CinémaEntrevues
Crédit photo : Tous droits réservés @ Les Films du 3 Mars
Laisser libre cours à ses idées, les petites comme les grandes
Dans les dernières années, le Québec a pu voir de nombreuses séries télé et films sous l’objectif de Jérôme Sabourin, incluant des succès comme Minuit le soir, Les pays d’en haut et King Dave.
En parallèle de tous ces projets comme directeur de la photographie, il a travaillé durant neuf ans et neuf mois à réaliser le film documentaire Au boute du rien pantoute. Cette belle idée de créer un film sur Marcel Sabourin venait à la base d’Angélique Richer, aux Productions Mustang, qui a d’ailleurs participé à l’écriture du scénario.
Depuis les années 1960, l’acteur, improvisateur, scénariste, enseignant et parolier Marcel Sabourin prend le temps d’enregistrer ses pensées et fabulations sur un magnétophone. Et ce, chaque matin. Ces confessions l’amènent à réfléchir sur la vie et sur l’univers, ou tout simplement à rêver éveillé! Elles lui permettent de divaguer en toute liberté, pour le plaisir, et ainsi de conserver certaines idées pour des projets artistiques.
Son fils, Jérôme, a repris cette idée pour son film et, ainsi, il remplace le magnétophone par une caméra qui ouvre une porte directe sur l’imaginaire de l’artiste.
«Ce n’est pas un film que je fais sur mon père. C’est un film qui s’inspire de l’imaginaire de Marcel Sabourin, mais pas en tant que père; en tant qu’acteur, idéateur, improvisateur, hypnotiseur de foules, de salles et de sujets, et de n’importe quoi et de rien du tout, pour ne pas paraphraser le titre du film», a expliqué le cinéaste.
Plutôt que de livrer une biographie ou un reportage, le cinéaste pose un regard fasciné sur la vie d’artiste et sur la perception toute singulière du monde de Marcel Sabourin, en tant qu’individu.
N’ayant jamais vraiment su que le film porterait sur ce qui se passe dans sa tête, Marcel Sabourin a donné ce qu’il avait de plus authentique à la caméra. «Ç’a toujours été quelqu’un d’extrêmement volontaire. Mon père dit toujours oui à tout, surtout à des gens en qui il a confiance», m’a avoué Jérôme.
Comprendre que tout et rien… c’est pareil
Il va sans dire que le titre du film pique la curiosité! Pas du tout choisi au hasard, ce dernier illustre l’essence même de tout le projet.
L’appellation «rien pantoute» fait écho à la période où Marcel Sabourin enseignait l’improvisation et où il prônait la québécitude dans la langue française et dans les arts. Ce dernier s’est longtemps battu pour que le joual soit appliqué dans les cours de théâtre afin que le Québec soit représenté tel qu’il est dans notre culture.
Dans cet élan très inspirant pour la relève, il a donné des cours de «rien pantoute». Eh oui, vous avez bien lu!
«C’est assez original de donner des cours et de recevoir de l’argent du ministère de l’Éducation pour ‘’rien pantoute’’. […] Au boute, est-ce qu’il n’y a vraiment rien pantoute? On ne sait pas, mais en tout cas, à partir de rien, on peut faire quelque chose! Dans cet aspect-là, l’improvisation nous fait comprendre que l’imaginaire est suffisant pour intéresser les gens», a mis en lumière le réalisateur.
Des rencontres importantes ont marqué le chemin professionnel de Marcel Sabourin et ont fait naître de grandes amitiés, notamment avec Robert Charlebois, Denys Arcand, Fernand Dansereau, Jean-Pierre Lefebvre et Michel Rivard, qui témoignent chacun de leurs collaborations avec l’artiste au fil des scènes.
C’est d’ailleurs Robert Charlebois qui réussit à mettre un terme sur cet imaginaire attachant qu’est celui de Marcel Sabourin: une «conscience cosmique»!
Cette conscience cosmique, donc, relève de sa fascination pour tout ce qui l’entoure; de l’existence des fourmis aux milliards de galaxies se déplaçant au-dessus de nous. En dépit de la société qui nous place constamment en situation d’empressement, Marcel Sabourin prend le temps de vivre le moment présent et de porter attention aux détails, comme avec ses jumelles sur un banc de parc.
Une question essentielle se faufile au travers des scènes à la fois comiques et tragiques: «‘’Est-ce que ça vaut la peine de créer un monde dans son imaginaire?’’ C’est un peu ça le boute du rien pantoute, parce qu’il n’y a rien. L’univers est vide, la distance entre les atomes est immense, on n’est rien, nous. On est juste de l’énergie et, dans cette énergie-là, il y a l’imagination. […] C’est probablement rien. Et si ça fait quelque chose au bout, est-ce intéressant pour autant? Je pense que oui, très!», a affirmé le cinéaste avec conviction.
Faire rayonner le positif parce que c’est tout ce qui compte
Du point de vue de l’acteur de renom, nos soucis du quotidien ne sont que des grains de sable dans le cosmos. Alors, pourquoi ne pas vivre l’instant présent et avoir du fun malgré les tragédies sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle? Les gens choisissent souvent, consciemment ou non, de vivre dans le malheur, mais tout est une question de perception.
D’ailleurs, le réalisateur rappelle que le mot fun, en anglais, désigne quelque chose entre le plaisir et l’amusement, mais qu’il n’y a pas réellement de terme français qui le traduit avec exactitude.
Jérôme Sabourin nous a confié que le message du film, c’est qu’il n’y en a pas, justement. «Le boute du ‘’rien pantoute”, c’est quand le fun est disparu. L’imaginaire prend fin en même temps que le film s’arrête.»
Projeté en clôture de la 42e édition des Rendez-vous Québec Cinéma, Au boute du rien pantoute a déjà reçu un chaleureux accueil. «Que les gens puissent sourire et rire comme si la vie était légère en sortant d’un film qui parle beaucoup de la mort, moi, c’est quelque chose qui m’a touché», s’est réjoui le cinéaste.
Alors, réservez vos places pour ce moment magique qui vous fera sourire à votre tour… et bien plus encore!