LittératureRomans québécois
Crédit photo : Mélissa Perron
La jeune fille à la tresse de Françoise de Luca
Inspiré d’une histoire vraie, La jeune fille à la tresse raconte l’amitié lumineuse de Liliane et Solange, deux jeunes filles françaises au début de la Seconde Guerre mondiale.
Joie, tristesse, tendresse, rébellion, deuils et découvertes cohabitent dans cette touchante ode à l’amitié, celle qui s’avère plus forte que toute la violence du monde. Ce roman met en lumière un pan méconnu de l’Histoire, celui de la lutte des femmes durant l’Occupation.
Pour cette écriture, Françoise de Luca a rencontré la véritable Liliane et recueilli son témoignage, si précieux à notre époque, où les témoins de cette époque sombre auront bientôt tous disparu.
La jeune fille à la tresse, Françoise de Luca, Marchand de feuilles, 28,95 $. Plus d’info ici.
Shérif Junior: Il y a quelque chose de poussiéreux à Sorel-sur-Poussière de Samuel Cantin
Au Turbo-Bas-Canada du 19e siècle ou, plus précisément à Sorel-Sur-Poussière, non loin de Joliette-en-Gravelle, un shérif de 11 ans mène la vie dure aux bandits du coin. Toujours monté sur son fidèle destrier, Liberté le cheval à bascule, ce n’est pas son don pour ne jamais rater sa cible qui lui permettra de percer le mystère fantastique qui entoure ce western déjanté.
Brillant pastiche du genre, Il y a quelque chose de poussiéreux à Sorel-Sur-Poussière reprend tous les éléments essentiels en y rajoutant une dimension méta: les personnages réfléchissent et démontent constamment ces clichés.
Dans ce récit au rythme cinématographique, l’humour décalé, perspicace et absurde de Samuel Cantin brille comme jamais.
Shérif Junior: Il y a quelque chose de poussiérieux à Sorel-sur-Poussière, Samuel Cantin, Éditions Pow Pow, 44,95 $. Plus d’info ici.
Va savoir de Réjean Ducharme
Mamie, la femme de Rémi Vavasseur, est partie. Pas parce qu’elle ne l’aime pas, mais parce qu’elle ne s’aime pas. Elle court l’Europe et l’Afrique en compagnie de la dangereuse et blonde Raïa. Pendant ce temps, Rémi, à la campagne, accomplit des travaux surhumains pour remettre en état une ruine, à l’intention de Mamie, si elle revient, «en chair et en noces».
Ce roman de l’un des plus grands et des plus humbles de nos écrivains s’ouvre sur les paroles suivantes: «Tu l’as dit Mamie, la vie il n’y a pas d’avenir là-dedans, il faut investir ailleurs.» Elles donnent le ton: comme toujours chez Ducharme, la clownerie des personnages ne sert pas à cacher le désespoir, mais plutôt à le souligner.
Va savoir, Réjean Ducharme, Folio, 13,95 $. Plus d’info ici.
J’étais un héros de Sophie Bienvenu
Sophie Bienvenu est connue et admirée pour ses récits poignants qui amènent le lecteur au cœur d’un monologue intérieur d’un personnage malmené par la vie, rongé par la solitude et le poids de ses erreurs.
J’étais un héros poursuit cette lignée avec l’histoire d’Yvan, sexagénaire alcoolique qui vient d’apprendre sa mort prochaine et qui, selon les choix qu’il fera, deviendra sobre ou continuera de boire, renouera avec sa fille ou brisera encore davantage leur lien. Le roman raconte ainsi deux destins parallèles, chacun plaçant Yvan devant les conséquences de ses actes.
Uchronie romanesque, récit d’une relation père-fille tumultueuse, J’étais un héros est une fable d’émancipation teintée d’espoir qui s’interroge sur ce que l’on peut pardonner, et sur la manière de le faire.
J’étais un héros, Sophie Bienvenu, Le Cheval d’août, 24,95 $. Plus d’info ici.
Après Céleste de Maude Nepveu-Villeneuve
Après avoir perdu son bébé en cours de grossesse, Dolores se réfugie à Moreau, le village de son enfance. Elle y retrouve sa voisine, une dame âgée et solitaire qui se remet d’une fracture à la cheville, et y fait la connaissance d’une petite fille marquée par les épreuves. Elles prendront soin les unes des autres, tandis que la forêt, tout autour de ce village où les chats se font encore plus rares que les habitants, veille sur elles.
Après Céleste est un conte qui utilise habilement le réalisme magique pour traiter de deuil périnatal, de sororité et de guérison. On a envie, en le refermant, de trouver nous aussi une forêt familière où déposer nos talismans et nos douleurs, puis repartir.
Après Céleste, Maude Nepveu-Villeneuve, Les éditions de ta mère, 20 $. Plus d’info ici.
Chambre minimum de Frédéric Dumont
La poésie de Frédéric Dumont a un don pour étonner et surprendre en étalant des représentations insolites des éléments qui composent le quotidien.
Écrit en plein cœur de la pandémie que nous venons de traverser, Chambre minimum fait honneur à ce talent, alors que la plume du poète se déploie comme une porte de chambre s’ouvre aux premières heures du matin.
Finaliste au Prix Émile Nelligan 2023, Chambre minimum dresse le portrait d’une résistance au supplice de l’éternel recommencement en subvertissant subrepticement le banal avec des images toujours plus improbables et des réponses absurdes et perspicaces au désespoir.
Chambre minimum, Frédéric Dumont, Les Herbes Rouges, 21,95 $. Plus d’info ici.
Mise en forme de Mikella Nicol
Oscillant entre l’essai et l’autobiographie, Mise en forme est le récit d’une jeune femme qui perd pied à la suite d’une rupture et tente de retrouver un encrage grâce à une pratique intensive du fitness. Mais les promesses des influenceuses dont les vidéos YouTube rythment son existence ne feront que la décevoir.
L’été suivant, en vacances à New York, elle accusera le choc de deux rencontres déterminantes: celles d’un inconnu hostile et d’un livre, The Red Parts de Maggie Nelson, qui lui feront mesurer ses forces et les dangers qui la guettent, elle et toutes les filles de la rue et du web.
Dans cette dernière publication, Mikella Nicol déconstruit avec sagacité l’idée d’une beauté universelle et nous rappelle qu’au lieu de l’angoisse d’une recherche de sens à l’existence, nous pouvons choisir de savourer simplement le fait d’être en vie.
Mise en forme, Mikella Nicol, Le Cheval d’Août, 23,95 $. Plus d’info ici.
Galumpf de Marie-Hélène Poitras
Dans la langue incisive et poétique qui a fait sa marque, Marie Hélène Poitras interroge la manière dont humains et animaux se donnent et se reprennent les uns aux autres, et les compromis nécessaires à la vie ensemble.
Au fil des onze nouvelles qui composent ce recueil, l’autrice renvoie à sa passion pour les chevaux, qu’elle ne peut dissocier de celle qu’elle ressent pour l’écriture, à son enfance à Aylmer et à une histoire destinée aux enfants qui l’a profondément marquée lorsqu’elle était petite.
Qu’elle nous parle d’une petite fille farouche tentant d’apprivoiser un immense chien sauvage, d’une nuit d’ivresse romantique dans une église éventrée de Montréal, ou encore la visite impromptue de sa maison d’enfance, Marie-Hélène Poitras habille sa plume d’une élégance remarquable.
Galumpf, Marie-Hélène Poitras, Éditions Alto, 24,95 $. Plus d’info ici.
Le garçon aux pieds à l’envers de François Blais
Certainement l’un des meilleurs romans du défunt écrivain François Blais, qui nous a quittés tragiquement l’année dernière, Le garçons aux pieds à l’envers s’adresse autant aux adolescents qu’aux adultes.
À Saint-Sévère, alors que Joey Laforme demeure introuvable, Adrienne Ferron, 14 ans, est la seule à s’inquiéter de cette disparition. Avec l’aide de son amie Léonie et de quelques indices (un sac à dos et des textos anonymes et inquiétants), Adrienne s’aventure dans une quête aux frontières du paranormal.
Cette œuvre reprend les éléments essentiels de l’univers de François Blais: la Mauricie, un personnage féminin fort et attachant, un humour nuancé et une écriture enlevante. Dernier cadeau de l’auteur, ce roman est à dévorer avec lenteur, afin d’en profiter le plus longtemps possible.
Le garçon aux pieds à l’envers, François Blais, Éditions Fides, 24,95 $. Plus d’info ici.
Pour qui je me prends de Lori Saint-Martin
Alors que Lori Saint-Martin nous a quittés, elle aussi, peu de temps après François Blais, souligner son apport important à la littérature québécoise paraît important.
Chercheuse, essayiste, nouvelliste, critique et traductrice, Lori Saint-Martin a connu une carrière remarquable et inspirante. Dans Pour qui je me prends, elle raconte ce désir de réinvention qui a marqué sa vie en s’imposant comme une nécessité: originaire de l’Ontario, Lori Saint-Martin a rejeté sa langue maternelle et son enfance au profit d’une révélation, celle de la langue française.
Hommage aux langues et à l’impact profond qu’elles laissent sur notre identité, Pour qui je me prends est aussi l’histoire extraordinaire d’une adolescente, d’une femme, qui, telle une nouvelle Alice, ose traverser le miroir pour en revenir transformée.
Pour qui je me prends, Lori Saint-Martin, Éditions Boréal, 22,95 $. Plus d’info ici.
Exercices de joie de Louise Dupré
Troisième recueil d’un triptyque sur les possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse, Exercices de joie prend le risque de la tendresse en choisissant la douceur comme arme de combat.
Louise Dupré nous offre, à travers divers exercices, une poésie de la résistance alors qu’elle présente la joie comme une pratique, une discipline, un choix à répéter tous les jours alors que l’esprit s’étire comme le corps lors d’une gymnastique.
Dans une écriture fluide et lucide, qui alterne entre prose et vers et qui emploie un tu aussi personnel qu’universel, Louise Dupré pose un regard lucide et empli de douceur sur le monde, et sur un soi qui a bien besoin d’espérance.
Exercices de joie, Louise Dupré, Éditions du Noroît, 22 $. Plus d’info ici.
Rose à l’île de Michel Rabagliati
Juste à temps pour la fête, Michel Rabagliati vient tout juste de publier un nouveau roman graphique: une histoire longue de quelques 250 pages qui opère un changement important avec le reste de son œuvre, car cette fois, on ne retrouve pas en titre le nom du très attachant Paul, mais bien celui de sa fille, Rose.
L’action prend place en 2017, alors que Paul se trouve en vacances avec sa progéniture dans un chalet à l’île Verte. Après le passage à vide présenté dans le dernier tome de la série, Paul à la maison, une fatigue professionnelle et le décès de ses parents, Paul ressent le besoin de faire le point. Le havre de paix découvert au cœur du Bas Saint-Laurent est propice à la réflexion, et une grande place est ainsi accordée aux dialogues.
C’est une œuvre qui promet d’émouvoir tout en douceur, comme seul Michel Rabagliati sait si bien le faire.