ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Gracieuseté de la production
«L’amok» se définit comme étant un individu atteint d’une forme de folie meurtrière, observée chez les Malais. Ici, c’est de la folie d’amour dont sera atteint le médecin européen, qui raconte son histoire à un inconnu, un soir, sur le bateau qui le ramène en Europe. Après avoir exercé la médecine en Malaisie pendant cinq ans, il doit revenir de façon précipitée. Et c’est le récit poignant de cette histoire d’amour, de loyauté, de lutte de pouvoir et de remises en question face à l’éthique médicale que ce médecin naufragé de l’âme nous racontera ici.
Réunis dans un noir presque total, c’est rivés à leur fauteuil que les spectateurs ont écouté attentivement, pendant une heure et demie, le récit de cette descente aux enfers. La petite salle de la Place des Arts se prêtait merveilleusement bien à ce récit intimiste, où tous les éléments de la scénographie étaient réunis pour mettre en relief le jeu de l’acteur.
Sur la scène, on ne retrouvait que quelques boîtes de bois, une chaise de bois et un long linceul, en guise de décor. Une lumière, suspendue au centre, jouait un rôle majeur dans l’éclairage et la dramatisation du récit. Ce décor, fort minimaliste, était judicieusement choisi et utilisé à son maximum, dans une multitude de situations. La chaise, par exemple, pouvait être utilisée comme simple siège, mais aussi comme arme symbolique. Il n’y a rien de plus efficace qu’une scénographie épurée pour mettre l’accent sur le texte et le jeu de l’acteur…
Alexis Moncorgé, seul en scène, est bien efficace pour nous raconter cette histoire tragique. Son jeu, étudié et sculpté au quart de tour par les très nombreuses représentations qu’il a effectuées jusqu’à maintenant, nous convainc instantanément. Il a le physique de l’emploi… Jeune, agile, expressif, habillé de façon décontractée, il a tout de ce jeune médecin un peu idéaliste, parti aider dans un pays pauvre. Bien que cette pièce soit en grande partie un monologue, il ne ménage aucun geste, aucun effort, afin de la rendre vivante et captivante.
Il livre un jeu théâtral très physique, loin du récitatif. Il joue également les deux rôles des personnages secondaires: celui de la femme venue lui demander son aide et celui de son médecin en chef. Toute une performance!
L’éclairage, réalisé par Denis Koransky, est en soi une œuvre d’art. Judicieusement employé, il n’éclairait, très souvent, que la moitié du visage du comédien, pour indiquer que ce dernier nous faisait des confidences. La scène, plongée dans l’obscurité – pour faire analogie avec l’atmosphère d’un bateau la nuit – n’était éclairée que parcimonieusement et sur les éléments où l’on désirait que le spectateur porte le regard.
La metteuse en scène, Caroline Darnay, a su jouer avec tous les éléments du décor et de l’éclairage pour en tirer le maximum d’efficacité et de possibilités. Un rideau, au fond de la scène, a pu être mis à contribution pour fabriquer des ombres chinoises, montrant le protagoniste en train de fuir à toutes jambes. Tous ces éléments rendent la production vivante.
La création sonore n’était pas en reste… Assurée par Thomas Cordé, elle était également judicieusement exploitée. À travers les voix hors champ de Benjamin Nissen et Laurent Feuillebois, le narrateur nous relatait des bribes du récit, et des sons choisis servaient à en évoquer l’atmosphère.
Bref, Amok est une histoire forte et intense, qui a trouvé chaussure à son pied avec l’interprétation d’Alexis Moncorgé et le concours de toute l’équipe qui l’a mise au monde.
L'avis
de la rédaction