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Crédit photo : Les Films du 3 Mars et Concerto Films
Faire rayonner la diversité à travers son art
Portée par la bienveillance et l’ouverture à l’autre, Catherine Legault valorise la diversité à travers ses œuvres. En 2016, elle a créé la compagnie Concerto Films afin de produire son premier long métrage intitulé Sœurs: rêve et variations. Ayant remporté cinq prix aux IndieFEST Film Awards et un prix IRIS au Gala Québec Cinéma, ce documentaire lui a permis de lancer sa carrière de cinéaste.
Lors de ce projet, elle collaborait avec un cercle d’artistes, dont Laurence Philomène, avec qui elle a gardé contact sur les réseaux sociaux par la suite. En découvrant les autoportraits puissants qu’iel publiait au tout début de sa transition, Catherine a instantanément eu envie de raconter son histoire.
En compagnie de sa productrice Isabelle Phaneuf-Cyr, elles se sont entourées de collaborateur-trices de la communauté LGBTQ+, dont Rémy Huberdeau à la production, Scout the Wise et Eric Shaw à la musique, ainsi que Nina Drew, tant aux illustrations de l’animation que devant l’écran.
Puberty: revivre ces bouleversements une seconde fois
Photographe portraitiste, Laurence Philomène ne s’identifie pas aux représentations des personnes trans et non binaires dans les magazines. Iel souhaitait donc documenter son propre récit en toute vulnérabilité afin d’ouvrir les horizons. Ainsi, sa série d’autoportraits expose son quotidien du réveil aux injections de testostérone, en passant par des moments passés en compagnie de Nina Drew avec qui iel partage sa vie. Par souci d’authenticité et de solidarité, l’artiste a publié des autoportraits nus afin d’exposer l’évolution de sa transition.
Plutôt que de présenter les côtés sombres d’une transition, Laurence a choisi de partager son histoire de façon colorée et tout à fait lumineuse, en guise d’espoir.
Afin de bien représenter la réalité de l’artiste, Catherine s’est immiscée dans son intimité à de nombreuses reprises en tant que spectatrice. Parfois, c’était dans son quotidien, parfois en compagnie d’amis, de sa famille, en plus des séances photo.
«Laurence a été très généreux∙se de sa personne dès le départ. C’est quelqu’un qui a envie de créer des ponts et d’ouvrir un dialogue, de partager. Il y a une authenticité aussi qui était assez facile, parce qu’iel est habitué-e d’être devant la caméra», nous a confié la cinéaste. «C’est quelqu’un de très articulé aussi, qui arrive à verbaliser des réalités et des concepts, ce qui n’est pas donné à tout le monde.»
Comme on le voit dans le film, Laurence Philomène s’entoure de membres de la communauté non binaire et aspire à leur émancipation autant qu’à la sienne.
«C’est quelqu’un de très impliqué dans sa communauté, à sa façon, à donner de la visibilité, entre autres aux personnes d’identités de genre non conformes. Une fois, iel m’a dit: “Quand on est une personne trans, on est activiste par défaut, parce qu’on doit défendre sa personne au jour le jour ».»

Laurence Philomène. Image tirée du film «LARRY (iel)» de Catherine Legault
Comprendre nos différences en vivant les mêmes émotions
Lors des tournages, la cinéaste a rencontré, par hasard, Mireille, la mère de Laurence, et elle lui a tendu la main pour discuter de sa perspective, à savoir comment elle vivait la transition de sa fille. Un peu plus tard, les deux parents de Laurence ont accepté d’offrir leurs témoignages.
«Je trouvais que c’était essentiel au film pour ouvrir sur la question. C’est sûr que quand quelqu’un choisit de faire une transition, c’est une décision personnelle, mais ça peut avoir un impact sur son entourage», a expliqué Catherine Legault. «Puis, ce n’est pas toutes les personnes trans qui sont accompagnées et supportées, qui ont l’amour de leur famille. Il y en a beaucoup qui sont exclus. Donc, je trouvais ça important de montrer que, malgré qu’il y ait des tensions et des difficultés, Laurence a quand même un cercle familial présent.»
En juin 2022, iel s’est rendu à New York, en compagnie de Nina, afin d’exposer ses photographies lors d’un vernissage. Au même moment avait lieu le mouvement pro-vie. Les militant-es passaient sur la même rue pour défendre l’autonomie du corps, qui est d’ailleurs la thématique du film.
«Ce n’était que le début d’un mouvement plus grand! Souvent, c’est une scène dont les personnes cisgenres me parlent. Elles disent: “J’ai compris à ce moment-là les revendications des personnes trans”, parce qu’elles pouvaient faire une corrélation avec quelque chose qu’elles connaissaient un peu mieux», a soulevé la réalisatrice.
«Laurence dit souvent qu’iel préfère connecter les gens par ce qui leur ressemble et ce qui les rejoint plutôt que par leurs différences.»

Laurence Philomène. Image tirée du film «LARRY (iel)» de Catherine Legault
Ouvrir ses horizons avec empathie
«J’espère que le film va parler à un public large, autant à des gens qui aiment des histoires humaines, des histoires artistiques, qu’à des gens de la communauté LGBTQ+. Puis, qu’il va, en quelque sorte, devenir un objet de résistance sociale et culturelle. Je souhaite que, peut-être, il puisse faire une différence en humanisant les réalités des personnes trans», a confié la réalisatrice sur ses intentions.
Comme elle nous l’a mentionné, l’un des défis de la non-binarité au Québec est son intégration à travers la langue, bien que le pronom «iel» ait été ajouté au dictionnaire Le Robert depuis 2021. «Il y a quelque chose de viscéral dans notre culture. La langue genrée fait partie du français. Il y a une atteinte qui vient ébranler beaucoup de francophones et qui soulève des questionnements», a-t-elle ajouté.
Plusieurs défis demeurent, mais c’est par l’ouverture et par l’empathie que les choses peuvent évoluer.
«Mireille a dit que le film et tout le processus du tournage l’ont aidée dans sa relation et dans sa compréhension de la transition hormonale de Laurence. Pour moi, un impact à ce niveau qui affecte les sujets mêmes du film, c’est le plus beau des cadeaux», a conclu Catherine Legault avec gratitude, en souhaitant que cette bienveillance se transmette à travers son film.
Le film Larry (iel) sera présenté en primeur au Ciné-campus de l’Université de Montréal le 1er avril en présence de Catherine Legault et de Laurence Philomène. La Première en salle aura lieu à la Cinémathèque québécoise le 4 avril en leur présence. Puis, plusieurs ciné-rencontres en compagnie des artistes sont prévues, notamment le 5 avril au Cinéma Moderne, le 6 avril à la Cinémathèque québécoise et le 12 avril au Cinéma Public à Montréal, le 10 avril au Cinéma Beaumont à Québec, et le 13 avril au Cinéma Princess à Cowansville. De plus, il fera partie de la programmation du Festival cinéma du monde de Sherbrooke le 11 avril.