Le film «Chorus» de François Delisle, présenté en clôture des Rendez-vous du cinéma québécois – Bible urbaine

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Le film «Chorus» de François Delisle, présenté en clôture des Rendez-vous du cinéma québécois

Le film «Chorus» de François Delisle, présenté en clôture des Rendez-vous du cinéma québécois

Survivre en noir et blanc

Publié le 5 mars 2015 par Camille Masbourian

Crédit photo : Annouk Lessard

Irène et Christophe ont déjà été un couple. Un couple qui s’est séparé puis perdu de vue après la disparition d’Hugo, leur fils de huit ans, survenue dix ans plus tôt. Quand des ossements pouvant appartenir à Hugo sont découverts, Irène et Christophe sont forcés de se retrouver, mais aussi de vivre ensemble un deuil qu’ils avaient chacun essayé de fuir – Christophe vers le Mexique, Irène dans la musique. Après tant d’années, est-il encore possible de se retrouver, ou la vie les a-t-elle trop éloignés l’un de l’autre?

Pour François Delisle (Deux fois une femme, Le météore), vivre c’est apprendre à perdre. Tout le monde perd quelqu’un un jour ou l’autre, et si chacun réagit de façon différente, certains refusent de passer à autre chose, s’accrochant à un objet ou à un message téléphonique de la personne disparue, par exemple. L’idée derrière Chorus était vraiment de voir s’il était possible pour un couple brisé et blessé de se ressouder à partir du deuil de leur enfant. L’idée est intéressante, puisque c’est généralement le contraire qui est exploité, soit l’explosion d’un couple après la mort d’un enfant.

On voit bien que même après tout ce temps, Christophe et Irène partagent encore cette immense douleur, qu’ils n’arrivent pas à surmonter, malgré le soutien de leur famille, malgré leur évasion respective. La douleur est encore vive, puisque jamais la blessure n’a été soignée ni chez Christophe, ni chez Irène, et personne ne peut la comprendre mieux qu’eux. Ils sont seuls au monde, incompris, chacun de leur côté. Les retrouvailles, plutôt froides et douloureuses au début finissent par s’adoucir, chacun pouvant, au contact de l’autre, commencer à faire un deuil qui n’avait jamais été fait. Ils se sont quittés dix ans plus tôt, ne sachant pas comment se parler et se consoler l’un l’autre, mais leurs retrouvailles leur font réaliser, avec un certain recul, que leur plus grande erreur a peut-être été d’essayer de vivre leur deuil chacun de leur côté. L’amour existe encore entre eux, mais est-il toujours trop douloureux? Une fin heureuse est-elle vraiment possible pour des parents qui ont perdu un enfant?

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Malgré un propos plutôt lourd et difficile, François Delisle est parvenu à faire un film à la fois lumineux et bouleversant, au bout duquel on parvient malgré tout à percevoir un possible début d’espoir. Tourné très sobrement, en noir et blanc, soutenu par la musique religieuse si chère à Irène, Chorus peut aussi compter sur deux acteurs extraordinaires, Fanny Mallette en Irène, et Sébastien Ricard en Christophe. Qui d’autres que ces deux acteurs au jeu plutôt introverti, qui en disent généralement plus dans leurs silences que dans leurs mots, auraient pu interpréter ce couple disloqué? Mention extraordinaire à la scène bouleversante où Christophe hurle en sortant de la salle de visionnement où l’assassin de leur fils livrait ses confessions sur vidéo. À leurs côtés, Pierre Curzi (le père de Christophe) et Geneviève Bujold (la mère d’Irène) livrent également des prestations justes.

Rien ne dépasse dans ce film à la fois doux et violent. Tout est parfaitement à sa place, et bien que ce ne soit pas un film particulièrement agréable à regarder, une fois qu’on y plonge, on se laisse porter et on en ressort bouleversé, mais aussi porté par cet espoir naissant à la fin du film.

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