«Warfare» de Ray Mendoza et Alex Garland: une expérience sensorielle vide de substance – Bible urbaine

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«Warfare» de Ray Mendoza et Alex Garland: une expérience sensorielle vide de substance

«Warfare» de Ray Mendoza et Alex Garland: une expérience sensorielle vide de substance

Beaucoup d'émotions fortes pour ne rien dire

Publié le 14 avril 2025 par Maxance Vincent

Crédit photo : Gracieuseté A24

Exactement un an après la sortie de «Civil War», le cinéaste britannique Alex Garland nous offre sa deuxième partie d’une série non officielle portant sur la guerre avec «Warfare». Alors que son film précédent traitait d’une guerre civile fictive dans une Amérique dirigée par un président despote à son troisième mandat, la nouvelle œuvre du réalisateur est basée sur les expériences réelles qu’a vécues le soldat Ray Mendoza durant la guerre en Irak. D’ailleurs, Mendoza a coréalisé le film avec Garland, de même que la scénarisation de ce drame de guerre se déroulant lors d'une mission tournant au cauchemar en 2006.

C’est l’acteur canadien D’Pharaoh Woon-A-Tai qui interprète Mendoza, l’un des deux personnages réels du récit, avec Elliot Miller, joué par Cosmo Jarvis. Le reste de la très solide distribution d’acteurs connus, soit Will Poulter, Michael Gandolfini, Noah Centineo, Kit Connor, Joseph Quinn et Charles Melton, joue des personnages fictifs inspirés de figures ne voulant pas révéler leur réelle identité au public.

Cela explique pourquoi tous les visages des soldats réels, aux côtés de leurs acteurs, à l’exception de Mendoza et de Miller, sont floutés lors du générique de fin montrant des images d’archives de la guerre et des personnes qui y ont participé.

Photo: Gracieuseté A24

Warfare n’a pas de «récit propre» sur une structure en trois actes. Il est plutôt appuyé sur les mémoires qu’a Mendoza de la guerre, à un moment précis, celui de la première bataille de Ramadi en 2006.

À l’exception de la première scène, qui contextualise le sentiment de fraternité des soldats, qui dansent collectivement sur le vidéoclip de «Call on Me» d’Eric Prydz, la durée de la «mémoire» se déroule en temps réel, à commencer par l’invasion d’une maison d’une famille iraqienne, qui servira de base pour une mission dont les détails n’y sont pas expliqués et importent peu dans le contexte du film.

Un exercice technique assez réussi

Le développement des personnages est volontairement inexistant, car Mendoza et Garland tiennent à ce que public fasse l’expérience sensorielle des horreurs de la guerre de la manière la plus directe possible.

À ce niveau, Warfare est très bien réussi et vaut le supplément d’une expérience IMAX. La bande-son, en particulier, est immersive dans sa manière de créer un paysage sonore enveloppant dès le départ, avec de légers bruits ambiants de l’environnement dans lequel les soldats se retrouvent, pour ensuite nous choquer violemment lorsque les protagonistes se font attaquer et que tout vire au cauchemar…

Les explosions sont fortes et percutantes, les cris agonisants des blessés qui surviennent sans arrêt nous hantent, alors que la cacophonie des communications par téléphone satellite désoriente les personnages. Quand la mission tourne mal, les soldats se retrouvent comme s’ils étaient prisonniers d’un enfer visuel et sonore. Plus rien n’est perceptible ni visible.

Garland et Mendoza rajoutent même un niveau subjectif dans leur conception sonore, nous plongeant dans la perspective de plusieurs des figures du film, qui ont de la difficulté à entendre clairement ce qui se passe après qu’une lourde détonation ait bouché leurs oreilles.

Le duo de réalisateurs va souvent noyer plusieurs bruits pour nous focaliser sur un élément particulier de la scène, afin de nous mettre dans la peau des soldats, pour ensuite revenir à un environnement plus objectif, mais toujours aussi terrifiant.

Photo: Gracieuseté A24

Le travail de la caméra IMAX du directeur photo David J. Thompson est aussi très important dans la création de cette expérience sensorielle – l’action est toujours filmée selon la perspective des soldats. Nous observons la guerre à travers eux, ce qui rend les ennemis complètement invisibles au point où ils ne sont observés que de loin. Et lorsqu’il y a une fusillade, la caméra de Thompson filme toujours le soldat et non personne d’autre. Cela rend les scènes d’action beaucoup plus angoissantes, puisque les figures antagonistes invisibles avancent et sont beaucoup plus à proximité des protagonistes que ce que l’on croit.

Les scènes d’action sont également très violentes. Par moments, la violence est si insoutenable que plusieurs spectateurs lors de la projection ont quitté la salle pour ne jamais revenir. Ce n’est pas un film qui romantise la guerre ou qui vient traiter ses protagonistes comme s’ils sont des symboles de l’héroïsme que devrait représenter le patriotisme américain.

Il n’y a aucun gagnant ou héros dans la guerre, et ceux qui sont les plus affectés par ce carnage insensé sont rapidement ignorés, voire oubliés.

Une position apolitique incurieuse et vide d’intérêt

À travers ces images dérangeantes, Warfare devrait en quelque sorte contenir une trame politique sur les dangers de la guerre et les cicatrices morales, physiques et psychologiques qu’elles laissent à plusieurs niveaux. Après tout, pourquoi faire un film sur la guerre si ce n’est pas pour discuter de l’horreur que ces conflits engendrent?

Malheureusement, et à l’instar de Civil War, Alex Garland refuse d’avoir un avis ou de simplement dire quelque chose sur le réalisme éprouvant de la situation qu’il montre à l’écran. Le réalisateur, lors d’interviews futures, va probablement user d’un argumentaire similaire pour justifier sa neutralité, comme il l’a fait pour Civil War, à savoir vouloir traiter la guerre en Irak de façon apolitique afin de faire une démonstration de la force et de la résilience dont les soldats américains ont fait preuve lorsqu’ils étaient au service de leur pays. Mais vouloir être «apolitique» en présentant le conflit avec un point de vue spécifique est complètement contradictoire.

Lorsqu’on pointe la caméra sur les Américains et qu’on montre uniquement leur subjectivité, un geste politique se crée automatiquement, que Garland le veuille ou non.

Photo: Gracieuseté A24

Le contexte de la guerre, principalement justifié par la diffusion de fausses informations sur les «armes de destruction massive» que l’Irak aurait possédées, lesquelles ont été disséminées par le président George W. Bush et son secrétaire d’État Colin Powell, est très important pour assimiler ce qui se passe exactement dans le film, puisque nous avons que très peu de détails sur la mission qu’ont entrepris les soldats, ainsi que sur leurs objectifs.

Cependant, tout cela est complètement ignoré. On ne fait que présenter un moment en temps réel d’un point de vue subjectif, mais sans vouloir s’engager plus avant et aborder des thèmes sur la signifiance d’un conflit qui a été de plus en plus critiqué et décrit comme étant injustifié et catastrophique après sa fin.

D’ailleurs, ignorer ce contexte, même s’il n’est pas nécessairement important pour la partie du film que Garland et Mendoza veulent raconter, est aussi un geste politique et vient volontairement omettre des informations importantes au public pour qu’un point de vue plus neutre soit créé.

Ce refus catégorique de vouloir aller plus loin que simplement montrer une succession d’horreurs rend le film rapidement répétitif et dénué d’intérêt. Étant donné que, malgré une distribution incroyable, nous n’avons pas sous les yeux des personnages développés ni d’arcs narratifs, quelque chose devrait naturellement être transmis par les images, surtout lorsqu’elles sont choquantes.

Choquer juste pour choquer, ça n’a aucun effet sur un spectateur. Choquer en voulant transmettre un message à travers ses images pour faire réfléchir, comme l’a fait Elem Klimov avec Come and See, vient défier les spectateurs sur leurs propres conceptions de la guerre et du monde.

Dans Warfare, lorsque les cinéastes montrent une famille iraqienne sortant de la chambre de leur maison pour observer les dégâts qu’ont laissés les soldats après avoir quitté leur base temporaire – des murs détruits, du sang sur le plancher, des trous de balle sur la porte – se demandant quand ce cauchemar perpétuel va finir, il y aurait eu quelque chose à explorer dans ce plan qui aurait pu être puissant si le cinéaste avait souhaité interroger les images qu’il a filmées.

Montrer deux chars d’assaut qui déciment un village entier, ou encore un jet qui fait un show of force, en créant davantage de décombres, pour ne pas vouloir poser des questions pertinentes sur le point de ces guerres interminables, ou mieux encore, se demander «qu’est-ce que nous sommes en train de faire?», se résume à un manque flagrant de courage moral de la part d’un cinéaste qui ne désire pas aliéner quiconque.

Tout bon film politique doit, cependant, aliéner une partie de son public, ou du moins défier leurs conceptions politiques, pour que ces derniers puissent vouloir dialoguer avec l’œuvre. C’est d’ailleurs pour cela que The Battle of Algiers de Gillo Pontecorvo continue de susciter d’aussi vives discussions, même soixante ans après sa sortie.

Si Alex Garland veut être «apolitique» dans sa façon de faire des films traitant de guerres fictives ou réelles, il doit expliquer pourquoi il est nécessaire de traiter ces événements de cette façon et accepter qu’une position plus neutre est éminemment politique.

En ne voulant rien dire, tout ce qui est accompli dans Warfare est un exercice technique impeccablement conçu, «plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien».

Le film de guerre «Warfare» en images

Par Gracieuseté A24

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