’équipe de football du collège Jean-Eudes, au moment où celle-ci convoite le Bol d’or, un championnat provincial de niveau secondaire. Dis-nous ce qui t’a donné l’élan pour foncer tout droit dans cette direction et à quel genre de roman doit-on s’attendre.
T. L.: «Suite à l’idée de ma mère, j’ai trouvé géniale celle de travailler avec mon père. J’avais envie de revivre cette aventure, de la faire revivre à ceux qui l’ont vécue et de la faire vivre pour une première fois aux autres. J’avais aussi tout simplement envie d’écrire. Nous avions une histoire, un projet et un plan; c’était le simple plaisir d’écrire qui me poussait quotidiennement à pianoter sur mon ordinateur.»
«Je pense que c’est un roman qui peut plaire à beaucoup de gens. La présence du football sert de toile de fond à une histoire d’amitié, de persévérance, d’amour parental et d’espoir. Avoir un narrateur adulte et un autre adolescent permet à des lecteurs de tous âges de s’attacher aux personnages et de s’identifier à leurs relations interpersonnelles.»
«C’est aussi un roman de réflexion, et ce, pour les deux narrateurs. C’est écrit avec amour, suspens et humour. Bref, c’est une belle histoire à lire au soleil cet été!»
Dans le fond, avec Premier essai, il ne faut pas uniquement s’attendre à un récit de placages et de lancers de ballon ovale, c’est ça? En vrai, c’est plus à un roman d’apprentissage auquel nous avons droit, et aussi à une métaphore sur la vie et sur les amitiés adolescentes. Parle-nous brièvement de Théo, ton narrateur de 16 ans, et des péripéties qui pimenteront sa vie, mais aussi de cette relation père-fils qui, bien sûr, évoluera au fil des pages.
T. L.: «En effet, l’apprentissage est au cœur du roman, autant pour le père que pour l’adolescent, car le père voit son fils grandir et apprend à mieux le connaître à travers cette aventure. C’est aussi un roman d’amitié. Les jeunes personnages du roman sont soit des camarades de classe, soit des coéquipiers, mais ils sont avant tout des amis, une deuxième famille. Les personnages adultes qui donnent vie aux chapitres du narrateur père ne sont pas non plus que des parents supporters, mais aussi une bande d’amis qui se voient tous les samedis dans les estrades.»
«Il y a donc une relation père-fils – mais surtout parent-enfant – qui évolue à travers une série d’apprentissages et de moments remplis d’amitié et d’espoir.»
Et alors, peut-on dire que ce «premier essai» dans l’univers de la fiction aux côtés de ton père, un nom déjà connu dans le milieu, t’a donné l’élan nécessaire pour poursuivre, cette fois en solo? En vrai, on aimerait savoir si l’écriture de ce premier roman t’a donné le sentiment d’avoir trouvé ta «voix» comme écrivain en devenir!
T. L.: «Je crois que ça m’a certainement donné un élan, mais aussi des outils, parce que, mine de rien, écrire un roman ce n’est pas qu’une question de créativité ou d’orthographe. Ça demande une éthique de travail, de l’organisation et bien plus. Donc, avoir la chance de faire ça une première fois avec quelqu’un qui a de l’expérience comme mon père, c’est très enrichissant et ça donne envie de relever le défi seul la prochaine fois.»
«En ce qui concerne le terme «écrivain», je me garde une petite gêne pour l’instant, mais c’est bien sûr quelque chose qui m’intéresse!»