En lice pour l'Oscar du meilleur film étranger, «Leviathan» d’Andrey Zvyagintsev – Bible urbaine

CinémaCritiques de films

En lice pour l’Oscar du meilleur film étranger, «Leviathan» d’Andrey Zvyagintsev

En lice pour l’Oscar du meilleur film étranger, «Leviathan» d’Andrey Zvyagintsev

Ode à une froide et cruelle Russie

Publié le 10 février 2015 par Alyssia Duval

Crédit photo : Métropole Films

Ayant remporté le Prix du scénario au dernier Festival de Cannes, puis le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère, «Leviathan» représentera la Russie dans cette même catégorie lors de la 87ème cérémonie des Oscars, le 22 février prochain. Mais nul n’est prophète en son pays, et ce superbe long-métrage d’Andrey Zvyagintsev n’a certainement pas fait l’unanimité au sein de la Mère patrie, où le gouvernement de Vladimir Putin l’a censuré pour cause d’antipatriotisme.

Dans un village ouvrier bordé par la dure et houleuse mer de Barents, Kolya (Aleksei Serebryakov) vit avec sa femme, Lilya (Elena Lyadova), et son fils unique, Roma, issu d’un précédent mariage. Injustement menacé d’expropriation par le maire (Roman Vadyanov), qui prétend requérir sa propriété afin d’y ériger un centre de télécommunications, Kolya fait appel à son vieil ami de l’armée, Dmitri (Vladimir Vdovichenkov), devenu un redoutable avocat. Dressant un portrait de la triste réalité des opprimés sous la forme de cette lutte grotesque entre un simple quidam et une autorité corrompue et toute-puissante, Leviathan est à la fois une réflexion troublante sur la nature humaine et une amère critique sociopolitique.

Critique-film-movie-review-Leviathan-Andrey-Zvyagintsev-2014-Bible-urbaine

Bien qu’il soit facile de se questionner sur certains clichés comme la consommation extravagante de vodka par ses personnages, qui semblent s’y noyer sans relâche, Leviathan est une œuvre suffisamment porteuse et ambitieuse pour que l’on ne s’attarde pas à ce genre de sujet. Le titre du film, faisant référence à une créature légendaire créée par Satan pour semer le chaos sur Terre, est particulièrement révélateur. D’ailleurs, Zvyagintsev ne se cache pas de ce grand symbolisme biblique et l’utilise avec éloquence et lucidité, citant le Livre de Job à quelques reprises dans son scénario. À défaut d’une créature mythique, il y décrit la monstruosité universelle des hommes et de leurs institutions. D’un pessimiste extrême, il n’en demeure pas moins que ce film fascine par la beauté de ses tableaux, de ses ambiances et de la subtile trame sonore de Philip Glass.

Aussi sévère et glacial que l’environnement qu’il dépeint, Leviathan s’attaque peut-être au conservatisme russe, mais aussi (et surtout) à l’hypocrisie des systèmes bureaucratiques modernes. Une œuvre crève-cœur qui mérite amplement sa place parmi les plus marquantes de l’année.

L'avis


de la rédaction

Vos commentaires

Revenir au début