SortiesDans la peau de
Crédit photo : Laura Arwen Berg
1. On connait vos propositions assez abstraites (et parfois un peu choquante pour qui n’a jamais vu de carcasses se faire arroser de condiments). Cette fois, quel genre de fil conducteur lie les oeuvres que vous nous présentez?
«Le fil conducteur s’est imposé du fait que l’on marine depuis plusieurs années dans une façon similaire de faire les choses. Pour la première fois, nous avons pris des initiatives personnelles et avons réuni, une fois en galerie, les résultats formels de ce que chacun avait envie d’explorer.»
«Dogod (ndlr: ladite oeuvre mettant en vedette une carcasse arrosée de condiments) est notre projet de longue haleine qui a finalement pris forme devant public. C’est un peu le point central de l’exposition, ce qui a réellement été façonné à quatre, le médium filmique propice au travail d’équipe.»
«Le reste, c’est plusieurs imaginaires réunis dans un contexte spécifique d’exposition. Nous n’avions pas encore exploré la sculpture, ce qui a donné un nouveau ton aux images peintes et sérigraphiées.»
2. La légende veut que vous vous soyez rencontrés en «foxant» vos cours pour aller faire de l’art numérique ensemble. Racontez-nous comment l’idée de former un collectif révolutionnaire est née.
«L’idée était de faire une bonne blague à nos collègues à l’école via une page Facebook afin de dénoncer une forme de rigidité et de tendance à se prendre très au sérieux dans la communauté universitaire en art visuel. Au départ, c’était une façon de se la jouer arrogants-modestes en s’auto-proclamant comme étant Le collectif le plus révolutionnaire au monde AU QUÉBEC, alors que nous ne nous considérions même pas comme un vrai collectif lorsqu’on a créé la page.»
«Nous n’allions pas à nos cours, ou nous y allions ensemble, ce qui revient au même, car nos esprits dans un même espace atteignaient des fréquences déambulatoires. Ces fréquences nous «émembraient», nous poussaient au prolapsus, état perpétuel du concombre de mer. Cet état était propice à la création et aux révolutions intérieures, alors nous lui avons donné de quoi se multiplier et s’étendre.»
«Disons que nous voulons être les vilains que l’on aime détester (genre Ouimzie dans «La Maison de Ouimzie», ou Séraphin sur les bords), mais bien cachés derrière la bannière Mêmes-Cacaïstes. Nous pouvons enfiler notre costume pour faire notre show et rentrer à la maison faire à déjeuner. Et Jean-Benoît on l’a trouvé dans la nature.»
3. Avez-vous l’impression que votre style a évolué, personnellement ou collectivement, depuis que vous avez formé les Mêmes?
«Lorsque la blague s’est rapidement transformée pour devenir quelque chose de (presque) sérieux, notre engagement personnel dans le projet s’est amplifié. Nous développons davantage notre corpus d’œuvres et élaborons/produisons des films qui ne sont plus une critique du monde de l’art comme ce l’était initialement.»
«Par exemple, nos idées sont hantées par l’animal, mort ou vivant. Nous le juxtaposons avec des matières ou des objets. Le poisson mort porte un flotteur et il baigne dans le Cheez-Whiz dans Concerto pour chair tendre II. Le poisson mort est aspergé de différents condiments et on l’écrase avec le pneu d’une automobile dans Dogod.»
«L’idée s’est reformulée, transformée. La grenouille vivante baigne dans une jarre de miel dans le Concerto pour chair tendre II. On transforme celle-ci par une pieuvre morte et on recueille le miel versé sur elle dans une jarre vide à l’Espace des Mêmes. Nous référençons notre propre langage pictural dont les éléments sont interchangeables avec le temps.»
«Bref, il va de soi que le travail a évolué dans la forme si on compare à nos débuts, mais on évolue surtout socialement, dans notre milieu de prédilection: la cuisine fusion!»
4. Vous êtes plusieurs, j’imagine que vous avez tous vos forces, faiblesses et intérêts personnels. Comment arrivez-vous à tout concilier pour former un tout qui «fitte» sous le nom du collectif?
«Le collectif est un pronom qui a le dos large.»
«Chacun a incorporé, qu’on le veuille ou non, son idée personnelle du collectif, entité abstraite. Il faut alors vérifier l’honnêteté de nos intentions entre nous, évaluer la nature des différends et les sacrifices à faire. C’est une chimère qui se porte garante de nos blâmes et de nos mérites. Elle concilie le conglomérat de nos défauts, de nos vices et notre envie de se salir.»
«Comme on dit, nos rires sont les carottes en avant et en arrière du poney. Ou plus simplement, on s’approuve sans trop savoir si les idées des uns horrifient ou amusent les autres.»
5. L’an dernier, vous vous étiez associés avec SOIR pour mettre sur pied l’espace éphémère de l’Espace des Mêmes. Est-ce qu’il y a d’autres idées du genre qui vous titillent l’imaginaire en ce moment?
«L’Espace des Mêmes nous a permis de vivre une belle parenthèse culturelle avec une foule de gens de la communauté artistique. Il va de soi que nous voulons poursuivre en ce sens et espérons que par notre travail créatif puisse se diffuser notre état d’esprit enthousiaste, passionné et rassembleur.»
«Cependant, pour le futur qui nous est proche, nous préférons nous concentrer sur nos pratiques plutôt que sur la mise sur pied d’un projet de l’envergure de l’Espace, celui-ci ayant siphonné beaucoup de temps et d’énergie au détriment de nos réalisations.»
«Notons malgré tout qu’un projet de moulage de pierre tombale en époxy (intitulé Pangée Arlequin) aimerait prendre forme, sous forme d’exposition exclusivement sculpturale.»
«Il y aura aussi le lancement des deux premiers EP de Kikipiss, groupe de musique de certains Cacaïstes (qui a donné la trame sonore de Dogod), dans un lieu à déterminer. Sinon, chacun s’oriente un peu à sa manière aussi. Nous pratiquons tous hors des Mêmes-Cacaïstes, ce qui est vital pour la survie du collectif.»
«Pour conclure, nous savons que, malgré nos rêves universalistes, notre travail est parfois hermétique à certaines sensibilités esthétiques. Si l’ensemble de la planète n’est pas tout de suite prêt à nous suivre dans notre trip, on songe à mettre sur pied une sorte de Poudlard secret où seront réunis des esprits parmi les plus inspirants que l’on connaisse, toutes disciplines confondues. Là-bas nous pourrons engrosser le mouvement et laisser pousser la barbe au bébé.»