LittératureDans la peau de
Crédit photo : Julie Artacho
Ève, si tu savais comme on est heureux de s’entretenir avec toi aujourd’hui! Toi qui es une artiste multidisciplinaire – par curiosité, est-ce qu’il y a une discipline à laquelle tu n’as pas encore touchée? – on t’a aperçue à la télévision, dans des séries web, au cinéma, dans des courts et longs métrages, au théâtre, à Montréal et en France, et en écriture, tu as participé à deux collectifs d’autrices, en plus d’écrire un premier roman! D’où te vient cette curiosité, ma foi, insatiable?
«Ben coudonc… Écrit noir sur blanc comme ça, c’est vrai que j’en fais des affaires!»
«En fait, tout ce qui touche à l’art dramatique, à l’expression des émotions et à la création d’histoires, ben… ça m’habite depuis que je suis enfant. Ça a commencé avec d’innombrables heures à jouer aux Barbies, à me déguiser et à me maquiller pour me transformer, à créer des pièces de théâtre sur le fly avec mes petites voisines… Vingt ans plus tard, ce besoin de raconter est toujours aussi viscéral et je l’explore à travers mes rôles et l’écriture de romans.»
«Le rêve ultime serait de combiner mes deux passions: écrire une série télévisuelle. Je suis convaincue que ça va finir par arriver. Il faut juste que je me donne l’espace et les ressources nécessaires pour écrire le bon projet… et que je sois patiente!»
Parlons d’écriture, si tu le veux bien! En septembre 2019, tu as fait paraître Comme des animaux, un premier roman à succès qui «frappe fort», pour reprendre les mots de Marie-Hélène Nadeau, dans un texte paru dans la Revue Les Libraires cette même année. Et c’est vrai qu’on a l’impression, lors de la lecture, qu’un sentiment d’urgence nous monte vite à la gorge. Parle-nous de ce qui t’a donné l’impulsion de te lancer dans cette (folle) histoire.
«Après mes études au Conservatoire d’art dramatique de Montréal (2014-2017), j’étais vidée. J’avais comme une “écoeurantite” de jouer, d’être entourée des mêmes dix personnes depuis trois ans. J’avais besoin de me retrouver, moi, Eve, la créatrice, celle qui a un message personnel à livrer… Alors, je suis revenue à mon amour le plus intime: l’écriture.»
«J’avais écrit quelques années plus tôt un recueil de nouvelles et j’avais été en pourparlers avec Marie-Pierre Barathon, une éditrice chez XYZ. Finalement, ledit recueil n’a pas été édité, mais cette femme en question m’a invitée à revenir la voir lorsque j’aurais un roman à lui présenter. C’est tombé direct dans mon oreille et dans mon cœur…»
«Dès ma sortie du Conservatoire, je me suis mise à écrire! J’ai ressorti Philomène, un personnage qui macérait dans ma tête et dans mes cahiers de notes depuis très longtemps, et j’ai écrit frénétiquement pendant neuf mois sans trop savoir où je m’en allais, mais avec cette envie prenante de faire vivre ma Philo, cette femme brisée et compulsive, et en grand vide d’amour.»
«En juin 2018, j’ai remis mon manuscrit de Comme des animaux à Marie-Pierre. C’est elle qui m’a ouvert les portes des Éditions XYZ, c’est elle qui m’a mise en contact avec Myriam Caron-Belzile, mon éditrice.»
«En 2020, Marie-Pierre est décédée des suites d’un cancer. À chaque lancement de roman, je pense à elle. Je lui dois ma carrière d’autrice.»
Le 31 août, tu as levé le voile sur ton deuxième roman, Mercure plein la gueule! Dans une forme éclatée, avec des giclées d’humour noir au passage, on suit Marie, une fille qui a l’habitude des caméras et qui forme, avec Émile, le couple chéri des médias. Son carburant: aimer Émile et être aimée de lui en retour… sauf que, voilà, quelque chose de fragile va s’effriter et mettre en miettes leur idylle pas si idyllique que ça, au final. Qu’est-ce qui t’a donné l’élan d’aborder de front les relations toxiques dans cette satire du vedettariat québécois?
«Parce que je considère que j’ai la chance de pratiquer le plus beau métier du monde, mais je suis consciente que ce n’est crissement pas le milieu le plus sain!»
«Et il y a quelque chose de très intrigant chez les couples connus… je me suis toujours questionnée à savoir comment ça se vit dans l’intimité une rupture aussi médiatisée.»
«Tout ce qui entoure les relations toxiques, l’obsession, la compulsion et le désir de s’en sortir malgré les déficiences comportementales m’habitent depuis Comme des animaux, et j’ai plongé plus profondément dans ces eaux troubles pour Mercure plein la gueule.»
«Mais bien honnêtement, je ne suis même pas certaine d’avoir puisé tout ce que j’avais à explorer de cette faste et grande thématique. Il faut croire que la souffrance amoureuse est un moteur puissant d’inspiration chez moi! À suivre pour un troisième roman…»
Toi qui n’as pas la langue dans ta poche, qui as une voix littéraire puissante, rythmée par un vocabulaire cru et percutant, peux-tu nous dire en quoi cette «signature» à l’intensité très marquée est essentielle pour l’autrice en toi?
«Probablement parce que c’est le genre de voix que j’aime lire et qui me touche le plus lorsque je découvre d’autres autrices et auteurs.»
«Quand j’avais 15 ans, j’ai lu La Brèche de Marie-Sissi Labrèche et j’ai été renversée par la violence du propos, mais surtout par l’aplomb de sa voix littéraire, par l’utilisation de mots si forts que je croyais qu’ils étaient interdits dans les livres! Cette lecture m’a ouvert les yeux sur la possibilité de devenir une autrice qui tranche, qui sacre, qui est en colère et qui mord, qui pleure, qui se moque. Une autrice actrice, finalement.»
«Ma manière d’écrire, c’est une recherche d’authenticité: j’écris comme je parle, j’écris comme je ressens. Ça peut être choquant ou laid ou même poétique, mais l’important, c’est que ça reste vrai.»
Pour finir, on se doute bien que tu dois actuellement jongler avec plein de projet(s) – à noter l’emploi du pluriel ici, haha! – tous aussi stimulants les uns que les autres. Dis-nous donc un peu comment tu comptes occuper ton temps cet automne, on est (pas mal) curieux de savoir où on pourra t’apercevoir et te saluer au passage, pourquoi pas!
«C’est sûr qu’avec la sortie d’un roman, on souhaite en faire la promotion le plus possible pour donner envie aux gens de le lire. On souhaite les intriguer, leur faire connaître notre univers…»
«Mon automne sera donc consacré à promouvoir Mercure plein la gueule: émissions de radio, entrevues télé et Salons du livre un peu partout au Québec. Au plaisir de vous y rencontrer, d’ailleurs! C’est toujours un plaisir d’échanger avec les lecteurs.»
«Dès le 22 septembre, on pourra me voir dans Hôtel, un nouveau téléroman à TVA dans lequel j’incarne Nadia, une femme de chambre aux prises avec des problèmes de jeu compulsif.»
«Et bon, il faut dire que j’ai une petite Charlotte de six mois qui me bouleverse d’amour et qui remplit ma vie de sourires et de cris stridents, donc je ne manquerai pas de trucs à faire à cet automne!»