«Alpha & Oméga» du Nouveau Théâtre Expérimental à l’Espace Libre

Couplée à une websérie produite par ICI ARTV, la production se déroule en 2040, alors que le pillage de ressources éhonté que subit la planète arrive à un point critique. Une équipe de scientifiques est envoyée par le gouvernement dans le Grand Nord, et s’enfonce sous la terre à bord d’un laboratoire mobile équipé de foreuses, à la recherche de l’actium, un minerai qui pourrait donner une seconde chance à la société.

Les chercheurs forment un bien étrange bataillon, duquel un soupçon de romance n’est pas exclu, et on y joue même avec les clichés du genre. Un androïde vaguement asexué (Christophe Payeur) découvre les plaisirs du toucher; une responsable de la sécurité (Jade Mariuka-Robitaille) est plus virile que tous les passagers mâles réunis; une intelligence artificielle discute avec tout le monde et supervise le bon fonctionnement de l’équipée. L’esthétique ringarde donne le ton, à mi-chemin entre Star Trek et Planet of the Vampires de Mario Bava.

Bien entendu, cette aventure scientifique se dirige tout droit vers la catastrophe, comme dans toute bonne œuvre de science-fiction. Mais quels éléments, parmi une bonne liste de menaces potentielles, détermineront le sort de l’expédition? Ça sera (un peu) au public d’en décider.

Chaque soir, en effet, la représentation est différente, car les créateurs ont eu l’originalité – quelques mois avant le studio Twentieth Century Fox au cinéma – de mettre en place un processus qui laisse participer les spectateurs, un peu comme le faisaient très habilement les Livres dont vous êtes le héros dans les années 80. Mais puisque nous vivons pratiquement avec un pied dans le futur, le tout se fait à travers un site web, où défilent des options que nous choisissons directement sur notre téléphone intelligent. C’est donc l’une des rares pièces où on vous encourage, dès le début de la représentation, à ne PAS fermer votre cellulaire.

Ce sont bien entendu, au départ, des petites choses sans conséquence – la couleur des alertes, quelle chanson les acteurs interprètent au karaoké – qui deviendront éventuellement de plus en plus importantes pour le récit. Ce processus a aussi pour effet de garder les spectateurs attentifs, et investis. Dans le cadre d’un récit spéculatif aux enjeux dramatiques aussi hypothétiques, ça n’est guère superflu.

Le ton humoristique habituel du NTE est ici bien présent, et le texte de Christian Vanasse est truffé d’ironie et de sarcasme. Il s’inscrit aussi dans un mouvement de résurgence de la spéculation futuriste, dont Espace libre est l’un des plus fiers porte-étendards, ayant récemment proposé deux pièces sur le transhumanisme dans sa programmation.

Sans être une œuvre qui nous plonge dans les méandres philosophiques de ces questions d’avenir qui nous frapperont bientôt de plein fouet, Alpha & Oméga soulève des questions valables sur notre avenir énergétique, sur notre dépendance aux technologies et sur l’égoïsme des humains, et prend le parti d’en rire, ce qui est aussi noble que nécessaire.