«Pour qui je me prends» de Lori Saint-Martin – Bible urbaine

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«Pour qui je me prends» de Lori Saint-Martin

«Pour qui je me prends» de Lori Saint-Martin

Le poids d’une langue

Publié le 28 octobre 2020 par David Bigonnesse

Crédit photo : Éditions du Boréal / Serge Clément, Vienne 2002 - Staatsoper

Récit narré à la première personne du singulier, sans fard, Pour qui je me prends nous amène dans l’univers de la détestation de son milieu d’origine. Pour l’autrice Lori Saint-Martin, c’est sa langue maternelle, l’anglais, qui fait office de symbole repoussoir. Et c’est le français qui représentera l’identité autre tant souhaitée.

L’écrivaine, traductrice et professeure Lori Saint-Martin a couché sur papier ce qu’elle a tu et enfoui depuis des années à propos de ses origines. Issue d’une famille ouvrière d’une ville ontarienne, elle a voulu fuir rapidement un milieu qui la sclérosait et qui la condamnait à épouser un mode de vie conforme à sa classe sociale.

Sa langue dite maternelle, l’anglais, représentait tout ce qu’elle abhorrait: ville, famille, fatalité du milieu, etc. Le français allait être sa nouvelle vie et non seulement une nouvelle langue pour communiquer: «Je ne disais jamais devenir bilingue, je disais changer de langue. C’était un échange, un délestage, je laissais l’anglais derrière. Phénix des langues, je mourais à l’anglais pour renaître en français.»

La littérature nous a offert une galerie de personnages – réels ou non – qui souhaitaient prendre l’ascenseur social et quitter un monde qui ne leur ressemblait pas pour mille et une raisons. Pensons dans les dernières années à la parution d’En finir avec Eddy Bellegueule d’Édouard Louis. Le rejet de ce qu’il était, c’est-à-dire homosexuel, était à la source de son départ. Ici, c’est le désir tout-puissant de changer certes d’existence, mais de le faire en changeant de langue.

Au fil de ces quelque 190 pages, Lori Saint-Martin nous raconte sans pudeur le chemin parcouru pour en arriver à une vision plus nuancée, plus en paix dirait-on, de son rapport avec cette langue et ses origines. On y découvre par le fait même une femme très exigeante envers elle-même, perfectionniste, qui, on le sent, avait besoin de révéler et d’expliquer ce désir d’émancipation à travers la langue française.

Sans esbroufe, mais avec style, la plume de la professeure d’études littéraires de l’UQAM est en fait toute en finesse, contrastant avec la dureté du récit. Et le lecteur s’en trouvera sans aucun doute fort bouleversé. Après tout, le désir de changer d’identité – peu importe la raison – n’est-il pas partagé par de nombreuses personnes?

Pour qui je me prends de Lori Saint-Martin, Éditions du Boréal, 2020, 192 pages, 22,95 $.

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