«Paul à la maison», un roman graphique de Michel Rabagliati – Bible urbaine

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«Paul à la maison», un roman graphique de Michel Rabagliati

«Paul à la maison», un roman graphique de Michel Rabagliati

Quel plaisir de se retrouver avec un nouvel album de la série Paul entre les mains!

Publié le 9 novembre 2019 par Lucie Laumonier

Crédit photo : Les Éditions de la Pastèque

C’est comme revoir un ami de toujours après un long interlude – on veut savoir ce qui s’est passé de nouveau dans sa vie, on se demande à quelles anecdotes on va rire, on sait qu’il y aura de l’émotion et des moments de complicité.

Au fils des ans, Michel Rabagliati s’est hissé au rang d’auteur phare de la scène québécoise de la bande dessinée. Avec sa série Paul entamée en 1999, mêlant humour, autofiction et histoire contemporaine du Québec, Rabagliati a gagné un lectorat fidèle, la reconnaissance de ses pairs, et a trouvé le succès auprès du grand public.

Alors, quoi de neuf pour ce dernier opus de la série? Dans Paul à la maison, le double fictionnel de Michel Rabagliati a la cinquantaine et quelques soucis de santé. Il s’est séparé de Lucie et il vit seul dans leur bungalow à Ahunstic. Sa mère, qui vit dans une résidence pour personnes âgées autonomes, est malade. Et la fille de Paul s’apprête à partir vivre en Angleterre pendant un an.

Paul tâche tant bien que mal de s’adapter à ces bouleversements, de retrouver une forme de stabilité et d’accepter les changements qui transforment sa vie. Ça ne sonne pas fun, mais pourtant l’album regorge d’humour et de scènes hilarantes.

Paul et son voisin jardinier, dans Paul à la maison (c) Michel Rabagliati, 2019

Rabagliati est un fin observateur de la nature humaine et il sait écrire des dialogues hautement réalistes qui donnent une grande authenticité à ses récits — que l’on sait largement inspirés de sa vie, autofiction oblige. J’ai particulièrement apprécié que, dans ce nouvel opus, l’auteur dévoile un peu plus les coulisses de son métier d’auteur de bandes dessinées.

Ainsi, Michel Rabagliati nous amène avec Paul en dédicace au Salon du livre de Montréal. Dans un moment fort cocasse, il nous entraîne dans une polyvalente où Paul doit faire une présentation devant un parterre de jeunes totalement indifférents à son art.

Et le bédéiste nous fait découvrir le sous-sol dans lequel Paul dessine ses planches et réfléchit à son album en cours. Dans une belle mise en abîme, Paul travaille alors sur un album racontant sa jeunesse dans le mouvement scout, en pleine crise d’octobre et des rafles opérées au sein du FLQ. On reconnaît tout de suite la trame de Paul au parc (2011), mon album préféré de la série.

Dans la série Paul, Rabagliati superpose la petite et la grande histoire, et invite ses lecteurs et lectrices à plonger dans l’histoire du Québec depuis le début des années 1960. Mais Paul à la maison se déroule surtout dans le temps présent et offre peu de retours en arrière; quelques souvenirs, liés en particulier à sa mère, ponctuent néanmoins le récit.

En lieu et place de la «grande histoire» Rabagliati nous instruit sur la typographie des panneaux de signalisation routière, sur le kit du parfait jardinier, sur les problèmes d’apnée du sommeil. C’est drôle, bien écrit, et hautement distrayant, avec de chouettes clins d’œil aux albums précédents.

La série Paul est aussi une ode à Montréal, ses rues et ses ruelles, ses devantures de magasin, son métro et ses autoroutes, l’Expo 67. Paul à la maison ne fait pas exception, mais un vent de nostalgie souffle sur la ville. Paul retourne sur les pas de son enfance pour voir la ruelle de Rosemont où il avait grandi. Mais ailleurs tout change — bien trop vite au goût de Paul, qui se sent vieillissant.

Une rue de Montréal au début des années 1970 dans Paul au Parc (c) Michel Rabagliati, 2011

Pour qui est attaché à Paul, la lecture de Paul à la maison est émouvante. On se souvient de sa rencontre avec Lucie, de l’achat de la maison à Ahunstic, des vacances en famille à la pourvoirie (par exemple dans Paul en appartement, 2004 ou Paul à la pêche, 2006). Paul n’est plus le jeune homme et l’homme encore jeune des albums précédents. Rabagliati a tourné une page dans la vie de son personnage.

Paul à la maison traite de sujets que l’on pourrait qualifier d’«adultes», avec la finesse et l’intelligence qui caractérisent l’écriture de Rabagliati. On y retrouve un peu de Paul à Québec (2009), aussi fortement ancré dans le présent et le deuil, un album qui avait rencontré un grand succès critique en gagnant le prix du public FNAC-SNCF du prestigieux festival d’Angoulême.

Paul à la maison a les qualités intrinsèques de la série: un style graphique impeccable, une richesse narrative, une authenticité et de l’humour. Mais Paul à la maison se démarque des autres albums en ce que Paul—ou son auteur—s’y livre sans complaisance. La nostalgie qui berçait les histoires tirées de son enfance et de sa jeunesse n’est peut-être plus là, mais en explorant les différentes facettes du deuil avec humour et délicatesse, Rabagliati livre un album touchant, une belle addition à ses ouvrages précédents.

Michel Rabagliati, Paul à la maison, Les Éditions de la Pastèque, novembre 2019, 208 pages. 31,95 $.

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