Le virage nécessaire: «Caiti Blues» de Justine Harbonnier à l’affiche au Québec dès le 1er décembre 2023 – Bible urbaine

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Le virage nécessaire: «Caiti Blues» de Justine Harbonnier à l’affiche au Québec dès le 1er décembre 2023

Le virage nécessaire: «Caiti Blues» de Justine Harbonnier à l’affiche au Québec dès le 1er décembre 2023

Une quête identitaire qui remet tout en question

Publié le 22 novembre 2023 par Jessica Samario

Crédit photo : Crédit photo : Tous droits réservés @ Les Films du 3 Mars

Le 1er décembre, Sister Productions (France) et Cinquième Maison (Québec) présenteront le premier long métrage de la réalisatrice nantaise Justine Harbonnier, intitulé «Caiti Blues». Ce documentaire met en lumière les remises en question et le parcours vécus par la jeune chanteuse américaine Caiti Lord. Jusqu'à présent fort bien reçu dans les festivals à l'international, ce film a été sélectionné à Visions du Réel, Hot Docs et ACID Cannes. Pour souligner sa sortie imminente, on a eu la chance de discuter avec la talentueuse cinéaste.

Un heureux hasard… qui devient un projet!

Originaire de la France, Justine Harbonnier a terminé sa maîtrise en littérature comparée à l’Université du Québec à Montréal. C’est d’ailleurs à cette époque qu’elle a eu un coup de cœur pour le cinéma documentaire, en se proposant comme bénévole pour les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM).

Cette envie de se retrouver sur le terrain au cœur de l’action l’a menée à réaliser ses propres films.

En 2013, elle tournait en Floride son court métrage nommé Il y a un ciel magnifique et tu filmes Angèle Bertrand. Ce film dresse le portrait d’une jeune femme ayant comme projet d’explorer les routes des États-Unis en solo. C’est lors de ce tournage que la réalisatrice a fait la rencontre inattendue de Caiti Lord.

«Caiti se trouvait là sur une ferme où travaillait Angèle. La beauté avec le documentaire, c’est que je voulais faire le portrait d’une seule femme, et finalement j’ai filmé Caiti aussi, parce qu’elle m’a beaucoup touchée. Je trouvais qu’elle dégageait une certaine force et une fragilité, puis, bien sûr, je l’ai entendue chanter et j’ai été complètement emportée par cette rencontre», a commencé Justine.

Trois ans plus tard, au moment où Caiti quitte New York pour s’installer au Nouveau-Mexique, Justine part la rejoindre avec l’idée de raconter son histoire, récit qui prendra la forme d’un long métrage documentaire émouvant intitulé Caiti Blues.

Toute petite, Caiti Lord chantait à Broadway et aspirait à devenir une grande chanteuse. À l’aube de sa trentaine, elle s’exile à Madrid, au Nouveau-Mexique, tandis que le climat politique s’assombrit et que les défis encombrent sa route. Loin de ses rêves d’enfant, elle travaille comme serveuse dans un bar pour touristes et anime son émission de radio The Ear Candy Hour pour gagner sa vie et rembourser ses dettes.

Caiti Blues

Photo tirée du film «Caiti Blues» @ Les Films du 3 Mars

En pleine crise existentielle, la jeune femme ressent un sentiment d’asphyxie grandir en elle et tente, tant bien que mal, de retrouver sa voie. Alors, Caiti se remet à chanter!

Une porte ouverte sur la vulnérabilité

Une fois sur place, la cinéaste entre dans le quotidien de Caiti Lord et dort à même son canapé. Une proximité s’installe rapidement entre elles et naît alors le rapport de «filmeuse/filmée», pour reprendre ses mots. Particulièrement interpelée par les blues de sa nouvelle amie, Justine reconnaît ce besoin d’émancipation qui faisait écho chez elle à cette période.

«J’avais l’impression que de la filmer, elle, ça pouvait dire quelque chose sur moi, mais peut-être aussi sur d’autres femmes ou d’autres personnes d’une certaine génération et d’une certaine époque. C’est vraiment ça qui m’intéressait et qui me donnait envie de la filmer dans tout ce qu’elle traversait. […] Elle a fait preuve d’énormément de générosité en acceptant d’être mon personnage documentaire, en m’accueillant dans son quotidien et en me faisant confiance pour l’accompagner dans son intimité», a-t-elle raconté.

Travaillant seule lors de son premier voyage, Justine revient ensuite à Madrid aux côtés de Léna Mill-Reuillard, cheffe opératrice, et de Catherine Van Der Donckt, preneuse de son, deux artistes qui ont beaucoup apporté au film, selon elle.

L’ambiance est demeurée intime avec une petite équipe tissée serrée.

Caiti Blues

Photo tirée du film «Caiti Blues» @ Les Films du 3 Mars

Le tournage de Caiti Blues s’est déroulé de l’élection de Donald Trump à celle de Joe Biden, afin de conserver le contexte politique comme trame de fond. En dépit de cette atmosphère inquiétante, l’équipe a rencontré quelques défis lors de son passage à Madrid.

«La principale difficulté a été que Madrid, au Nouveau-Mexique, c’est une assez petite communauté dans un village, et les gens tenaient à leur anonymat. S’ils∙elles sont là, ce n’est pas pour rien. Ils∙elles n’ont pas envie de se faire déranger», a expliqué la réalisatrice.

Elles ont donc dû bâtir un climat de confiance avec la communauté, tout en demeurant transparentes sur leurs intentions et en dévoilant leur projet sur Caiti, dans le but avoué d’obtenir l’accord de chacun∙e pour toute image.

Le projet a finalement été accueilli avec enthousiasme, puisque Caiti Lord était très appréciée au village. Justine a d’ailleurs été témoin d’une belle chimie entre eux∙elles tout au long du tournage.

«Le moment du film où elle se produit en spectacle, ça montre l’esprit festif de la ville. C’est très créatif, il y a beaucoup d’artistes qui vivent à Madrid et qui sont un peu en décalage avec la société, mais qui ont vraiment ce désir de création que je trouve très beau», a-t-elle ajouté.

Un sentiment brûlant d’être à sa place

Au premier abord, ce long métrage documentaire raconte le parcours musical d’une jeune femme et il fait découvrir au public les compositions rythmées de cette dernière. En réalité, il s’adresse non seulement aux mélomanes, mais également à tous ceux et celles qui vivent une sérieuse remise en question… un coup de blues!

Photo tirée du film «Caiti Blues» @ Les Films du 3 Mars

«J’aurais envie de dire que Caiti Blues s’adresse à tout le monde, mais j’avoue que quand j’écrivais le film, je pensais beaucoup à mes ami∙es. Ce que je voyais dans le quotidien de Caiti, je le voyais aussi dans celui des jeunes adultes qui, dans une certaine précarité ou une sensation de mélancolie ou de spleen, se cherchent. À ceux et celles qui arrivent un peu à cette étape de la vie où on se rend compte que les rêves qu’on avait plus jeune ne vont pas se réaliser. […] J’espère que ça pourra toucher des plus jeunes aussi. De manière plus globale, ça aborde les questions de la créativité, de la quête de l’identité puis, finalement, de l’idée de se questionner sur le futur, tout simplement», a précisé la cinéaste.

Elle cite comme exemple la génération actuelle d’adultes qui occupent plusieurs emplois au cours de leur carrière pour se renouveler, comparativement au temps où les gens gardaient le même emploi toute leur vie. On pourrait donc dire que les remises en question évoluent, en quelque sorte, avec les changements sociétaux.

Pour terminer, Justine souhaiterait qu’après le visionnement de Caiti Blues, le public réfléchisse à sa propre place dans la société et à celle des autres.

«Pour moi, l’une des questions importantes est celle de la norme! Comment peut-on s’inscrire dans la société quand on a cette sensation de ne pas “fiter”? […] Ça va aussi dans la trajectoire d’accepter sa différence. Même si Caiti ne se reconnaît pas forcément dans une représentation un peu “mainstream”, elle est bien dans cet endroit un peu décalé où les gens essaient de se réinventer en dehors des codes», a conclu Justine.

Elle se considère bien heureuse de voir son film voyager entre deux continents pour ainsi rejoindre des publics différents, qui pourront peut-être s’identifier à leur tour au personnage de Caiti!

Profitez de la présence de la cinéaste lors de l’avant-première de «Caiti Blues» qui aura lieu à la Cinémathèque québécoise le 29 novembre à 18 h 30.  La sortie officielle en salle est prévue à la Cinémathèque québécoise ainsi qu’au Cinéma Moderne le 1er décembre, également en sa présence. Par la suite, vous pourrez voir le film au Cinéma Public le 8 décembre à 20 h. Pour en savoir plus, abonnez-vous à la page Facebook et Instagram du film. Bon cinéma!

*Cet article a été produit en collaboration avec Les Films du 3 Mars.

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