«Dans la peau de...» Cato Fortin, autrice qui valorise la place du plaisir dans la littérature (comme dans la vie!) – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Cato Fortin, autrice qui valorise la place du plaisir dans la littérature (comme dans la vie!)

«Dans la peau de…» Cato Fortin, autrice qui valorise la place du plaisir dans la littérature (comme dans la vie!)

Deuils, amour, révolution, sexe, violence et amitié au cœur de «La chienne de Pavlov»

Publié le 7 avril 2023 par Éric Dumais

Crédit photo : Julie Artacho

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Aujourd'hui, on s'est glissé dans la peau de Cato Fortin, une autrice qui valorise la place du plaisir dans la littérature comme dans la vie. Le 29 mars, les Éditions XYZ ont levé le voile sur son premier roman, «La chienne de Pavlov», une dramédie qui se lit d'une traite – sans farce! – et où il est question de deuils, d'amour, de révolution, de sexe, de violence et d'amitié.

Cato, c’est notre toute première discussion! C’est un plaisir de faire ta connaissance! Toi qui es candidate au doctorat en études littéraires à l’UQAM, parle-nous de tes aspirations, de petite fille à femme adulte, et raconte-nous comment ton feu intérieur pour la littérature a pris forme dans ton esprit… et ton cœur!

«C’est cliché, j’étais une enfant plutôt triste et la littérature a été mon premier refuge. Je lisais compulsivement. Je me rappelle m’être sacrifiée plus souvent qu’à mon tour au ballon chasseur pour aller lire sur le banc.»

«Adolescente, j’écrivais beaucoup: des journaux intimes, de la poésie, des nouvelles, du théâtre. J’aimais apprendre de nouveaux mots, travailler sur la structure de mes phrases. J’ai demandé un dictionnaire des synonymes à Noël…»

«Je me suis inscrite à l’université à vingt ans en ayant en tête l’objectif de prioriser mon écriture. J’ai d’abord fait un certificat en scénarisation, parce que j’avais vraiment envie de développer l’aspect visuel de mon écriture. J’ai poursuivi avec un baccalauréat en études littéraire et une maîtrise en recherche-création.»

«C’est dans le cadre de ma maîtrise que j’ai commencé à écrire La chienne de Pavlov, et c’est de loin le projet qui m’a apporté le plus de plaisir.»

«Les processus de réappropriation politique des blâmes, des insultes et des injonctions à la féminité par les communautés féministes et queers» sont au cœur de tes recherches universitaires. Dis-nous, d’où vient cette curiosité pour ce sujet, ma foi, hyper intéressant, et qu’est-ce qui t’a motivé à t’y pencher dans le cadre de tes études?

«Il y a une pudeur dans la langue. On cache le corps en utilisant des images, des détours. Je suis fascinée par la relation entre la langue et le corps. Quand une personne se réapproprie un mot qui a été historiquement utilisé pour l’oppresser, elle en propose une nouvelle définition tout en rappelant l’existence de sa violence. C’est un moment charnière dans l’histoire d’un mot, et ça marque une reprise de pouvoir sur son histoire et sur sa langue.»

«Puis, souvent, les insultes tournent autour du corps et de la sexualité. Je pense que la réappropriation des insultes et la mise en scène des corps dans la langue est une façon se donner de l’agentivité. La langue a un impact tangible sur nos corps et sur la façon dont on traite ceux-ci, et la nature de cette relation-là est la source de toutes mes obsessions.»

Rappelons, pour nos lecteurs et lectrices qui l’ignorent, que tu as co-fondé le mouvement #papauqam au printemps 2021 en soutien à tous les travailleur.ses du sexe, ainsi qu’à Hélène Boudreau, nom qui a circulé abondamment depuis la parution de ses photos osées – on va le dire comme ça! Aussi, on dit que tu te «revendiques d’une vulgarité ludique et solitaire». Oh! Si tu avais à décrire ta personnalité en quelques lignes, ça ressemblerait à quoi, mettons?

«Oui, je respecte Hélène Boudreau, mais j’ai co-fondé ce mouvement-là d’abord en solidarité avec les travailleur∙euses du sexe qui étudient à l’UQAM et qui sont pour la plupart dans des situations beaucoup plus précaires qu’Hélène, qui est une femme cis, apte, riche et blanche. Les travailleur∙euses du sexe sont toujours au front des révolutions sociales, je dois beaucoup à leurs savoirs et à leurs littératures, c’était important pour moi d’agir en accord avec mes valeurs.»

«Je pense que toute ma personnalité repose sur le fragile équilibre entre mon envie d’être tannante et celle d’être rigoureuse. Je veux en connaître le plus possible sur un sujet parce que ça me permet d’explorer ses limites. J’utilise l’humour et la vulgarité dans ma pratique, parce que je pense que ça me permet de mieux partager mes idées, que ça les rend plus accessibles, plus concrètes aussi.»

«J’ai envie d’apprendre, j’ai envie d’avoir du fun, et j’en fais ma priorité.»

Le 29 mars, les Éditions XYZ ont publié ton tout premier roman, La chienne de Pavlov, «une dramédie politique et libidineuse sur les deuils, les solidarités et les relations au corps». On veut tout savoir: d’où t’est venue l’étincelle pour cette histoire mettant en scène Thérèse, une femme qui se retrouve doublement désarçonnée devant le décès de sa grand-mère chérie, couplé à un secret qu’elle lui aurait caché, un tatouage coquin sur sa fesse droite! Entre mystère et injustice, elle se retrouve au bout de sa vie. Littéralement. Et elle a besoin «d’une fontaine de daïquiri»! Elle t’est venue d’où l’inspiration d’écrire cette histoire?

«J’avais envie de rendre hommage aux vieilles femmes, à leur complexité, à leur intelligence, à leurs secrets. J’étais très proche de ma grand-mère paternelle, et l’accompagner dans la mort m’a beaucoup appris. Ça a été une leçon d’amour et d’humilité.»

«Du côté un peu plus théorique, j’avais envie d’écrire un roman qui passait du «je» à un «nous» hétérogène. Je me suis aussi beaucoup inspirée des théories de Mikhaïl Bakhtine sur le carnaval et du Jardin des délices de Jérôme Bosch en écrivant! Évidemment, mon écriture est teintée de l’influence d’une tonne d’artistes, mais surtout de Sylvia Plath, Anne Hébert, Roxane Gay, Josée Yvon, Alok Vaid-Menon, Anne Archet, David Lynch et Jane Austen!»

«C’est un roman dans lequel je n’avais pas envie de faire de compromis. Je voulais parler de deuils, d’amour, de révolution, de sexe, de violence et d’amitié. Je voulais aussi faire réfléchir, rire, surprendre. J’ai l’impression qu’on dévalorise beaucoup la place du plaisir, dans la littérature comme dans la vie, alors que ce n’est pas un caprice, le plaisir; c’est même nécessaire.»

Et alors, à quoi occuperas-tu ton esprit en 2023? Surtout, ne lésine pas trop sur les détails: on aimerait bien ça te suivre encore pour un moment!

«Je vais hanter les bibliothèques dans l’espoir d’avancer ma thèse. Je commence tranquillement à penser à mon prochain roman, j’ai quelques idées et mes doigts commencent à brûler!»

«Je collabore à un collectif sur les modernités culturelles au féminin qui sort à l’automne chez Somme toute et où je partage l’enquête que j’ai menée sur Angéline Angot, une autrice canadienne-française oubliée qui a publié un roman dans les années 1950 et a reçu un prix du Gouverneur Général pour son humour.»

«Je poursuis également ma collaboration avec Diverses syllabes, où je suis éditrice. Sinon, je prévois lire beaucoup, déménager, jardiner et foutre le trouble quand je le peux.»

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec Les Éditions XYZ.

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