«Dans la peau de…» Claire Bergeron, romancière qui nous fait voyager dans le Témiscamingue d'autrefois – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Claire Bergeron, romancière qui nous fait voyager dans le Témiscamingue d’autrefois

«Dans la peau de…» Claire Bergeron, romancière qui nous fait voyager dans le Témiscamingue d’autrefois

Des polars romantiques sur trame historique

Publié le 9 juillet 2021 par Mathilde Recly

Crédit photo : Maxyme G. Delisle

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Aujourd’hui, nous avons jasé avec l'autrice Claire Bergeron, dont le plus récent roman Les secrets d'une âme brisée est paru aux Éditions Druide en mars dernier. Laissez-vous bouleverser par des personnages aux personnalités et aux destins inspirants dans le Témiscamingue du XIXe siècle!

Claire, on est curieux de savoir: à quel moment avez-vous eu le déclic pour la littérature et, plus spécifiquement, pour l’écriture de romans historiques?

«D’aussi loin que remontent mes souvenirs, j’aimais écouter les adultes parler entre eux. Je me revois toute petite, tapie dans l’ombre, à prêter une oreille attentive à ce que ma mère, ma grand-mère ou mes tantes échangeaient à voix basse. À travers leurs grands éclats de rire, ou leurs larmes discrètement essuyées, il y avait suffisamment d’images et de mots parfois incompris pour que naisse dans mon imaginaire la trame d’un roman

«Dans l’enfance, davantage à l’adolescence, toutes les vies sont devenues pour moi chargées d’intrigues que je rêvais de raconter, en étant écrivaine… Emportée dans le tourbillon de ma propre existence, je remettais à plus tard, mais ma passion pour l’écriture revenait régulièrement frapper à ma porte. À soixante-deux ans, en prenant ma retraite, j’ai décidé que si je voulais réaliser mon rêve, celui de devenir romancière, il était temps que je parte à sa conquête!»

«Passionnée d’Histoire, c’était un beau défi pour moi de confronter les personnages qui naissaient sous ma plume aux événements du passé. En écrivant sur une trame historique, je fais découvrir à mes lecteurs des pages souvent méconnues qui ont marqué la vie de nos ancêtres.»

Votre nouveau roman Les secrets d’une âme brisée est paru en mars dernier aux Éditions Druide. Au fil des pages, tu y mets en scène le personnage de Fabiola Sutherland, 76 ans, qui vient de perdre son mari et se retrouve plongée dans les souvenirs de sa jeunesse au sein du Témiscamingue de la fin du XIXe siècle. D’où vous est venue l’inspiration pour cette histoire, en fait?

«Dès mon premier roman, j’ai cherché à mettre en scène des jeunes filles ou des femmes, souvent nées dans la soie, qui voient leur destin basculer, et se retrouvent confrontées à des réalités auxquelles elles n’étaient pas préparées. Les femmes, que l’on traitait de sexe faible il n’y a pas si longtemps, étaient à mes yeux des forces de la nature qui savaient maintenir à flot la barque familiale tout en s’impliquant dans leur milieu, souvent en défiant les conventions.»

«Cette force incontestable, je voulais la faire naître et évoluer chez Fabiola, l’héroïne de mon roman Les secrets d’une âme brisée. Comme je me plais à le répéter, ce sont les émotions qui m’ont conduite à l’écriture; j’aime plonger au cœur de mes personnages, à la recherche de leurs motivations d’agir, de ce battement d’ailes qui va changer le cours de leurs destins.»

«Dans cette intrigue, je développe des personnages de race noire, qui en cette fin du XIXsiècle avaient connu l’esclavage avant de venir s’établir au Témiscamingue. Le thème de la justice, sous toutes ses formes, fait également partie intégrante de mon œuvre. Et le suspens, qui maintient le lecteur en haleine, est aussi pour moi un incontournable; c’est pour ça que l’on dit de mes romans qu’ils sont des “polars romantiques sur trame historique”.»

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Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous avez procédé pour vous documenter et dépeindre cette région le plus fidèlement et précisément possible, telle qu’elle était dans les années 1880?

«Ma toute première inspiration pour l’écriture de ce roman m’est venue de la découverte de la vie de Stephen Lafricain, né au Labrador d’un père noir et d’une mère inuite. Stephen avait connu la guerre de Sécession, avant de venir s’établir sur les bords du lac Témiscamingue, où il a d’ailleurs laissé sa trace puisqu’une baie, celle de l’Africain, a été ainsi baptisée en son honneur.»

«Lors d’un passage à Ville-Marie, assise sur les rives de ce lac majestueux, il me restait à imaginer Fabiola, Aymeric, Albina et tous les autres, à la fin du XIXsiècle, dans ce décor splendide, mais encore tellement sauvage. Afin de me plonger dans cette époque, j’ai profité du Salon du livre pour me procurer différents ouvrages qui traitaient de ce sujet.»

«Plus tard, j’ai fait de nombreuses recherches sur la traite des fourrures, ainsi que l’exploitation forestière, dans ce coin de pays encore jeune où s’écrivait l’histoire dans les années 1880. Il me restait à inventer celle de mes personnages à Sutherland City, un village issu de mon imaginaire où j’ai fait se déchaîner les passions d’hommes et de femmes à la recherche de fortune, de justice et d’amour…» 

On a pu lire qu’à travers l’histoire de Fabiola,  vous vous interrogez «sur la place des femmes dans la sphère sociale, tout en mettant en lumière les réalités des personnes racisées». Qu’est-ce qui est ressorti de ces réflexions, selon vous?

«Si l’on souhaite que les femmes conservent leur place actuelle, chèrement acquise dans la société, il ne faut pas hésiter à faire connaître aux nouvelles générations les dures batailles que leurs mères et leurs grands-mères ont dû livrer, simplement pour obtenir le droit de vote ou pour pouvoir fréquenter librement l’université, au même titre que les hommes.»

«Pour moi, être écrivaine, ce n’est pas seulement divertir le lecteur, c’est aussi porter subtilement des messages qui éveillent les consciences sur la place des femmes depuis des millénaires, mais également sur celle des autochtones, des noirs, ou des sans voix qui peinent à se faire accepter dans un monde se targuant d’être ouvert et magnanime envers chacun de ses semblables.»

«Si, de mes humbles réflexions, il en reste un brin d’humanité, je serai heureuse d’avoir osé mettre en lumière, à travers mes écrits, certaines tristes réalités qui, malheureusement, perdurent encore de nos jours.»

Si tout était possible et que vous découvriez une machine à remonter le temps, dans quelle période (ou quel événement historique) aimeriez-vous être plongée le temps de quelques heures, et pourquoi?

«Quelle superbe question! Dans mes intrigues, la place des femmes dans la société a toujours été un de mes thèmes de prédilection, il y a donc plusieurs dames à travers les siècles que j’aimerais aller rencontrer pour avoir avec elles de longues et intéressantes conversations!»

«Toutefois, comme pour ce voyage dans le temps, vous ne m’offrez qu’un seul billet, je choisirais d’aller interviewer Elisabeth Ire vers la fin de son règne; une reine dont la vie fut certainement très riche en émotions… Henri VIII, son père, désirait un héritier mâle, même si en Angleterre les femmes avaient le droit de régner. À sa naissance, il l’a rejetée, déçu qu’elle ne soit pas le fils qu’il souhaitait.»

«Trois ans plus tard, il faisait exécuter sa mère, Anne Boleyn, afin de pouvoir se remarier. Après que sa troisième épouse lui eut enfin donné ce fils qu’il attendait, il relégua Elisabeth, princesse de sang, au rang de bâtarde.»

«Rappelée à la ligne de succession, puis de nouveau évincée par son frère devenu roi, et plus tard accusée de trahison par sa sœur Mary, élue reine à son tour, elle risqua la décapitation. Quand, finalement, elle accéda au trône d’Angleterre à l’âge de vingt-cinq ans, elle refusa toujours de se marier, consciente qu’un époux aurait eu prédominance sur son destin de reine.»

«Devenue l’un des plus grands monarques que l’Angleterre ait connus, cette femme que son père avait rejetée à la naissance à cause de son sexe éprouvait sûrement une arrogante fierté en se remémorant le machisme paternel… Oui, c’est avec elle que j’aimerais bien passer une soirée!»

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions Druide.

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